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12 juillet 2015 01:57
Les preuves scientifiques mentent rarement, voire jamais. C’est pour cela que les résultats des tests ADN effectués après le décès d’Edouarda Gentil, 11 ans, étaient tellement attendus. La petite avait disparu le 5 avril et avait été retrouvée morte dix jours plus tard. Un échantillon de sperme, prélevé sur le sous-vêtement que portait la victime au moment de sa disparition et retrouvé à proximité de son cadavre en état de décomposition avancée, a été analysé par le Forensic Science Laboratory. Il a ensuite été comparé à une quarantaine de prélèvements d’ADN faits sur les hommes présents à la fête à laquelle assistait Edouarda le soir de sa disparition. Le verdict est tombé il y a quelques jours. Entraînant un développement de taille dans l’enquête.
Les résultats désignent James Ramasawmy, un habitant de Cité Anoska, âgé de 26 ans. L’homme est un cousin éloigné de Mirella Gentil, la mère d’Edouarda, avec qui celle-ci a de bonnes relations. Abasourdie par cette nouvelle, Mirella Gentil a du mal de se faire à l’idée que son cousin est probablement le meurtrier de son enfant qu’elle ne cesse de pleurer depuis sa tragique disparition. «Je ne lui pardonnerai jamais s’il est vraiment le meurtrier de ma fille. Il était avec nous lors des marches organisées pour rendre hommage à Edouarda. Comment a-t-il pu jouer un tel rôle ?» se demande Mirella.
Depuis l’arrestation de James Ramasawmy, c’est aussi toute la Cité Anoska qui est une nouvelle fois ébranlée. Comme en témoignent Michel et Claudette Perrine, les grands-parents de la victime. «Il a mené les recherches à nos côtés, se révoltait contre la mort atroce d’Edouarda. En plus, il était en liberté pendant tout ce temps, côtoyant tous les enfants de la cité. Il aurait pu recommencer», lâchent-ils, écœurés.
Tout l’entourage de Mirella Gentil et de James Ramasawmy est sous le choc. Mais alors que certains croient que le jeune homme peut être le coupable, d’autres n’y croient pas du tout. Son plus ardent défenseur est son épouse Véronique. «Il m’est impossible de croire que mon mari est un monstre. C’est un mari aimant et, surtout, un père très affectueux. Nous avons une petite fille de dix mois», confie Véronique, la voix remplie d’émotion.
Malgré les résultats des analyses incriminant son mari, la jeune femme n’en démord pas. «On tente de le piéger dans cette affaire. Pourquoi ? Je ne sais pas. Je voudrais le voir et le regarder dans les yeux. S’il me dit de sa bouche qu’il est coupable, je serai obligée de le croire.» Mais pourra-t-elle alors lui pardonner ? «Je ne sais pas», avoue-t-elle.
Jeune homme sans histoire
Véronique Ramasawmy, 29 ans, précise toutefois que James et elle ne vivent pas sous le même toit depuis mars 2015. Ce, suite à une dispute entre son père et son mari. «James venait de perdre son travail. Mon père ne supportait pas que moi je travaille alors que lui restait à la maison. On vivait ensemble chez mes parents. Ils ont eu une dispute à ce sujet et depuis, James est allé vivre chez son frère à Cité Anoska.» Une cité qui ne lui était pas étranger, car il y a vécu et a côtoyé ses habitants avant d’épouser Véronique.
Mais auparavant, cet aîné d’une famille de deux enfants a grandi à Lapeyrousse, Curepipe. Après le Certificate of Primary Education, il arrête l’école et enchaîne les petits boulots avant de choisir la maçonnerie comme métier. Jeune homme sans histoire, selon son frère Brian Ramasawmy, son seul loisir est de prendre quelques verres d’alcool avec ses amis et des membres de sa famille. Une habitude à laquelle il mettra fin, toujours à en croire son cadet, après sa rencontre avec Véronique il y a quelques années. Au nom de l’amour qu’ils se portent mutuellement. D’ailleurs, la jeune femme qualifie son époux d’«exemplaire». C’est pour cela qu’elle croit en son innocence. Et elle n’est pas la seule. La famille proche de James y croit aussi.
