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Par Elodie Dalloo
21 juillet 2024 13:51
Elle était sur le point de commencer une nouvelle vie. Séparée de son conjoint depuis environ deux ans à cause de son comportement violent, Kamla Beechouk, âgée de 62 ans et d’origine mauricienne, avait jusqu’ici occupé une maison à la rue de Diale, à l’Etang Saint-Leu, île de la Réunion, située à quelques mètres seulement de celle de son bourreau, malgré une interdiction de contact émise par le tribunal. Lorsqu’elle a reçu les clés d’un logement de l’État du côté de Saint-Paul, à Plateau-Caillou, il y a quelques jours, elle a immédiatement entamé les démarches pour son déménagement. Elle se réjouissait à l’idée de s’y installer pour être loin de tout ce qui avait tellement longtemps gâché son existence. Dans la matinée du jeudi 18 juillet, le neveu de son mari, Maximin, devait la retrouver pour l’aider à emballer ses cartons. Comme elle ne semblait pas être là, il avait essayé de la joindre au téléphone, en vain. Quelques instants plus tard, en entrant dans la maison aidé des pompiers qu’il avait alertés entre-temps, il a retrouvé sa tante morte, visiblement assassinée.
Cette tragédie a secoué tous les habitants de l’île Soeur, particulièrement ceux de la commune de Saint-Leu, où a longtemps vécu Kamla Beechouck. Les amis qu’elle s’était faits, devenus sa deuxième famille, lui avaient donné le surnom de Mone. Nos confrères de Réunion la 1ère relatent que c’est aux alentours de 18h21 que les forces de l’ordre ont été contactées pour une intervention à son domicile. Dans un reportage consacré à la tragédie, Maximin, qui a donné l’alerte, raconte : «Dans la matinée, nous avions rendez-vous mais elle n’était pas là. J’ai fait le va-et-vient chez elle ; c’était compliqué. Mon épouse m’a donc recommandé d’appeler sur son téléphone et d’entrer dans la cour. J’ai entendu la sonnerie mais personne ne décrochait. J’ai informé ma cousine, qui habite un peu plus loin, et je lui ai dit que ce n’était pas normal car Mone ne se déplaçait jamais sans son cellulaire.» Il dit avoir patienté encore quelques minutes jusqu’à l’arrivée de l’infirmière qui la suivait pour son diabète. Cette dernière lui a alors demandé de prévenir les pompiers. C’est avec émotion que Maximin a relaté la suite à une journaliste de Linfo.re : «À l’intérieur, nous avons trouvé Mone à terre dans une mare de sang. Nous sommes encore sous le choc.»
«Une autopsie est en cours alors que les premières constatations font état de la présence de plaies sur son bras et son visage causées très probablement par arme blanche», a précisé le Parquet de Saint-Pierre. Selon les information rapportées par les médias réunionnais, la vice-procureure Carole Pantalacci a indiqué qu’«une enquête pénale pour homicide a été ouverte et les investigations confiées à la Section de Recherche de la Réunion tendent à la recherche active de l’auteur présumé des faits». D’après nos confrères de Clicanoo. re, les soupçons se portent sur l’époux de la victime, Justin Baleinier, dit Tétin, âgé de 63 ans, «qui vit dans une modeste case en dur sous tôle à moins de 30 mètres de celle habitée par son épouse».
À l’heure où nous mettions sous presse, il était toujours recherché «alors que des témoins l’ont vu se diriger à pieds vers la ravine toute proche». Les proches de Justin Baleinier semblent partager l’avis des enquêteurs, ayant souvent été témoins de son comportement «sanguin et jaloux». Dans une déclaration faite aux journalistes de Réunion la 1ère, son neveu Maximin précise d’ailleurs que «Mone avait voulu déménager pour fuir les problèmes avec son mari».
