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Décès d’Alexandre Cotte, 21 ans : Une vie brisée par la drogue synthétique

4 avril 2016

«Pourquoi lui, pourquoi mon fils ?» pleure Jean-Daniel.

Dans ses yeux, un vide immense. Le corps amaigri, le crâne légèrement dégarni, Jean-Daniel Cotte est l’image même de la douleur. Une douleur que rien ne peut calmer. Car l’univers de cet habitant de Vacoas, âgé de 62 ans, n’est plus qu’un ciel qui ne cesse de s’assombrir un peu plus chaque jour. Les regrets et les larmes sont omniprésents dans sa vie depuis que son fils Emmanuel Alexandre Cotte, 21 ans, s’est envolé vers d’autres cieux il y a quelques jours. Et dans des circonstances terribles.

 

Le jeune homme est décédé sur son lit d’hôpital, le samedi 26 mars, où il est resté durant plusieurs jours suite à la consommation d’une drogue de synthèse. L’autopsie a attribué son décès à un œdème pulmonaire suite à la consommation de drogue de synthèse. Un drame insurmontable pour sa famille. «Je ne vis plus depuis la mort de mon fils. Alexandre était un jeune homme très brillant, il avait toute la vie devant lui. Mais la drogue l’a détruit. Je supplie les jeunes de ne pas prendre cette saleté et de ne pas faire souffrir leurs parents», lâche Jean-Daniel Cotte en larmes. Ce barman à la retraite revient sur cette tragédie dans laquelle il a perdu son unique enfant.

 

Il est aux alentours de 8 heures, le lundi 21 mars, quand Jean-Daniel, qui vit séparé de la mère d’Alexandre, pénètre dans la chambre de celui-ci. Trois jours plus tôt, un rendez-vous avait été pris dans une clinique de l’île pour que Jean-Daniel, non-voyant depuis six mois pour cause de cataracte, se fasse soigner. «Comme je ne vois pas, la maman d’Alexandre, mon ex-femme, m’a proposé de m’y conduire en voiture. Et Alexandre devait nous accompagner. Mais vers 8 heures, lorsque je suis allé frapper à sa porte, je n’ai eu aucune réponse», raconte ce père, en état de choc. Il pénètre alors dans la chambre de son fils et se dirige à l’aveugle vers son lit.

 

Là, il saisit le poignet de son fils qu’il reconnaît par une montre qu’il lui avait offerte quelques années plus tôt. «Je l’ai tiré par le bras, mais il n’y avait aucune réaction. Je l’ai appelé par son nom à plusieurs reprises et il n’y avait pas de réaction. J’ai commencé à paniquer. J’ai appelé un voisin qui a téléphoné au SAMU et mon fils a été conduit à l’hôpital de Candos avant d’être transféré à celui de Jeetoo, à Port-Louis», confie-t-il, la voix brisée par l’émotion.

 

Alexandre, dit-il, est resté sous respiration artificielle pendant deux jours avant de pouvoir respirer normalement. Une petite amélioration qui avait redonné de l’espoir à Jean-Daniel qui s’accrochait désespérément à la possibilité que son fils s’en sorte. «Mais les médecins ont dû le placer à nouveau sous respiration artificielle. Et le samedi 26 mars, c’est par un appel téléphonique du poste de police de l’hôpital Jeetoo que j’ai appris le décès d’Alexandre», pleure Jean-Daniel. Une nouvelle qui l’anéantit. Ses cris de douleur retentissent dans sa maison à la route Tranquille, Vacoas, et alertent tout le voisinage. Les habitants des alentours se précipitent vers la maison et apprennent ainsi l’horrible nouvelle.

 

Séparation

 

«Je nageais en plein cauchemar. Pourquoi mon fils, pourquoi lui ? Il était si brillant.»Jean-Daniel explique que la descente aux enfers de son fils, ex-élève du collège St-Esprit, a commencé il y a trois ans, à la séparation de ses parents. «Il l’a très mal vécue. Il n’a même pas pu participer aux examens du School Certificate.Depuis quelques mois, on l’avait inscrit dans une institution à ébène où il étudiait l’informatique, un domaine dans lequel il voulait faire carrière.»

