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Dr Wasseem Ballam : «Anil Gayan banalise les agressions des médecins»

8 juillet 2015

Dr Wasseem Ballam : «Anil Gayan banalise les agressions des médecins»

Les agressions des médecins dans l’exercice de leurs fonctions semblent être un phénomène qui prend de l’ampleur. Comment l’expliquez-vous ?

 

La situation devient de plus en plus inquiétante. L’administration elle-même est responsable de cette situation. Elle ne prend pas en considération les recommandations des médecins qui savent dans quelles conditions ils travaillent. Par exemple, avant l’ouverture des mediclinics 24 heures/24, il n’y a eu aucune consultation avec les médecins. Nous ne sommes pas contre l’ouverture des mediclinics. Mais il faut aussi assurer la protection des médecins. Car le soir, il y a des patients qui arrivent à l’hôpital sous l’effet de l’alcool et qui sont prêts à tout casser. Pour parer à ce genre de situations, on réclame plus de sécurité et une meilleure présence policière dans les hôpitaux et les mediclinics. Récemment, une doctoresse a été agressée et a même dû subir une opération chirurgicale après avoir eu la mâchoire fracturée. Ce n’est pas normal. En signe de solidarité envers elle, les médecins de l’hôpital du Nord ont organisé une prostestation le 9 juin pour faire entendre leurs griefs.

 

Justement, ces médecins, 47 au total, doivent maintenant s’expliquer suite à une correspondance reçue du ministère de la Santé le 2 juillet. Vos commentaires ?

 

Nous sommes dans un État de droit et lorsqu’on sent que nos droits ne sont pas respectés, on les revendique. C’est ce que ces médecins ont fait. Mais maintenant, ils doivent venir s’expliquer. C’est une tentative d’intimidation de la part du ministère. Je déplore aussi le fait que le ministre Gayan lui-même n’écoute pas les recommandations de son staff. Comment s’étonner alors que nos hôpitaux se transforment en champ de bataille ?

 

Les médecins du SAMU sont parfois pris pour cible lorsqu’ils arrivent quelque part. La présence d’un policier pourrait-elle garantir leur sécurité ?

 

Il y a eu plusieurs cas où les médecins du SAMU ont été agressés dans l’exercice de leurs fonctions. L’une des mesures qu’on a proposées au ministère, c’est que l’équipe du SAMU soit accompagnée d’au moins un policier. Mais à ce jour, nous n’avons eu aucune réponse. L’administration fait la sourde oreille. Quoi qu’il en soit, cette mesure pourrait dissuader les gens d’agresser les médecins. Mais ce n’est pas la solution, car rien que la semaine dernière, un médecin du SAMU ainsi qu’un infirmier ont été agressés au nez et à la barbe des policiers. À mon avis, il est grand temps de mener une campagne de sensibilisation au niveau national sur les agressions contre les médecins.

 

Les patients se plaignent, pour leur part, de certains médecins qui consulteraient en temps record ou tiendraient un langage dur envers eux. Que répondez-vous à cela ?

 

C’est vrai dans certains cas. Mais il faut savoir pourquoi les médecins sont dépassés par certaines situations. Premièrement, le nombre de patients a augmenté. Par exemple, en 2012, on a recensé près de 800 millions de passages dans nos hôpitaux. Et il n’y a pas suffisamment de médecins pour répondre à cette demande. Actuellement, les médecins généralistes sont même appelés à travailler pendant 31 heures non-stop. Ce n’est pas possible. Nous sommes des humains, pas des robots. Il est clair que le service offert ne sera pas le même après plus de 15 heures de travail. Il y a aussi nos conditions salariales qui ne motivent pas, en plus de travailler avec la peur de se faire agresser verbalement ou physiquement. Franchement, ce n’est pas simple.

 

Que faire dans ce cas-là pour améliorer le service offert aux patients ?

 

La solution est très simple. Mais il manque la volonté politique. Il y a 450 médecins au chômage et le ministre de la Santé a annoncé que seulement 100 d’entre eux seront recrutés. Or, il y a de la place pour les 350 médecins restants. Pour ce faire, il suffit d’appliquer les recommandations du PRB de 2013, qui préconisent que les médecins travaillent sur un shift system. Ainsi, le service de la santé pourra absorber ces médecins au chômage. Tout le monde en sortira gagnant. D’un, le patient recevra une meilleure prise en charge et de deux, le médecin sera plus productif.

 

Si ces recommandations ne sont jamais appliquées, que ferez-vous ?

 

Pour un service aussi important que la santé, je ne saurais expliquer cette lenteur administrative à faire avancer les choses. Anil Gayan est le ministre de la Santé le plus impopulaire qu’on ait eu jusqu’ici. Il n’écoute pas les recommandations du personnel soignant, banalise les agressions des médecins. S’il ne compte pas venir de l’avant avec le shift system, qu’il définisse les horaires de repos pour les médecins généralistes qui travaillent plus de 30 heures de suite. On n’a même pas le temps de manger tant la liste d’attente est longue. Ou encore quand on est sollicité pour des cas jugés urgents.

 


 

Bio express

 

Âge: 35 ans

 

Statut: marié, père d’un petit garçon d’un an et demi

 

Profession: médecin généraliste depuis 2009

 

Parcours scolaire: a étudié au collège Royal de Curepipe, s’est ensuite envolé pour l’Ukraine pour des études de médecine

 

Passion: le syndicalisme

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