Originaire de Pamplemousses, Kamla Beechouk s’était installée à l’île de la Réunion il y a une vingtaine d’années. Elle avait épousé Justin Baleinier après avoir entamé avec lui une relation par correspondance, loin de se douter que son histoire d’amour virerait au cauchemar. N’en pouvant plus de subir les coups et les injures de son époux, elle s’en était remise aux forces de l’ordre il y a deux ans et Justin Baleinier avait été incarcéré pour violences conjugales. Françoise Virama, sa meilleure amie à la Réunion, nous relate que dans un premier temps, Kamla Beechouk avait séjourné chez une amie dans la région de Saint-Paul. «Lorsque son compagnon est sorti de prison, c’est moi qui l’ai accompagné pour qu’il aille retrouver Mone. Devant moi, il s’est toujours bien comporté. Je ne savais pas que les choses allaient aussi mal dans le couple.»
Malgré une interdiction de contact, Kamla Beechouk est revenue s’installer au domicile conjugal «sans autre solution de relogement». Selon les témoignages recueillis par les journalistes de Clicanoo auprès des proches, Justin Baleinier s’était installée dans la maison voisine. «Elle appartenait à son père, ils l’ont remise en état avec son frère pour qu’il puisse y vivre, mais c’est vrai qu’il continuait à voir Kamla quand il venait nourrir les animaux ou prendre de l’eau. Il avait toujours un sale caractère avec elle, mais elle restait très gentille», leur a confié Marie-Thérèse, la belle-soeur de la victime.
La nouvelle du décès de Kamla Beechouk a terriblement bouleversé sa famille à Maurice, car bien qu’elle vivait à l’étranger, elle avait conservé de très bons liens avec celle-ci. Un proche relate qu’elle se faisait un devoir de les appeler au quotidien «pou demande ki kari pou kwi» ou de les retrouver pour des vacances chaque année. Vu qu’elle n’avait pas d’enfant, elle considérait ses neveux et nièces comme les siens. Son dernier séjour dans l’île remonte à l’an dernier. «Li pa ti merit enn lamor koumsa. Nounn perdi enn diaman, enn mari trezor», lâche notre interlocuteur. Ses proches avaient déjà eu vent des difficultés qu’elle rencontrait avec son compagnon à la Réunion et vu des bleus sur son corps dans le passé, mais ils s’étaient imaginés qu’elle obtiendrait le calme et la tranquillité qu’elle avait tant souhaité en déménageant. «Nou pa ti atann ki sa pou fini koumsa», confie celui qui se fait le porte-parole de la famille.
Idem pour sa meilleure amie Françoise, qui ne se remet pas de cette nouvelle accablante. «C’est ma fille qui me l’a annoncé. Je n’en reviens toujours pas. Elle était tout pour moi.» À Maurice comme à l’île Soeur, tous s’accordent à dire que Kamla Beechouk «était de nature calme et était appréciée de tous». Exerçant le métier de couturière, «elle faisait des retouches pour tous les habitants de son quartier. Elle était toujours présente pour nous, prête à rendre service», précise Françoise Virama. Dans une publication sur Facebook, le maire de Saint-Leu a aussi réagi sur cette tragédie. «Une bien triste nouvelle. J’adresse mes sincères condoléances à la famille. J’imagine le choc que cela doit être pour ses proches, pour les voisins, les habitants du chemin Diale. Encore une dame qui trouve la mort dans des circonstances si violentes, vraisemblablement sous les coups d’un homme. Que son âme repose en paix et que justice soit rendue», a t-il déclaré.
Son ancien conjoint était toujours recherché à l’heure où nous mettions sous presse. Et pour les proches du couple, il n’y a aucun doute : ils se disent convaincus qu’il est bel et bien l’auteur de cet acte abominable. Tous se demandent si ce n’est pas le déménagement de la sexagénaire qui l’aurait poussé à commettre l’irréparable. Et vu qu’il dispose d’une santé précaire et doit être suivi quotidiennement pour son diabète, les gendarmes ne peuvent qu’espérer le retrouver en vie pour l’interroger sur ce crime. Quant aux proches de Kamla Beechouk, ils comptent entamer des démarches pour le rapatriement de sa dépouille aussitôt qu’ils auront le feu vert des enquêteurs.
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