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3 août 2014 17:07
Il est des histoires terribles qui fendent le cœur. Comme celle de la petite Valentina Rebet, 7 ans. Alors que les petits de son âge jouaient à la poupée et découvraient les joies de l’enfance, elle était clouée sur son lit 24 heures sur 24, en raison d’un lourd handicap dont elle était affligée depuis sa naissance. Frêle et chétive, ne pouvant ni voir, ni parler, encore moins s’asseoir, la fillette n’était visiblement pas née sous une bonne étoile, tant sa vie était faite de malheurs. Sa maladie l’a finalement emportée le lundi 28 juillet à l’hôpital de Candos, où elle était admise depuis plusieurs jours.
Elle a quitté ce monde sans qu’aucun membre de sa famille n’ait pu lui faire ses adieux. Car, disent ses proches, personne ne savait où elle se trouvait depuis un an, soit depuis qu’elle avait été transférée dans d’autres shelters à la fermeture du Foyer Namasté où elle avait été placée alors qu’elle était âgée de 2 ans – elle avait perdu sa mère alors qu’elle n’avait que quatre mois. Sa sœur Cindy Rebet, 24 ans, est complètement effondrée depuis cette disparition. À son chagrin se mêle aussi un sentiment de colère. «Personne ne nous a prévenus qu’elle se trouvait à l’hôpital et que son état était très sérieux. Au cas contraire, on serait parti la voir. Elle est morte dans la solitude et personne de la famille n’a été à ses côtés pour l’accompagner jusqu’à la fin. Nous avons appris son décès d’une manière brutale, alors qu’on ne s’y attendait pas du tout», pleure amèrement Cindy.
Son monde s’est écroulé quand des policiers ont débarqué chez elle à La Preneuse, pour lui apprendre la mauvaise nouvelle. «Ce sont des policiers du poste de police de Curepipe qui sont venus nous annoncer ce décès.» Au choc, à la douleur, ont succédé l’incompréhension, les interrogations. Comment, pourquoi ? Cindy veut plus que tout avoir des réponses à ses questions et connaître la vérité sur les circonstances de ce décès et sur la façon dont Valentina a été traitée par ceux qui avaient sa charge.
Suite à la fermeture du Foyer Namasté en avril 2013, secoué par une affaire d’abus sexuels, la petite avait été placée dans d’autres places of safety de l’île. Son état de santé se serait détérioré récemment alors qu’elle était prise en charge par une association spécialisée pour les enfants handicapés dans les hautes Plaines-Wilhems. Toutefois, Cindy affirme qu’elle ne savait pas où se trouvait sa sœur depuis la fermeture du Foyer Namasté (voir hors-texte). «Je me suis rendue plusieurs fois au ministère de l’Égalité des Genres, du Développement de l’Enfant et du Bien-Être de la Famille, pour savoir où se trouvait Valentina. Mais personne ne m’a donné de réponse. J’étais livrée à moi-même. Et cette année, une voisine dont la fille avait été admise à l’hôpital de Candos est venue me voir pour me dire que ma petite sœur s’y trouvait aussi. J’étais choquée car personne ne m’avait mise au courant alors que, lorsqu’elle était au Foyer Namasté, on me prévenait toujours lorsqu’elle allait mal», confie Cindy. En apprenant la nouvelle, elle est allée rendre visite à sa sœur.
Mais l’accès lui aurait été tout bonnement refusé. «Le personnel soignant m’a dit qu’elle n’avait droit à aucune visite, sauf si c’était une personne du ministère de l’Égalité des Genres, du Développement de l’Enfant et du Bien-Être de la Famille ou la personne qui avait sa charge. J’ai insisté pour la voir. En vain. Aujourd’hui que Valentina n’est plus là, les autorités concernées par son cas veulent jeter le blâme sur ma famille et moi. Car elles allèguent avoir pris contact avec moi la première fois que Valentina a été admise à l’hôpital cette année et que je leur aurais raccroché au nez, et que le même scénario se serait produit la semaine dernière quand elles ont voulu me prévenir qu’elle se trouvait à l’hôpital. Mais à aucun moment je n’ai reçu d’appel téléphonique de leur part», s’insurge Cindy, maman d’une fillette de 5 ans.