Pour son frère Brian, par exemple, il n’a rien d’un tueur et d’un violeur d’enfant. «Mon frère serait incapable de faire du mal à un innocent. Et il n’avait aucune raison de commettre un tel acte, car il venait de commencer une nouvelle vie», dit-il. Il ne peut cependant expliquer comment l’ADN de son frère s’est retrouvé sur le sous-vêtement de la petite Edouarda. «On va consulter un avocat», avance-t-il timidement.
À Cité Anoska, James Ramasawmy était connu pour être une personne sans histoire qui fréquentait tout le monde. Le soir de la disparition d’Edouarda, il était invité comme beaucoup de gens du coin à la fête donnée pour le baptême de l’enfant de Karina Jummun, 18 ans. «C’est un parent éloigné. On se fréquente et il n’a jamais manqué de respect à personne», souligne la jeune maman.
Nouveaux développements
Mais depuis que les nouveaux développements ont surgi dans l’enquête sur la mort d’Edouarda, des bribes de souvenirs de cette soirée lui sont revenues. «Par exemple, je me souviens qu’à un moment de la fête, James a disparu pendant environ une heure. On a remarqué son absence, car c’est lui qui faisait les photos ce soir-là. Et Edouarda n’était pas là non plus. Plus tard, James est revenu, mais il n’y avait aucune trace de la fillette. Je n’ai pas remarqué si ses vêtements étaient sales ou s’il était vêtu autrement. J’étais occupée avec les invités.»
Qu’aurait fait James durant ce laps de temps ? En aurait-il profité pour agresser la petite Edouarda ? Ou alors s’était-il tout simplement rendu chez son frère qui habite à quelques pas de la maison où la fête avait lieu ? Ou encore faisait-il autre chose ? À la police de tirer cette affaire au clair. James Ramasawmy, de son côté, continue de clamer son innocence. Mais il y a un fait qui demeure. Son ADN se trouvait sur le sous-vêtement que portait la petite Edouarda le soir de sa disparition.
MiniSTR ou le mini-short tandem repeat (STR). C’est ce nouvel outil permettant de réaliser des tests ADN poussés qui a permis aux enquêteurs de savoir à qui appartient le sperme prélevé sur le sous-vêtement d’Edouarda Gentil. Il s’est avéré que l’échantillon, en très petite quantité et de très mauvaise qualité pour avoir été exposé trop longtemps à l’air libre, correspond à l’ADN de James Ramasawmy. Il y a trois semaines, le Bureau du Premier ministre a autorisé l’achat de ce kit scientifique développé récemment aux États-Unis et s’élevant à Rs 250 000 pour réaliser des tests dans le cadre de cette affaire.
Ses antécédents concernant des délits à caractère sexuel. Sa présence à la fête où se trouvait Edouarda Gentil le soir de sa disparition. Et des blessures relevées sur son corps lors de son arrestation. Ce sont les trois éléments sur lesquels la police s’est appuyée pour procéder à l’arrestation d’Arnaud Boodram, le deuxième suspect arrêté dans cette affaire après le grand-père paternel de la petite, qui a été finalement lavé de tout soupçon.
Traduit en cour en avril sous une charge provisoire de meurtre, il a toujours clamé son innocence dans cette affaire. Sa mère Marie-Louise, également, n’a cessé d’affirmer qu’il n’avait pas fait ce dont on l’accuse. Aujourd’hui, plus que jamais, elle défend son fils. «Ses droits ne sont pas respectés. Il faut le relâcher, car la police ne détient aucune preuve contre lui. On ne va pas s’arrêter là. On compte poursuivre l’État dans cette affaire. Mon fils n’est pas un saint, mais il est incapable de tuer un enfant.»
Réagissant aux développements dans l’affaire d’Edouarda Gentil, Me Deepak Ruthnah, l’avocat d’Arnaud Boodram, est catégorique. «Il n’y a aucune preuve contre mon client. Le responsable de cette enquête doit se tourner vers le commissaire de police et le DPP au plus vite en vue de faire libérer mon client. Car il est clair que ce dernier a été arrêté et incarcéré à tort dans cette affaire», clame l’homme de loi.
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