Publicité

Le Mauricien Krishna Ragoo, médecin à Durban, en Afrique du Sud : «La vie en confinement est devenue la nouvelle norme»

29 mars 2021

«Alors que nous nous dirigeons vers une troisième vague en mai 2021, l’Afrique du Sud a commencé son déploiement de vaccins», confie notre compatriote, le Dr Krishna Ragoo.

La situation dans mon pays d’adoption : «Le tout premier cas de Covid-19 en Afrique du Sud a été enregistré le 5 mars 2020, lorsqu’un Sud-Africain de 38 ans est rentré de ses vacances en Italie. Au cours de l’année écoulée, l’Afrique du Sud a connu deux vagues d’infection. La première de mai à août 2020 et la seconde de novembre 2020 à février 2021. Nous sommes maintenant en mars 2021 et, pour le moment, l’Afrique du Sud connaît une baisse des nouvelles infections. Le nombre cumulé de cas confirmés au virus en Afrique du Sud jusqu’à présent est d’environ 1,5 million, avec un taux de guérison de 95 %. L’une des raisons de ces chiffres élevés est qu’en mars de l’année dernière, il y avait un manque d’informations appropriées sur la propagation, la prévention et la gestion du virus. La Covid-19 était quelque chose de nouveau pour tout le monde. Même l’OMS communiquait à l’époque des faits confus sur la maladie. Cela a définitivement retardé la préparation de l’Afrique du Sud à la Covid-19 ainsi que dans tous les autres pays qui avaient contracté la maladie au début de 2020. Avec tellement plus d’informations sur la maladie maintenant, je pense que Maurice sera en mesure de lutter plus efficacement contre le virus.»

 

Au rythme du virus : «La Covid-19 a affecté différentes personnes de différentes manières. Bien que la plupart de ceux infectés développent une maladie légère à modérée et se rétablissent sans hospitalisation, environ 50 000 Sud-Africains ont perdu la vie à ce jour. Certains patients deviennent si malades qu’ils décompensent en quelques heures ou quelques jours et doivent être admis aux soins intensifs. Travaillant dans un hôpital spécialisé, ici à Durban, je me souviens à quel point c’était difficile à un moment de trouver un lit aux soins intensifs pour un être cher au moment où il en avait le plus besoin, et hélas, il n’y en avait pas ! Peu importe combien d’argent on avait, si l’hôpital n’avait pas de lit aux soins intensifs ou même en salle, on se sentait impuissant. Au plus fort de chaque vague, notre système de santé était surchargé. À certains moments, il n’y avait même pas de lit simple disponible. Parfois, nous devions transférer un patient gravement malade dans une autre province, à quelques heures de route. Bien que le gouvernement sud-africain ait converti plusieurs stades, centres de congrès et parcs de jeux en lieux accueillant des lits pour soins intensifs et lits en salle Covid, cela ne semblait tout simplement jamais suffisant. Le gouvernement a employé 60 000 agents de santé supplémentaires pour gérer le secteur public de la santé. De plus, les hôpitaux privés et publics à travers l’Afrique du Sud ont dû étendre leurs tests et traitements Covid soit dans leurs parkings, soit sous des tentes. J’espère que le gouvernement mauricien a déjà planifié les installations à convertir en hôpitaux Covid temporaires – pop up – si les choses empirent à Maurice.»

 

Des secteurs paralysés : «Le gouvernement sud-africain a essayé d’améliorer les choses dans les hôpitaux en venant de l’avant avec des mesures comme mettre en place l’interdiction de consommer de l’alcool. Cela a considérablement réduit le nombre de cas de traumatismes et d’accidents de la route dans les services des accidents, permettant ainsi aux agents de santé de se concentrer davantage sur les patients Covid. Une autre complication liée au virus était que, pendant les vagues, personne d’autre que ceux touchés par la Covid n’est pris en charge dans les hôpitaux. Si vous avez une crise cardiaque, des calculs biliaires, des calculs rénaux... bonne chance ! L’Afrique du Sud a perdu plus de 330 policiers et 430 travailleurs de la santé ainsi que quelque 1 600 éducateurs à cause de la pandémie au cours de l’année écoulée. Parallèlement au décès des patients atteints du virus et des personnels en première ligne, des milliers d’entreprises ont dû fermer leurs portes. Les restaurants, les hôtels et les marchés ont été les plus touchés. Les employés ont été licenciés car les entreprises ne pouvaient plus se permettre de les garder...»

 

La vie avec le virus : «La vie en confinement est devenue la nouvelle norme. Les employés de bureau ont commencé à travailler à domicile sur leur ordinateur portable. Les gens ne pouvaient sortir de chez eux que pour acheter de la nourriture ou se faire soigner. Les lieux de culte ont été fermés pendant des mois. Les gens devaient se divertir eux-mêmes ainsi que leurs enfants avec des jeux d’intérieur, des films ou en pratiquant la pâtisserie, l’art et la musique... La Covid-19 nous a donné l’opportunité de profiter davantage de nos familles et, plus important encore, de trouver du temps pour soi...»

 

La situation actuelle : «Alors que nous nous dirigeons vers une troisième vague en mai 2021, l’Afrique du Sud a commencé son déploiement de vaccins. Il existe des preuves scientifiques accablantes que la vaccination est la meilleure défense contre les infections graves. Les vaccins ne vous donnent pas le virus, ils apprennent plutôt à votre système immunitaire à reconnaître et combattre l’infection. Vacciner suffisamment de personnes contribuerait à créer une immunité collective et à éradiquer la maladie. Le déploiement du vaccin adoptera une approche en trois phases, qui commence par les plus vulnérables de notre population. La phase 1 se concentrera donc sur les travailleurs de la santé en première ligne. La phase 2 va vacciner les travailleurs des services essentiels, les personnes vivant en communauté, les personnes de plus de 60 ans et les personnes de plus de 18 ans souffrant de comorbidités. La phase 3 se concentrera sur les personnes âgées de plus de 18 ans, ciblant ainsi 22 500 000 personnes. Alors que le vaccin de l’Université d’Oxford-AstraZeneca a été approuvé par divers organismes de réglementation à travers le monde et est en cours de déploiement dans de nombreux autres pays, l’Afrique du Sud a choisi le vaccin Johnson & Johnson car celui-ci en particulier s’est avéré efficace contre la Covid-19 501Y.V2, le variant sud-africain. AstraZeneca s’est avéré inefficace contre le variant sud-africain. Le variant 501Y.V2 a été associé à un risque de transmissibilité accru plutôt que d’être plus mortel. Ayant vu des scènes horribles de près, je crois fermement que le vaccin est la voie à suivre. Nous pouvons arrêter d’avoir ces nombreuses vagues d’infections une fois seulement que nous aurons atteint l’immunité collective dans nos populations. Je souhaite que chacun profite de cette période de confinement et en sorte au moins 10 % meilleur qu'avant. Je doute que nous ayons jamais ce genre d’opportunité de rester à nouveau chez nous, alors utilisons-la à bon escient. “How you handle a situation is not entirely your choice. But how you handle yourself is entirely yours”, dit Sadhguru...»

 


 

Exit AstraZeneca

 

Clap de fin sur la campagne de vaccination avec AstraZeneca dans le pays de Nelson Mandela. Le ministère de la Santé a annoncé, le dimanche 21 mars, avoir revendu un million de doses du vaccin à 14 pays africains. Le pays avait suspendu les injections avec AstraZeneca le mois dernier après les résultats d’une étude montrant que le vaccin n’offrait qu’«une protection minimale face au variant dominant dans le pays»...

Publicité