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Hausse de la pension de vieillesse : la stratégie politique de Pravind Jugnauth pour convaincre

20 mars 2024

Jocelyn Chan Low, Manisha Dookhony et Abdallah Goolamallee donnent leur opinion sur le sujet.

Faire les yeux doux aux 60 ans + a toujours fait partie du jeu politique. Ainsi, en augmentant la pension de vieillesse, comme il l’a annoncé le 12 mars dernier dans son discours à l’occasion de la fête de l’Indépendance, Pravind Jugnauth ne réinvente pas la roue et use d’une stratégie déjà bien rodée dans le but de marquer des points aux prochaines élections. En effet, à partir du 1er avril, ceux âgés de plus de 60 ans percevront une pension mensuelle de Rs 13 500, tout comme c’est le cas depuis janvier dernier pour les plus de 75 ans. Dans son discours, le PM a également annoncé la promotion de 1 785 policiers en se basant sur le temps de service et la seniority. Sont concernés 1 500 nouveaux sergents, 125 inspecteurs et 40 chefs inspecteurs. Une décision qui permettra aussi le recrutement de nouveaux officiers. 

 

Avec de telles mesures populistes, surtout la hausse de la pension universelle, le leader du MSM abat une carte précieuse, venant au passage clouer au pilori l’alliance de l’opposition. En effet, lors de leur dernière conférence de presse pour 2023, les trois leaders avaient pris l’engagement d’augmenter la pension en cas de victoire aux prochaines élections. «N’écoutez pas les mensonges de Pravind Jugnauth, non seulement nous augmenterons cette pension à Rs 13 500, ce qu’il n’a pas fait, mais nous irons au-delà.» 

 

Assisterons-nous à une surenchère ? Pour l’observateur politique Jocelyn Chan Low, l’opposition sera contrainte d’emboîter le pas à Pravind Jugnauth. «Ils seront obligés de suivre la cadence et de faire des promesses. Certains pensent que c’était sa dernière carte à jouer, moi je pense que ce n’est que le début et que Pravind Jugnauth peut aller encore plus loin pour convaincre l’électorat.» En effet, beaucoup s’interrogent aujourd’hui sur le timing choisi par le PM pour avancer un tel pion alors que cela aurait pu être une mesure phare du prochain Budget que son gouvernement devrait présenter avant la fin de son mandat. «Pour ma part, je ne trouve cela absolument pas surprenant. C’est une mesure qui se trouvait dans son programme électoral et il fallait le faire avant la fin de son mandat et avant que la campagne électorale ne commence. Après avoir accordé une hausse pour les plus de 75 ans en janvier, il attendait le bon moment et le 12 mars, qui est un moment solennel, était le moment d’annoncer une telle mesure», soutient Jocelyn Chan Low.

 

Alors que la campagne électorale va démarrer incessamment, ajoute-t-il, les retraités qui représentent un vote bank d’à peu près 260 000 électeurs sont une valeur sûre sur laquelle Pravind Jugnauth a bien l’intention de miser. «Le 1er mai arrive et la campagne sera lancée. Il aura l’avantage de consolider ses acquis dans ce groupe. En accordant cette hausse, il valide les promesses faites et vient donner de la crédibilité à celles qui seront faites pendant la campagne à venir.» Alors que certains pensent que Pravind Jugnauth, après avoir accordé cette hausse de la pension de vieillesse, n’a plus de tour dans sa poche, Jocelyn Chan Low, lui, est convaincu du contraire. «Il ne va pas se priver d’un Budget électoraliste et c’est pour cela que je pense que les élections ne vont pas arriver très vite. C’est un gouvernement qui a une grande marge de manoeuvre et il faut s’attendre à autre chose. Il a encore des cartes à jouer et va venir avec un Budget labous dou. Il va venir avec des mesures sectorielles comme l’annonce sur les policiers. Il ne faut pas oublier que la population est encore indécise et que 70% des votants veut se débarrasser de la classe politique actuelle. Pravind Jugnauth va donc tout faire pour marquer encore des points en usant d’une politique sociale très avertie.»

 

«Feel good factor»

 

L’observateur Abdallah Goolamallee abonde dans le même sens. Ni le montant ni le timing de cette annonce, dit-il, ne sont en soi étonnants. «Quand les élections générales approchent, c’est connu que les politiciens de tous bords utilisent comme stratégie politique des annonces qu’on appelle des "promesses électorales". Ce fut le cas dans le passé et cela fait partie de notre culture politique. D’ailleurs, le jugement historique du Privy Council dans l’affaire Suren Dayal vs Pravind Jugnauth est venu confirmer que cette approche ne consiste en une bribe électorale, comme certains politiciens ont voulu le faire croire. Ceci étant dit, il faut préciser que dans le cas de l’annonce du PM concernant l’augmentation de la pension à quelques mois des élections, ce n’est pas une stratégie politique comme l’ont fait plusieurs politiciens dans le passé. L’annonce de Pravind Jugnauth est une confirmation et une concrétisation d’une promesse fait il y a 4/5 ans. Concrètement et officiellement, il a tenu sa promesse et a été fidèle à sa parole. Et je pense c’est ce que la population va retenir.»

