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Covid-19 : classes en présentiel : les parents toujours «on» mais…

22 février 2022

Ce qu’elle craignait est arrivé. Béatrice Fidèle-Beehary, maman d’un petit bonhomme, découvre que celui-ci est positif à la Covid-19 une semaine après la reprise des classes. Elle qui n’en pouvait plus du homeschooling rêvait d’un retour en présentiel mais ne s’attendait pas à ce que son fils chope la maladie aussi vite. Quelques jours après, c’est elle qui ne se sent pas bien. Malgré les précautions, elle a également contracté le virus. Alors que Kyle, en pleine forme, reprend son quotidien, elle, elle ne se sent pas très bien. Malgré cela, elle l'affirme, l’école ne doit pas fermer : «Je suis toujours pour le maintien de l'ouverture. Mais il faudrait, absolument, revoir le protocole. Opter pour l’alternance peut être.»

 

Comme celle de Béatrice, de nombreuses familles vivent des moments compliqués depuis la reprise des classes en présentiel. Nishal, papa de deux enfants, raconte : «C’est le petit dernier qui a contracté le virus en premier, puis tout le monde à la maison l’a attrapé. C’est vraiment la galère. Ma femme et moi sommes malades mais nous devons nous occuper d’eux. On se sent un peu démunis. Mais je sais que c’est un mauvais moment à passer et que la vie doit reprendre son cours avec des écoles qui fonctionnent.» La première semaine de la rentrée, c’était un peu la pagaille. Des parents affolés apprenaient qu’aucun réel protocole n’était totalement effectif, on entendait parler de cas au quotidien dans les établissements scolaires… La testing team n’était pas encore opérationnelle. Et des voix se sont vite élevées pour demander une nouvelle fermeture des écoles (avant de venir de l’avant avec d’autres propositions : voir hors-texte).

 

Néanmoins, la ministre de l’Éducation, Leela Devi-Dookhun, a balayé cette éventualité : «La fermeture des écoles n’est pas d’actualité. Il est nécessaire qu’il y ait une continuité pédagogique et d’apprentissage.» Elle a souligné que 4% des élèves qui sont dépistés sont positifs, ce qui ne serait pas un chiffre alarmant. Pour Magali Deliot, également maman, il faut cesser «de vivre dans la peur constante de ce virus» : «Fermer les écoles n'est pas une solution mais l'école en alternance, comme en 2021, oui. Le virus va durer des années et nous serons certainement tous infectés à un moment donné. Même en prenant toutes les précautions, nous l'aurons. Il est temps d'arrêter cette psychose malsaine.»

 

L’éducation des enfants, leur socialisation et leur santé mentale sont importantes. Et tout cela passe par l’école, estime Irna Sameeraz-Jafeerbeg, maman d’une ado. Elle veut garder le regard tourné vers l’avenir : «Si ce virus ne part pas avant 10 ans, les écoles seront fermées pendant 10 ans ? Et il se passe quoi avec les enfants qui doivent prendre part aux examanes du SC et du HSC ? Il faut être réaliste et responsable. Les enfants ont besoin de leur éducation. Les enfants ont beaucoup souffert déjà. Dans le monde, les écoles sont ouvertes partout. Alors pourquoi pas à Maurice ?»  Anuradha Huree est aussi de cet avis. Même si elle s’inquiète pour ses deux enfants, Vincze et Jia : «Leur santé est la chose la plus importante pour moi, mais si on ferme les écoles à nouveau, je sais qu’ils seront encore plus en retard, encore plus chamboulés. Cela fait 1 an et demi qu’ils sont bloqués dans la même classe et c’est dommage.»

 

Pour elle, les cours en ligne ont montré leur limite : «Malheureusement, contrairement aux écoles privées, au niveau des écoles publiques, il n’y a pas une bonne organisation et un bon suivi au niveau des matières. Sans compter que, même en 2022, beaucoup de familles n’ont toujours pas les moyens pour donner les facilités qu’il faut aux enfants.» Le présentiel est donc essentiel, selon elle, malgré les risques. Mais il faudrait que les autorités ainsi que les parents prennent leurs responsabilités. Respect des protocoles sanitaires et bon sens doivent prévaloir : «Si votre enfant est malade, il ne faut pas persister à l’envoyer à l’école au risque de contaminer ses camarades de classe, déjà en temps normal, tout parent responsable ne devrait pas faire ça.»