La petite Valentina, raconte-t-elle, n’a jamais eu une vie facile. Ses malheurs auraient commencé alors même qu’elle se trouvait dans le ventre de sa mère qui souffrait alors d’une tumeur au cerveau. «Ma mère prenait beaucoup de médicaments pour soigner sa tumeur. Elle est morte quatre mois après la naissance de Valentina. À mon avis, ce sont les médicaments qu’elle prenait qui ont causé le lourd handicap de Valentina. Par la suite, elle avait été prise en charge par notre grand-mère car j’étais encore très jeune à l’époque.» Toutefois, à l’âge de 2 ans, Valentina a été prise en charge par le Foyer Namasté d’Albion, avant d’être confiée à celui de Mont-Roches, il y environ quatre ans.
Séparation
«Le centre d’Albion accueillait les enfants en bas âge seulement. Il a aussi fallu transférer Valentina à Mont-Roches car elle avait des besoins très précis. J’allais la voir chaque samedi. Elle était très attachée à une dame qui s’appelle Joëlle et qui travaillait là-bas. Je ne sais pas si cette séparation l’a rendue encore plus fragile car je n’ai pas eu de ses nouvelles depuis. Sa vie n’a été faite que de souffrance», se désole Cindy.
Suite à la fermeture du Foyer Namasté, Valentina avait été placée au Centre d’éducation et de développement pour les enfants mauriciens (CEDEM), sous la responsabilité de Rita Venkatasawmy. «Valentina a effectivement fait un passage chez nous, nous a déclaré cette dernière. Elle était déjà très fragile. Personnellement, j’ai fait mon devoir en envoyant des correspondances officielles aux ministères concernés pour dire que l’enfant en question nécessitait des soins médicaux appropriés et que le CEDEM était dans l’incapacité de la prendre en charge. Le nécessaire a été fait et la petite Valentina a été transférée dans un autre centre spécialisé.»
De son côté, Marie-Rose Gaspard, responsable de l’Association des Handicapés de Malherbes, où se trouvait Valentina dernièrement, s’est refusée à tout commentaire sur cette affaire et nous a renvoyés au ministère de l’Égalité des Genres, du Développement de l’Enfant et du Bien-Être de la Famille.
En tout cas, la triste histoire de la petite Valentina Rebet remet en lumière la situation des anciens petits pensionnaires du Foyer Namasté. Si certains sont pris en charge par différents foyers de l’île, il y a aussi ceux qui sont ballottés entre leur place of safety et l’hôpital Brown Sequard, alors que d’autres sont admis dans ce centre hospitalier depuis la fermeture du Foyer Namasté, soit depuis plus d’un an (voir hors-texte). Valentina, elle, s’est envolée vers d’autres cieux, laissant derrière elle une vie de souffrance.
Sollicité pour une réaction sur le décès de la petite Valentina Rebet, un haut cadre du ministère de l’Égalité des Genres, du Développement de l’Enfant et du Bien-Être de la Famille nous a fait la déclaration suivante. «Il y a quelque temps, notre personnel a téléphoné à la sœur de la petite Valentina pour une rencontre. Mais elle n’est jamais venue au rendez-vous. D’ailleurs, cette année, l’enfant avait été admise à l’hôpital et les médecins avaient conclu que son état nécessitait une intervention chirurgicale urgente. La famille avait été informée car il fallait une signature pour que l’opération puisse avoir lieu. Mais une fois de plus, personne ne s’est manifestée», soutient notre source. Dans ce cas, qui a signé pour que la petite puisse bénéficier des soins appropriés ? À cette question, notre source affirme qu’elle est dans l’incapacité de confirmer ou pas si la petite Valentina a finalement été opérée.
