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Grand oral de Pravind Jugnauth : bidze-la, ki pe dir ?

Le «Budget Speech» a été décrié et applaudi… comme chaque année.

Soup, pa soup ? Pour son dernier Budget (logiquement) avant les prochaines élections, Pravind Jugnauth n’a pas osé le tou labous dou. Néanmoins, certaines mesures populaires se sont glissées dans son grand oral pour faire sourire les Mauriciens. Le toukmaria est moins cher ! L’essence, le diesel et le gaz aussi. Pas d’augmentation sur les boissons alcoolisées et les cigarettes. Un seuil d’exemption pour la taxe revu légèrement à la hausse (voir hors-texte). De quoi satisfaire – ou pas – les Mauriciens qui rêvaient du retour de leur pouvoir d’achat et qui n’y ont pas, visiblement, trouvé leur compte.

Parmi ces décisions prévues pour faire dimounn kontan, certaines ont fait tiquer : Rs 500 de plus pour la pension de vieillesse et Rs 1 000 aux fonctionnaires, en attendant le rapport du Pay Research Bureau. D’autres, plus sérieuses, ont rassuré : le recrutement de Discipline Masters ou encore l’abolition de la remise de peine pour ceux reconnus coupables de meurtre (même certains travailleurs sociaux estiment qu’il en faudrait de même pour les trafiquants de drogue). Politiciens de l’opposition ont critiqué (comme d’habitude). Économistes ont tantôt salué, tantôt émis des doutes concernant la pertinence de l’incontournable Budget à répondre aux véritables enjeux économiques (la relance, l’emploi, l’endettement, l’investissement, entre autres). Tout comme les syndicalistes qui, du point de vue du salarié, ont émis des réserves… 

 

Pour survoler cet exercice annuel ardu et, souvent, aride, nous avons demandé aux Mauriciens de s’exprimer sur ces mesures qui les touchent de près. Alors, soup pa soup ?

 


 

 

Hausse de la pension de vieillesse

 

Marie-Louise Carey : «Li pa sifizan»

 

 

 

Fin d’après-midi ensoleillé à Baie-du-Tombeau. Marie-Louise Carey, 68 ans, s’offre un bain de soleil timide, à l’ombre d’un arbre, en attendant son petit-enfant que le van doit déposer : «Je fais ça tous les jours.» Avec la patience qui accompagne les longues journées qui passent, elle contemple l’asphalte, les voitures qui passent, les gens qui marchent, les brins de canne à sucre qui dansent avec la légère brise. Et elle a eu le temps de penser au Budget de Pravind Jugnauth. Pas dans son intégralité, non. Les chiffres, l’économie et la politique, ça ne l’intéresse pas vraiment. Mais ce qui touche à sa pension de retraite a trouvé un écho en elle. Alors, la hausse de Rs 500 de son ti kas, elle peut en parler. «Li pa sifizan», lance-t-elle, comme si elle s’attendait à la question.

 

Pas de seconde de réflexion nécessaire pour ce constat cinglant. Elle, elle connaît la difficulté de vivre avec sa pension : «Tout est cher ! Comment on fait pour s’en sortir ?» Ce qui l’agace un peu, également, c’est qu’il faudra, en plus, attendre janvier pour cette hausse. En plus, l’autre mesure budgétaire qui concerne les personnes âgées ne permet pas de faire passer cette pilule amère. Le médecin à domicile à partir de 60 ans… À condition de ne pouvoir se déplacer ne séduit pas : «De tout fason, ki pou donn nou ? Panadol ? Ek fode mo pa kapav marse pou ki zot aksepte vinn get mwa ; pa vo lapenn.»

 

À quelques pas de là, Pierre-Louis Fructueux, 83 ans, s’adonne à la même activité que Marie-Louise : get le pasan. Ses espoirs ont été déçus, dit-il. Pendant un temps, il y avait cette rumeur qui laissait croire que la pension de vieillesse s’alignerait sur le salaire minimal. Alors, ces Rs 500, c’était la douche froide. Heureusement, dit-il, qu’à son âge, il a sa maison, n’a pas besoin de payer de loyer. Mais la nourriture, l’électricité et l’eau, c’est un budget conséquent à prévoir et joindre les deux bouts n’est pas évident : «Nou maye  mem nou.»

 

Maya Bissoon, 72 ans, ne dira pas le contraire. Cette habitante de Triolet, qui s’offre un footing de début de soirée sur l’artère principale et animée du village, estime que «kas-la pa ase» : «Tou zafer ser ! Kot nou pou ale ar sa ?»

 


 

 

Toukmaria, aplam, vermicelle : euh…

 

Sanju Rughoonauth et sa maman Rassilah dans leur boutique.

 

Mari ser sa ! Tellement onéreux qu’il fallait absolument baisser le prix de ces aliments. Vermicelle, toukmaria, sagoo, grains de lin, aplam, graines de moutarde et graines de sésame sont la partie labous dou du Budget. C’est la bonne idée de Pravind Jugnauth et celle qui a fait sourire les réseaux sociaux, cette semaine.

