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Chanson à caractère raciste au RCC : entre révolte, actions et sanctions

14 mars 2023

Un vent de révolte a soufflé sur Maurice cette semaine. Et les responsables ne sont autres qu’un groupe d’élèves du Royal College of Curepipe (RCC) entonnant une chanson à caractère raciste et discriminatoire envers la communauté créole (les paroles originales ont été changées) lors de la proclamation des lauréats le 10 février. La vidéo de la scène a fait le buzz cette semaine sur les réseaux sociaux, soulevant beaucoup d’indignation parmi la population. Les réactions ont plu sur le Net et dans les médias pour dénoncer ce comportement et appeler à des actions et des sanctions.

 

Après la lettre d’excuse de la direction du collège peu après, une décision du ministère de l’Éducation était d’ailleurs très attendue. Celle-ci a fini par venir le jeudi 9 mars, annonçant l’annulation de la journée sportive et du jour de congé accordé dans la cadre de la proclamation des lauréats, la mise en place d’un comité disciplinaire au RCC et également que les coupables, qui se sont excusés, auront droit à des mesures correctives et des travaux communautaires, en sus d’être suivis par un psychologue pour leur expliquer les valeurs essentielles de la vie.

 

Malgré cela, les membres d’Affirmative Action ont maintenu leur manifestation pacifique devant le collège le vendredi 10 mars. Ils ont aussi rencontré le recteur et lui ont remis une lettre qui a aussi été envoyée au ministère de l’Éducation. «Notre but n’est pas de faire du désordre, surtout que nous savons que par le passé, la chanson ne comprenait pas ces paroles. Les autres communautés dans la chanson, eux, vendent de la nourriture mais le créole, lui, non. De tels propos sont irrespectueux. Certaines personnes nous demandent de pardonner comme nous sommes en période de carême. Oui, nous pardonnons mais nous agissons aussi car sinon il y a des choses qui ne s’arrêteront jamais», commente le père Jean Claude Véder, membre d’Affirmative Action.

 

Concernant les sanctions du ministère, il avance : «C’est un groupe d’élèves qui est concerné, donc pourquoi tous les mettre dans le même panier ? La sanction n’a pas de sens !» Les membres d’Affirmative Action espèrent des excuses publiques car les actions, disent-ils, ont eu lieu en public. De plus, a expliqué le père Gérard Mongelard, «seki pe arive zordi-la se parski inn tro tolere. Nous aimons notre pays et nous aussi nous avons notre place. Mais notre pays est malade et nous ne pouvons pas vivre dans une ambiance communale».

 

D’anciens élèves du RCC ont aussi réagi à cette polémique, à l’instar d’Aqiil Gopee, ancien lauréat du collège. «Il faut avant tout arrêter avec ce sens d’appartenance tribal, cette idée fausse derrière la chanson qui dit que mo enn mari, comme si le sens de supériorité permet de ne pas respecter les autres. Il faut aussi voir ce problème dans son ensemble plus large : une seule personne n’est pas responsable de toute cette histoire, j’ai l’impression qu’il y a un laisser-aller venant de plusieurs sources.»

 

Le père Labour, ancien élève du collège Royal, invité par la direction de l’établissement pour participer à la cérémonie de lever du drapeau qui devait avoir lieu le vendredi 10 mars, a finalement décliné l’invitation. Dans un communiqué, il déclare : «Des excuses ne suffisent pas. Il faut aussi des sanctions afin de montrer la volonté ferme qu’une institution ne saurait tolérer en son sein des racistes. Nous attendons un signal clair des autorités supérieures du pays pour montrer que ce genre de racisme n’est pas cultivé dans les institutions d’un pays multiculturel.» Et d’ajouter : «Les Old Royals de notre génération, du temps de notre scolarité, avions cultivé d’autres rêves pour notre pays.»

 

Une ancienne enseignante de cet établissement abonde dans le même sens. «Le monde a changé et il y a eu des bouleversements dans le système éducatif, on ne parle plus aujourd'hui du collège Royal de Curepipe mais de la Royal Academy... Ce qui inclut les garçons et les filles. La sensibilité y est maintenant plus grande et les chansons, dans cette nouvelle configuration, doivent obligatoirement prendre en compte la sensibilité et le respect des filles. De ce fait, oui, il faut définitivement revoir la teneur de ces “chansons’”et leur existence même.»

 

Un élève du John Kennedy College avance, pour sa part, que toutes ces chansons n’ont pas lieu d’être. «Que nous soyons des star schools ou non, les célébrations peuvent se faire sans besoin d’attaquer un genre, une communauté ou un autre établissement. En tant que jeune, je trouve dommage de prôner ce type de réflexion car nous sommes l’avenir du pays. Tout cela me fait m’interroger sur quel type d’île Maurice il y aura dans 5-10 ans. Une communauté qui domine l’autre ? La dictature ? Plus de paix nationale ?»

 

La United Deputy Rectors and Rectors’ Union, de son côté, condamne l’acte des étudiants, tout en soulignant que des actions ont été prises et qu’il est maintenant temps de travailler avec la société civile pour qu'un tel événement ne se reproduise pas. «Cependant, on voit que certaines personnes et non des moindres – des hommes religieux – essaient de tirer la ficelle trop fort afin de briser la cohésion sociale dans le pays. Ces recteurs, ainsi que les élèves des écoles concernées, reçoivent des menaces et des commentaires hostiles (…) Nous voulons collaborer avec toutes les parties lésées et nous sommes ouverts aux suggestions fructueuses pour l'amélioration de notre génération future et de l’avenir de ces enfants, in peace, justice and liberty.»

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