Notre interlocuteur explique aussi que le ministère de l’Égalité des Genres, du Développement de l’Enfant et du Bien-Être de la Famille a un protocole à respecter lorsqu’il s’agit du placement d’un enfant dans une place of safety. «Premièrement, c’est à la demande de la cour qu’on place les enfants dans des foyers. Ces enfants sont soit abandonnés par leurs parents ou vivent dans des milieux à risques. Dans ces deux cas, nous avons pour responsabilité d’assurer la protection de ces enfants et leurs parents ne sont pas informés de l’endroit où ils se trouvent. Mais si les parents souhaitent rencontrer leur enfant, c’est le ministère qui arrange une rencontre dans un autre lieu, en dehors du foyer. Dans le cas de la petite Valentina, je ne peux certifier si ce protocole a été appliqué du fait que je ne sais pas si elle avait été abandonnée par ses proches ou si elle était une enfant maltraitée.» Une rencontre est prévue cette semaine entre la direction du CEDEM, celle de l’Association des Handicapés de Malherbes et le personnel du ministère de l’Égalité des Genres, du Développement de l’Enfant et du Bien-Être de la Famille, en présence de la ministre Mireille Martin, pour discuter de ce cas.
C’est suite aux allégations d’un pensionnaire du Foyer Namasté, qui avait accusé l’un des directeurs, Steve Savrimoootoo, d’attouchements sexuels, que le ministère de l’égalité des Genres, du Développement de l’Enfant et du Bien-Être de la Famille, avait décidé d’enlever au centre son permis de place of safety. Les pensionnaires avaient alors été transférés vers d’autres foyers certifiés place of safety, alors que 52 employés s’étaient retrouvés sans emploi du jour au lendemain.
Suite à cette affaire, la police avait ouvert une enquête et Steve Savrimootoo avait été arrêté sous une accusation provisoire d’attentat à la pudeur. Entre-temps, les employés du Foyer Namasté ainsi que des parents des petits résidents avaient entamé une grève au jardin de la Compagnie pour réclamer la réouverture du centre en question. En vain. Le jeudi 3 avril 2014, l’accusation qui pesait sur Steve Savrimootoo a été rayée en cour de Curepipe par manque de preuves et parce que ceux qui l’accusaient ne s’étaient jamais présentés en cour. Depuis, certains parents ont manifesté leur désir de voir le Foyer Namasté rouvrir ses portes, alors que d’autres s’opposent à cette démarche.
Il ne sait plus à quel saint se vouer. Depuis la fermeture du Foyer Namasté où résidait son fils Lovin, ce père de deux enfants dit vivre un enfer. «Depuis cette fermeture, mon fils n’est plus le même. Dans un premier temps, il a été placé dans un foyer à Belle-Mare. Puis, depuis septembre de l’année dernière, il est dans un foyer à Pointe-aux-Sables. Mais le lieu n’est pas adapté à son handicap. C’est un enfant qui a besoin d’espace pour s’épanouir. Or, là-bas, il est confiné dans un petit espace et ne participe à presque aucune activité. Donc, il n’est pas du tout épanoui. Le plus dur, c’est qu’aucun centre spécialisé ne pourra le prendre en charge car il a 17 ans», confie Harry Mootoosamy.
Mais le calvaire de son fils ne s’arrête pas là : «En janvier, Lovin a été admis à l’hôpital psychiatrique durant deux semaines. Et ça a été la même chose pour les mois de mars, avril et mai. Il a aussi passé tout le mois de juillet à l’hôpital psychiatrique. Il est sorti le 30 juillet avant d’être à nouveau admis le lendemain. C’est inadmissible. Je fais appel à ces personnes du foyer pour qu’ils fassent preuve de patience car on ne peut pas ballotter un enfant comme ça.» Pour l’heure, deux autres ex-pensionnaires du foyer Namasté sont admis à l’hôpital Brown Sequard, dont une fille et un adolescent. Ce dernier y est admis depuis plus d’un an, soit depuis la fermeture de Namasté.
«Il est muet et souffre d’hyperactivité. Mais je ne trouve pas normal qu’il soit admis à l’hôpital psychiatrique depuis la fermeture de Namasté, alors que lorsqu’il était là-bas, il ne faisait pas le va-et-vient entre l’hôpital et le foyer», déplore un membre de sa famille. Les proches de Lovin Mootoosamy et de son camarade du même âge ne savent ce qu’il adviendra d’eux l’année prochaine, quand ils auront atteint l’âge adulte. Surtout en l’absence d’une structure appropriée pour les accueillir.
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