 

Ce faisant, ajoute notre interlocuteur, Pravind Jugnauth vient créer un impact positif pour lui et son gouvernement. «Ça lui donne plus de crédibilité politique, surtout quand on sait que dans le passé plusieurs politiciens sont venus avec des promesses qui n’ont jamais été tenues au cours du mandat après les élections. Et cela donne un avantage à Pravind Jugnauth en tant que PM.» Tout comme Jocelyn Chan Low, Abdallah Goolamallee estime que Pravind Jugnauth a plus d’un tour dans son sac et qu’on devrait s’attendre à d’autres mesures populaires dans le prochain Budget. «Je pense qu’il viendra avec d’autres mesures et propositions, surtout visant le bien-être de la population dans la dimension socio-économique.» Ce qui apportera, dit-il, un «feel good factor» au sein de la population.

 

Cependant, si le PM a effectivement tenu sa promesse d’accorder Rs 13 500 avant la fin de son mandat, la valeur de cette somme en 2019 et ce qu’elle représente désormais, en 2024, n’est définitivement pas la même. C’est ce que nous explique l’économiste et observatrice, Manisha Dookhony. «C’est un argument qui peut définitivement convaincre les plus de 60 ans, mais beaucoup se rendent compte aussi que le coût de la vie est cher et qu’avec Rs 13 500 aujourd’hui, à cause de l’inflation, on peut acheter nettement moins de produits.» Si l’annonce de cette annonce ne l’a pas surprise, c’est le timing qui lui a paru plus étonnant. «Il y avait beaucoup d’attente, comme c’était une promesse électorale, mais je pensais que ça ferait partie du prochain Budget. Le fait que ce soit annoncé en mars veut peut-être signifier que l’échéance électorale est proche.»

 

Maintenant, si les pensionnaires sont happy, beaucoup se demandent comment le gouvernement va faire pour, encore une fois, payer une augmentation après la série d’allocations qui a été données ces derniers temps. En effet, les commentaires comme «pou tir sa ar nou mem» ou «Rs 2 000 an plis, Rs 4 000 pou perdi dan commision» reviennent régulièrement dans les conversations. Pour Manisha Dookhony, cela va effectivement peser lourd dans les caisses, mais le gouvernement, dit-elle, a plusieurs moyens de financer cette augmentation. «En mars, on sait mieux quelle dépense gouvernementale ne se fera pas au sein du Budget. Ainsi, on peut mieux faire une réallocation budgétaire. Donc, c'est une solution à court terme. Sur le long terme, il faudrait sans doute trouver de nouvelles sources de revenues comme élargir la base de la CSG, augmenter la TVA et introduire de nouvelles taxes.» De quoi faire encore grincer les dents.

 

Fazila Jeewa-Daureeawoo, ministre de la Sécurité Sociale : «Nous avons respecté notre parole»

 

Ce n’est pas uniquement les plus de 60 ans qui toucheront plus à partir du 1er avril, mais tous ceux qui touchent une pension. La ministre de la Sécurité sociale, Fazila Jeewa-Daureeawoo, s’est adressée à la presse le vendredi 15 mars pour donner ces informations. En effet, tous les barèmes des autres pensions ont été revus à la hausse (voir tableau), alourdissant ainsi le budget des prestations sociales qui passe à Rs 51, 1 milliards. Pour Fazila Jeewa-Daureeawoo, il s’agit d’une étape significative réalisée par le MSM depuis 2014 où la pension de vieillesse était à Rs 3 623. «On a augmenté la pension par au moins Rs 10 000 en 10 ans comparé à Rs 1 500 pour la période de 2005 à 2014. C’était important d’équilibrer le développement économique avec le bien-être social, car l’objectif du gouvernement a toujours été de favoriser une société juste et équitable pour tous les citoyens», a-t-elle déclaré avant de préciser qu’aujourd’hui tous les secteurs de l’économie sont au vert et que nous évoluons dans une économie stable. «Tout cela démontre que nous avons un gouvernement responsable, stable et compétent. Nous avons respecté notre parole. Nous devons comprendre l’engagement du Premier ministre. Il avait pris cet engagement en 2014 et il a prouvé que c’est quelqu’un qui a tenu parole, qui est à l’écoute et qui travaille pour l’avancement du pays.»

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