Publicité

Maha Shivaratri : un an après, les leçons du drame de Mare-Longue

4 mars 2024

L'an dernier, le décès de Rohan Dorjan et de Parmeshwar Dookeea lors du pèlerinage avait choqué et ému tous les Mauriciens.

Une année s’est écoulée et les images du kawal en feu sont toujours vives dans les esprits des Mauriciens. Le 16 février de l'année dernière, alors qu’un groupe de pèlerins d’Albion revenait du Ganga Talao, après leur pèlerinage vers le lac sacré, leur kawal, qui faisait 22 pieds de haut, a heurté un câble électrique à haute tension à Mare-Longue, provoquant l’explosion d’un générateur. Alors que 15 pèlerins ont été blessés, Rohan Dorjan, 22 ans, est décédé sur le coup et Parmeshwar Dookeea, 35 ans, a rendu l’âme à l’hôpital. Un malheur qui a plongé les proches des victimes dans la douleur et le pays dans le deuil pendant que le pèlerinage se terminait dans le choc, la tristesse et le désarroi.

 

Alors que les préparatifs en vue du Maha Shivaratri, qui sera célébré le vendredi 8 mars, vont bon train, cette tragédie hante toujours les esprits, rappelant aux pèlerins la nécessité de faire preuve de prudence et de modération. Il faut dire qu’au cours de ces dernières années, cette célébration est devenue un événement attendu avec impatience par les jeunes des quartiers qui rivalisent d’idée pour faire le plus beau, le plus grand et le plus original des kawals. Que ce soit au niveau de la taille, du concept, de la représentation, leur créativité ne laisse pas insensible. Cependant, certaines pratiques interpellent, surtout après le drame de l’année dernière. Cette fois, afin de prévenir tout accident, les autorités ont mis en place plusieurs mesures pour mieux structurer le pèlerinage. Bhojraj Ghoorbin, président de la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation (MSDTF), lance un appel aux dévots pour qu’ils respectent les consignes mises en place par les autorités afin d’assurer la sécurité de tous. «Nous rappelons aux pèlerins l'importance de suivre les règles. Nous avons fait une conférence de presse et fait passer le mot dans tous les mandirs. Si votre kanwar ne dépasse pas trois mètres, il n’y aura pas de problème. Nous avons attiré l’attention à plusieurs reprises sur les précautions à prendre afin d’éviter tout risque.»

 

En effet, il y a quelques semaines, la MSDTF a fait part des recommandations visant à renforcer la sécurité sur la route menant au Ganga Talao dans le cadre de cette procession religieuse. Ces consignes ont été émises par un comité ministériel présidé par le ministre des Arts et du Patrimoine culturel, Avinash Teeluck, en collaboration avec la Police Traffic Branch et des associations socioculturelles. La police, par le bais d’Ashok Mattar, appellent les pèlerins à respecter les consignes et à faire preuve de prudence afin d’éviter tout accident. Il a rappelé l’importance de suivre les consignes de sécurité, telles que le port de vêtements blancs, la marche du côté gauche de la route et le port de gilets réfléchissants pendant la nuit.

 

Revenir à l'essentiel

 

L’une des principales consignes est la taille des kawals qui ne devraient pas dépasser trois mètres en hauteur et deux mètres en largeur afin d’éviter tout contact avec les câbles électriques, les ponts et les passerelles. «Nous avons aussi demandé aux pèlerins de ne surtout pas prendre des objets comme des bâtons pour soulever les fils électriques afin de faire passer leur kanwars. C’est quelque chose que nous avons vu plusieurs fois au cours de ces dernières années et il faut que ça cesse, car c’est dangereux», souligne le président de la MSDTF.

 

L’utilisation des générateurs alimentés en carburant est également déconseillée. «Il faut faire extrêmement attention avec les générateurs qui roulent avec de l’essence. S’il y a de l’eau et des illuminations, ça peut faire un faux circuit. Avant, on prenait notre kawal sur nos épaules et marchions pendant quatre jours depuis le Nord en chantant le long de la route. Nous comprenons que tout est modernisé aujourd’hui et que les jeunes veulent faire différemment, mais il est aussi important de respecter les consignes pour notre sécurité et celle de notre prochain.»

 

La Maha Shivaratri Seva Samiti, association qui réunit plusieurs groupes de jeunes dévots, a récemment eu une rencontre avec le Premier ministre. Si Kavish Bhoonah, le président, lance lui aussi un appel  au respect des consignes de sécurité, il estime qu’il est important de ne pas perdre de vue l’essence même du Maha Shivaratri. «Le triste incident de Mare-Longue a énormément marqué la communauté qui s’est sentie touchée et bouleversée par ce qui s’est passé. D’ailleurs, nous avons passé le mot aux pèlerins pour qu’ils rendent hommage aux défunts lorsqu’ils passeront sur le lieu de l’accident. Ce drame a créé un choc culturel et émotionnel qui nous ramène à l’essentiel. Le kawal témoigne de notre dévotion, oui, mais pas sa taille ni sa complexité. Nous devons revenir aux sources. Le kawal, ce n’est qu’un aspect de la célébration qui comprend d’autres éléments comme la récupération de l’eau sacrée, la marche dans la discipline, la piété et la ferveur.»

 

En sanscrit, poursuit notre interlocuteur, le mot kawal indique une branche de bambou à laquelle on attache deux pots pour transporter l’eau sacrée du lac, qui sera ensuite déversée sur le shivling. Avec le temps et l’évolution, cette simple branche s’est transformée en de grands et beaux kawals qui rivalisent de créativité et d’originalité. Néanmoins, l’aspect sécurité doit primer, dit-il. «Nous devons bien nous concentrer sur le pèlerinage, sur notre marche qui doit être disciplinée. Avant, on construisait les kawals avec les moyens du bord et selon notre budget, mais aujourd’hui, nous avons la possibilité de choisir du bon matériel. Ce serait bien aussi que les jeunes soient formés aux premiers secours à travers les fédérations et associations sociocultrurelles afin qu’au moins une personne dans le groupe puisse donner les premiers soins en cas de besoin. »

 

Pour Kavish Bhoonah, il est important de ne pas prendre ces consignes comme des restrictions, mais comme des recommandations qui sont là pour s’assurer du bon déroulement du pèlerinage, tout comme en Inde où il y a, comme chez nous, le kawal yatra pour aller prendre de l’eau sacrée et l’offrir ensuite au dieu Shiva.

Publicité