 

Oui… mais non ! Aucun argument ne pourrait convaincre Arabelle Chan. Et elle souffle un peu parce que le Lycée Labourdonnais, que fréquente son fils Lucas, est actuellement en congé : «L’éducation est importante, d’accord. Mais Lucas a dû à deux reprises être en isolation, vu qu'il a été en contact direct avec des contaminés. Donc, les rapid tests chaque deux jours et pas de classe, ça ne vient pas aider. On ne peut pas empêcher nos enfants d’avoir peur d’attraper le virus, surtout avec ce qui se passe.» C’est un climat anxiogène qui plombe le quotidien.

 

Et elle serait pour que le ministère fasse machine arrière : «Au moins avec l’école à la maison, il ne s’étouffait pas avec un masque toute la journée et n’avait pas à prendre encore plus de risque dans un van scolaire bondé. C’est à nous les parents de gérer le côté psychologique de l’enfant avec l’école à la maison et les écrans.» Angélique Sunassee, maman de trois enfants, est aussi de cet avis. Elle estime que le nombre de cas démontre une chose : «Que les mesures ne sont pas forcément respectées. Alors les écoles devraient fermer.» Mais ce ne sera visiblement le cas. Leela Devi-Dookhun estime qu’il faut une «période d’adaptation» et que les choses rentreront vite dans l’ordre.

 

Les enseignants/es dépassés/es

 

Des salles de classe avec 30 enfants, pas de social distancing possible, le port du masque pendant plusieurs heures pour les élèves… Les enseignants/es s’inquiètent et dénoncent : les conditions ne sont pas réunies pour un retour en présentiel. Marie, enseignante au primaire, pousse un cri de dépit : «Les autorités font tout sauf agir comme si notre sort les concerne.» Elle est outrée, en colère et frustrée de tout ce qu’on demande aux enseignants en ce moment. Surtout qu’on les met en danger : «Nous verrons ce que cela donnera quand plus de 15 enseignants seront contaminés simultanément.» Nilesh est aussi de cet avis. Enseignant dans un collège, il doit se battre au quotidien pour que ses élèves gardent le masque. Tous les jours, l’école enregistre, au moins, un cas de contamination. Le virus se propage et il ne se sent ni écouté, ni protégé : «On ne voit même pas la fameuse testing team ! La désinfection régulière dans les classes ; mais c’est un doux rêve ! Vous ne pouvez pas imaginer dans quel état de stress nous travaillons ; nous devons rentrer chez nous et retrouver nos familles tous les après-midis avec la boule au ventre et la peur d’avoir été contaminé.» Shabneez, prof au primaire, estime que le personnel enseignant est taken for granted : «La testing team ne nous teste pas selon le protocole. Nous ne sommes pas à risque nous ? C’est incroyable !»

 

Les «unions» se mobilisent

 

Ils ont fait entendre leurs voix. Les syndicats du secteur éducatif ont fait plusieurs propositions cette semaine. Si certains d’entre eux ont demandé la fermeture des écoles pendant au moins deux semaines, d’autres ont donné des pistes, qu’ils ont fait parvenir au ministère de l’Éducation, pour que le retour en présentiel se passe mieux. Le président de l’Association des recteurs et recteurs-adjoint des collèges d’État, Soondress Sawmynaden, estime qu’il faudrait mettre en place deux shifts par jour avec des classes de 30 minutes. avec la moitié des élèves le matin et l’autre moitié l’après-midi.

 

L’Education Officers’ Union a aussi soumis des propositions : réintroduire les classes en alternance et faire tester les enseignants par la testing team, entre autres. L’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE) pense qu’il faut décentraliser le dépistage pour les enfants, qui doit aussi se faire dans les hôpitaux et dispensaires. La Head Masters’ Union, à travers Annand Seewoosungkur, s’est interrogé sur la capacité des écoles à faire face si plusieurs enseignants sont infectés ou doivent s’auto-isoler: «La situation sera difficile à gérer dans les écoles.»

 

Les «testing teams» ultra-sollicités

 

Elles ne chôment pas. Quatre unités et 91 officiers pour faire du dépistage dans les écoles qui en font la demande : c’est la mission de ces testing teams. Elles ont mis du temps à se mettre en action car il a fallu que les parents signent les formulaires de consentement pour permettre à leurs enfants de se faire dépister. Et au vu des cas rapportés au quotidien dans les écoles, les syndicats de l’éducation estiment que ces équipes ont du mal à répondre à l’appel et qu’il faudrait une décentralisation.

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