 

Samad, vendeur d’alouda dans une lafwar du centre de l’île, qui préfère koz-koze sans attirer l’attention ; un relogement et des problèmes avec les autorités lui ont appris à faire profil bas. À ses clients qui lui demandent une baisse du prix de son verre de bonheur glacé, il répond avec le sourire : «C’est agaçant ! Mais bon, je ne le prends pas mal, je dis simplement que si le prix du lait avait baissé, ça aurait été différent.» Un alouda sans toukmaria, ce n’est pas la même chose, d’accord. Mais pour ce que ça coûte, ça ne change absolument rien dans sa production, explique Samad.

 

Sanju Rughoonauth, à la tête du Mapou Store, a, lui, depuis longtemps avoy toukmaria manze. Il fabrique de l’alouda qu’il vend dans sa boutique, véritable caverne de miam avec ses lezel poul et autres ti gajak : «Je fais sans moi, comme ça, le lait se conserve plus longtemps.» Concernant les gourmandises qu’il sert et le gaz qu’il utilise (et dont le prix a baissé), sa maman Rassillah et lui sont du même avis : «Les prix ne vont pas baisser. Les aliments importants, la farine ou encore l’huile, n’ont pas bougé. Alors, ça ne change rien pour nous. Nos frais restent les mêmes.»

 

Avis de consommateurs. Déferlante de commentaires sur les réseaux sociaux et les radios privées, cette semaine, pour commenter la baisse des prix de ces produits. Chalini n’a pas commenté ni appelé mais elle n’en pense pas moins. Cette maman de trois enfants, habitante de Bambous, s’attendait à une baisse du prix du lait mais elle a été bien déçue : «Pravind Jugnauth s’est moqué de nous. Moi, je le dis ! Alors que la population souffre et a des difficultés à joindre les deux bouts, il baisse les prix de ces produits-là ? Ce n’est pas possible, non ? Est-ce que les Mauriciens le réalisent ?» Pas forcément !

 

Rizwana, de Plaine-Verte, adepte de pudding en tous genres – vermicelle, sagoo, mais aussi manioc et patate – se réjouit de cette baisse de prix : «Moi, je dis que toute économie est bonne à prendre. En plus, j’utilise beaucoup ces produits-là. Alors, ça me fait plaisir, même si ça ne change pas ma vie. Soyons honnêtes.»

 


 

 

Baisse du prix du gaz, de l’essence et du diesel : pas d’effet boule de neige

 

Wesley Manan estime qu’il y a d’autres frais.

 

Dans la vitrine, gourmandise vintage. Gato franse tout en générosité. Biscuits champagne énormes et génoise-custard à faire rêver d’une tasse de thé. À la pâtisserie Mimi Chocolat, les prix sont mini. Et ils ne vont pas rétrécir malgré les petites gâteries de Pravind Jugnauth qui a kokin le job du Petroleum Pricing Committee (depuis le mardi 11 juin, le litre d’essence est à Rs 44 au lieu de Rs 47, et le diesel à Rs 35 au lieu de Rs 38). Dans le même esprit, il a annoncé que le prix de la bonbonne de gaz s’offrait un relooking à Rs 210. Des dépenses en moins, donc, pour Wesley Manan et sa pâtisserie. Mais rien, assure-t-il, qui puisse permettre de réduire le prix de ses pâtisseries : «Ce n’est pas le gaz ménager tout seul qui coûte cher. C’est la farine, le sucre et le beurre. Et sur ces produits-là, il n’y a pas eu de baisse. Alors, ce ne sera pas possible de revoir nos prix.» Les denrées de base essentielles au quotidien n’ont pas perdu de poids lors du grand oral du ministre des Finances, même s’il s’agissait là d’une demande pressante de la population.

 

«Revoir notre pouvoir d’achat, c’était ça le plus important. Pas les autres choses. Mais non, il annonce une baisse de l’essence, comme un cadeau, alors que c’est dans l’ordre des choses», confie Sailesh, habitant de Lallmatie, un chauffeur de taxi marron, dont les longues routes lui permettent de nourrir sa réflexion. Et son refus de faire baisser le prix de ses courses : «Il n’y a pas que l’essence : il y a l’entretien du véhicule, la déclaration, l’assurance, on ne peut pas baisser nos prix koumsa bona vini.» Farata, dol pouri et autres petites gâteries ne comptent pas faire un slim and trim au niveau du prix, non plus. «Nou ena lezot depans», estiment les marchands interrogés.

 


 

 

Les chiffres du seuil d’exemption 

Un individu sans personne à charge : Rs 310 000 - Un individu avec une personne à charge : Rs 420 000 - Un individu avec deux dépendants : Rs 500 000 - Un individu avec trois personnes à charge : Rs 550 000 - Un individu avec quatre et + dépendants : Rs 600 000 - Un retraité/handicapé : Rs 360 000 - Une personne retraitée/handicapée avec des personnes à charge : Rs 470 000. Les plus. Vos enfants poursuivent des études supérieures ? Désormais, vous pouvez déduire de vos revenus quatre dépendants de cette catégorie au lieu de trois. Rs 10 000 de réclamation possible concernant votre assurance santé, c’est possible.

