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Centrale Saint-Louis : Ils veulent la tête de Collendaveloo

14 juin 2020

Ivan Collendavelloo est dans une position délicate.

La facture risque d’être salée pour le vice-Premier ministre. C’est ce que souhaite, en tout cas, les membres de l’opposition. Depuis que le générateur de l’affaire de la centrale Saint-Louis a fait boum (suite à un communiqué de la Banque de développement africaine (BAD) estimant que la Burmeister & Wain Scandinavian Contractor, compagnie responsable de la mise en place de turbines, aurait remis des pots-de-vin à des officiels mauriciens afin d’obtenir le contrat valant Rs 4,3 milliards), Ivan Collendaveloo doit tenter d’éviter tout court-circuitage. Surtout qu’au Parlement, après la Private Notice Question du leader de l’opposition Arvind Boolell et les«I am not aware of» du Premier ministre, le chef de file du ML ne peut nier sa posture peu enviable, tel un halogène en pleine semaine verte.

 

La décision de Pravind Jugnauth de révoquer le board du CEB, dans la soirée du samedi 13 juin, complique certainement les choses. C’est suite à une réunion avec ses proches collaborateurs que le chef du gouvernement a fait ce choix.  Il avait reçu, plus tôt, des documents d’Arvind Boolell ; le leader de l’opposition jugeait qu’ils étaient incriminants. Pravind Jugnauth a nommé Radakrishna Chellapermal, Deputy Financial Secretary, comme président du nouveau Conseil d’administration.

 

Au CEB, la tempête électrique avait fait sa première victime, la veille : le General Manager, Shamsheer Mukoon, avait été suspendu suite à une réunion du board, qui n’est désormais, plus en fonction, le vendredi 13 juin. Il avait dû step down dans le cadre d’une enquête sur les correspondances entre la BWSC et la CEB. Et ce n’était que le début, annonçait-on du côté de l’opposition. Une prédiction…lumineuse. Reste que, malgré tout, la lumière à éteindre semble être le ministre des Énergies (que nous avons essayé de contacter à multiples reprises, en vain) qui a le soutien du Premier ministre. Pourquoi ?

 

Pour Arvind Boolell, la réponse est simple :«C’est impossible qu’il n’ait pas été au courant !» Pas mis au jus, quoi. La CEB est sous son administration et son pote de parti, Seety Naidoo (candidat battu de l’alliance MSM-ML aux dernières législatives) en était d’ailleurs le président jusqu’au samedi 13 juin – sa démission était aussi réclamée par l’opposition. Il est celui qui aurait signé le contrat avec la firme danoise en 2016 mais il affirme ne pas avoir été au courant de possibles malversations (voir ci-contre)… Arvind Boolell, lui, n’y croit pas vraiment. Il est le moteur de cette affaire au parfum de scandale. Et depuis le communiqué de la BAD, il fait turbiner la machine à révélations. Un autre de ses gajaks : un sous-contracteur aurait facilité ces bribes. Il serait détenteur de 30 arpents de Pas géométriques, avec avantages bien sympathiques. À la demande du Premier ministre, Arvind Boolell lui a remis les documents en sa possession en fin de semaine. Les jours qui viennent s’annoncent donc… électriques.

 

Intervention du ministre ?

 

De plus, le leader de l’opposition affirme qu’Ivan Collendaveloo était«bien au courant» car l’affaire aurait été évoquée par le board du CEB en février 2019, là où devrait logiquement siéger un représentant de son ministère (ce que dément Seety Naidoo, qui parle d’un entretien entre le General Manager et lui). Le leader de l’opposition ne s’arrête pas là : le ministre Collendaveloo serait intervenu en produisant«un certificate of emergency», afin de faire taire toutes les contestations. C’est, du moins, ce qu’il allègue. Mais au Parlement et lors d’un point de presse en fin de semaine, Pravind Jugnauth n’a pas lâché son partenaire, affirmant que ce dernier lui a assuré ne rien savoir de cette affaire. Le Premier ministre a également voulu rassurer la population. Il n’y aura pas de cover-up, martèle-t-il :«Si ti ena enn non dan sa kominike la, mo asir ou dimounn la ti pou bizin step down.» Désormais, il estime que l’ICAC doit poursuivre son enquête.