 

Jean-Daniel savait-il que son fils consommait des produits illicites ? Il répond par la négative. «Depuis que je ne vois plus, je sentais qu’il y avait des choses bizarres qui se passaient sous mon toit. J’entendais des voix tard dans la nuit. Alexandre disait toujours que c’était ses amis et qu’il ne fallait pas que je m’inquiète. Et la veille du jour où je l’ai retrouvé inconscient dans son lit, j’avais entendu quelqu’un vomir. Je ne sais pas si c’était mon fils ou quelqu’un d’autre», soutient ce père de famille. Mélanie Fanchette, la sœur de Jean-Daniel, confie, elle, que des membres de la famille étaient au courant qu’Alexandre prenait de la drogue et ont tout fait pour le faire arrêter : «Je lui ai parlé personnellement. Je l’ai supplié d’arrêter. Il me disait oui à chaque fois. Mais il continuait. C’est très triste.»

 

Le plus terrible, c’est que le décès d’Alexandre survient seulement trois mois après celui de son cousin Brian Cotte, âgé de 23 ans. Cet habitant de la Cité La Caverne, Vacoas, avait été retrouvé inconscient au domicile d’un de ses amis de cette localité, le 3 janvier. À l’hôpital, le personnel soignant n’avait pu que constater son décès. L’autopsie avait attribué son décès à la consommation d’un mélange de méthadone, de Rivotrilet de brown sugar. Et à la veille de son décès, selon Jean-Daniel Cotte, Brian était chez lui, en compagnie de son fils Alexandre.

 

«A-t-il été piégé ?»

 

Depuis, la famille de Brian remonte difficilement la pente. Sa sœur Jane témoigne d’une voix remplie d’émotion :«Mon frère me manque chaque jour. On était très proches. La drogue n’apporte que des malheurs. À la jeunesse, je leur dis que la vie est belle et qu’elle mérite d’être vécue. Il faut juste la vivre sainement.»Jane n’arrête pas de regretter le départ de son frère : «Brian était un jeune homme plein de vie. Il faisait le va-et-vient entre Maurice, La Réunion et la France. D’ailleurs, il avait prévu de partir en France vers le 15 janvier ou même avant. Mais il est mort le 3 janvier», déplore-t-elle. Toutefois, Jane refuse de croire que son frère a pu consommer un tel mélange mortel. «A-t-il été piégé ? En tout cas, une enquête a été ouverte, mais je ne sais pas où elle en est.»

 

En juillet 2015, Ahmad Kaleem Razack Bacsou, un habitant de Sainte-Croix, âgé de 21 ans, avait lui aussi succombé à une consommation de drogue synthétique. Le Dr Maxwell Monvoisin, Principal Police Medical Officer, avait attribué le décès à un œdème cérébral et pulmonaire aigu. D’autres jeunes ont subi le même sort ces derniers temps à cause de la drogue synthétique ou ont eu de graves problèmes de santé. Partout dans l’île, la drogue synthétique gagne un peu plus de terrain au fil des jours. Menaçant la vie des jeunes mauriciens, entraînant, dans certains cas, une mort inévitable. 

 


 

Les travailleurs sociaux de Vacoas se mobilisent

 

Pour Amédée Blain, travailleur social dans la région de Vacoas et habitant Cité La Caverne, il est urgent d’agir afin de combattre la prolifération de la drogue synthétique dans l’île. «Cette drogue fait des ravages. Ici, à Cité La Caverne, la drogue synthétique se vend comme des petits pains. Heureusement que les habitants commencent à prendre conscience du mal que cette drogue peut faire. Surtout lorsqu’on voit des enfants de 12 ans à peine qui la consomment», explique celui qui avait organisé une marche en février dans les rues de Vacoas afin de sensibiliser les jeunes et les adultes à ce fléau.

 

«Après le décès de Brian Cotte, on ne pouvait pas rester les bras croisés», dit-il. Alain Laviolette, travailleur social également et habitant Cité La Caverne, a, pour sa part, mis sur pied un mouvement baptisé Valer nou la vi depuis octobre 2015, suite à l’apparition des drogues de synthèse dans sa localité. «Avec le soutien de plusieurs athlètes de notre localité, j’ai mis sur pied ce mouvement qui regroupe les jeunes du quartier. On fait plusieurs activités comme le théâtre, la musique et le slam. Et les parents ne sont pas laissés pour compte. Mais il faut qu’il y ait une continuité pour que les choses changent», explique-t-il.

 

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