 


 

 

«Discipline Masters» dans les écoles : «Pou fer bon zanfan»

 

Kareen Eulalie, ici avec son époux, Jean May, et ses deux enfants, Jérémie et Tommy, donne son avis.

 

Écoles et collèges, tenez-vous prêts ! Pravind Jugnauth a sévi sans rotin bazar. Et a annoncé le recrutement de 34 Discipline Masters afin de gérer le law and order des établissements. Une mesure nécessaire, estiment les acteurs du secteur éducatif. Au niveau des syndicats des enseignants, on applaudit. Les profs également. Car, parfois, explique Yasmeen, enseignante dans un collège d’État, la situation est difficile à gérer. Elle se retrouve funambule sur une corde chancelante, tous les matins : «Aujourd’hui, pour que les élèves apprennent, il faut qu’ils aient un lien avec leur enseignant. Que le courant passe. Bonne ambiance et partage se doivent d’être au programme. Mais comment créer ce lien si on doit continuellement sévir ?»

 

Jeune prof, elle a encore du mal à trouver ses marques et son rythme, à faire face à cette nouvelle génération qui a ses propres codes et une «violence intrinsèque», explique-t-elle. Alors, des Discipline Masters permettraient d’enlever un peu le poids du fardeau qui est le sien. Elle l’espère, en tout cas.

 

Parole de maman. Deux petits mecs à la maison. Un âgé de 15 ans et l’autre de 11 ans… De quoi donner des sueurs froides à Kareen Eulalie. Mais, pour le moment, elle gère, même si ce n’est pas toujours facile, dit-elle : «C’est la période critique.» Elle, elle croit en la discipline. Et elle l’applique chez elle : «Mes garçons peuvent le dire, je suis super sévère. Ce n’est pas parce que je ne les aime pas, non. Bien au contraire, c’est parce que je pense à eux.» Alors, pour l’instant, ça file plutôt droit à la maison. Et elle aimerait que ça soit le cas à l’école. Donc, l’idée des Discipline Masters, ça lui convient plutôt bien : «Je crois que c’est nécessaire de corriger les jeunes. Ils ont tendance à faire un peu n’importe quoi en arrivant à l’école.»

 

C’est pour ces jeunes, leur bien, leur avenir, qu’elle parle de ce besoin de sévérité : «Il faut les guider, les encadrer. Leur faire prendre conscience des limites, des conséquences de leurs actes. De l’importance du fait qu’ils font grandir en eux les adultes qu’ils seront demain. Pour être un bon citoyen, ils doivent réaliser que la discipline, c’est essentiel.» Si pour ça, il faut «sanctionner plus les enfants», elle est pour : «C’est leur avenir qui est en jeu. Il faut les mettre face à leurs responsabilités. Leur apprendre le respect de soi et le respect des autres.»

 

Tout cela pour créer des adultes de demain, responsables, entiers : «Pour qu’il y ait moins de violence, pour que le monde tourne plus rond.»

 


 

 

Chagos : le retour mais…

 

Rs 50 millions. C’est la somme qu’alloue Pravind Jugnauth au relogement des Chagossiens sur leur archipel. Un montant sympathique qui ramène dans le présent, dans le concret, cette envie de rentrer à la maison, exprimée par de nombreux zilwa. Surtout face aux récents développements qui ont rallumé la flamme de l’espoir.

 

Olivier Bancoult, meneur de lutte et voix du Groupe Réfugiés Chagos, a salué cette mesure : «La somme qui a été allouée par le Premier ministre pour le relogement des Chagossiens et leur permettre de faire une visite des lieux est une mesure très encourageante.» Reste qu’une partie de la communauté ne veut ni l’un ni l’autre.

 

Claudie Anselme le dit, elle est trop vieille pour recommencer à zéro. Trop malade pour entamer le voyage. Néanmoins, une pension pour faciliter les jours difficiles devraient l’aider à tenir le coup : «Pa pou rekoumans a zero. Pena nanye laba. Nounn atann tousala. Dimounn pe desede tou. Mo mem mo pa kone ki bondie reserve.»

 


 

Enn ti badinn : les fonctionnaires font avec

 

Une petite avance. Ce n’est pas mal, disent certains fonctionnaires. D’autres estiment que le rapport du Pay Research Bureau (PRB), c’est bien ça qu’il fallait. Et non cette avance-là. Pour Malini, ce sont des sous en plus mais la grosse part du cadeau devra attendre. Malheureusement : «On pensait que Pravind Jugnauth allait commander un rapport avant les élections. On devra patienter encore.»

 

Quelques mois de plus, c’est long pour ceux qui estiment mériter la révision de leur salaire au plus vite. Michael fait partie de ceux-là : «Il est grand temps.

 

La vie est de plus en plus chère. Mais bon, Rs 1 000, enn ti badinn, ce n’est pas mal pour tenir.» Au lieu d’absolument rien, ce billet de plus peut toujours servir, donc.

 

Néanmoins, ce «cadeau» aux employés de la fonction publique fait tiquer les autres catégories d’employés de l’île, qui aimeraient bien pouvoir bénéficier d’un petit cadeau délivré par Pravind Jugnauth…