 

Malgré les réassurances ici et là, l’opposition ne veut rien entendre, exigeant le départ du ministre (mais aussi l’institution d’une commission d’enquête ou d’un select committee). Pour Navin Ramgoolam, un Collendaveloo qui reste en poste, c’est la porte ouverte aux suspicions :«Si ou res minis ou rant dan biro ou bril tou dosie. Ou tamper with evidence.» Selon Paul Bérenger, il n’y a pas de doute : he must go. Et Kushal Lobine du PMSD en profite pour rajouter une couche : «C’est lui a piloté ce projet, lui a répondu aux PNQ y ayant trait, non ? Il doit step down !» En attendant les conclusions de l’enquête, Ivan Collendaveloo doit s’inquiéter du montant de la facture… ou pas.

 


 

Pour comprendre

 

Des achats de turbines par le CEB. En 2014, le CEB lance un appel d’offres. Le but, c’est de permettre l’installation de turbines de 15 MW à la centrale Saint-Louis. Burmeister & Wain Scandinavian Contractor (BWSC), qui vient de la Danemark, obtient le contrat de ce projet de Rs 4,3 milliards. En mars 2016, ce contrat valant Rs 4,2 milliards avait été signé par le CEB et un représentant de la compagnie danoise Burmeister & Wain, pour les quatre turbines à Saint-Louis.

 

Des allégations de pots-de-vin. C’est la Banque africaine de développement, soutien du projet de Saint-Louis, qui en parle. Elle a initié une enquête sur l’allocation du contrat suite à une information d’un whistleblower en 2018 (BWSC a également initié une enquête interne). Quelles en sont les conclusions ? La BAD les a publiées dans un communiqué le 8 juin : il est suspecté que des officiels mauriciens auraient reçu des bribes afin que des informations secrètes soient transmises à la firme danoise et pas aux autres soumissionnaires. Son action ? Disqualifier BWSC pour 21 mois : l’entreprise est exclue de toute participation de projets que financera la BAD pendant cette période. L’entreprise, elle, a reconnu des pratiques frauduleuses parmi son personnel dans cette affaire et a licencié ceux qui ont été impliqués, deux des personnes concernées ont même été référées à la police.

 

L’ICAC enquête

 

Quoi que souhaite l’opposition, c’est l’ICAC qui mène l’enquête. En fin de semaine, elle a fait une descente dans les locaux du CEB et a publié un communiqué pour assurer de son indépendance et de sa diligence. L'ICAC affirme qu’elle «est déjà en contact avec la Banque africaine de développement, avec laquelle la Commission entretient une étroite collaboration depuis quelques années, en vue d’assurer leur assistance et l’obtention d’une copie de leur enquête». Un document ardemment désiré ; malgré les demandes du gouvernement, la BAD a refusé de lui remettre une copie car il n’est pas an investigating body.

 


 

Seety Naidoo : «Je n’étais au courant de rien»

 

 

Cet entretien a été réalisé avant la dissolution du board du CEB, par le Premier ministre. Depuis, l’ex-Chairman du CEB n’est plus joignable. Plus tôt, ce samedi 13 juin, il n’en démordait pas : il n’avait rien à voir avec les malversations alléguées. Mais il était bien au courant d’une correspondance… Est-ce cette déclaration que certains jugent comme étant «maladroite» qui aurait changé la donne pour lui et son Conseil d’administration ?

 

Quel est votre état d’esprit?

 

Je suis serein, jovial. Je n’ai rien à craindre. Demain (NdlR : ce dimanche 14 juin), je prévois de belles choses et de beaux moments en famille.

 

Ces pots-de-vin alors : étiez-vous au courant ?

 

Je n’étais au courant de rien !

 

En avez-vous bénéficié ?

 

Absolument pas !

 

Vous ne comptez pas démissionner ?

 

La question ne se pose pas. Il faut laisser l’enquête suivre son cours.

 

Sur Radio Plus, vous dites être au courant de la lettre de février 2019 venant de BWSC pour le CEB et parlant d’une enquête. Donc, vous saviez déjà de quoi il en retournait…

 

Quand le General Manager m’en a parlé, il n’était pas question de malversation ou du CEB. Juste d’une enquête au niveau interne de BWSC au Danemark. Shamsheer Mukoon a fait une demande de précisions. Je lui ai demandé de suivre l’affaire et de faire part des réponses au board. J’attendais qu’il vienne au board avec les précisions : tout ce qui se passe au board remonte au ministre.

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