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Négociations entre Maurice et le Royaume-Uni : Chagos, un espoir de justice

3 octobre 2023

Jean-Francois Nellan et Olivier Bancoult espèrent espèrent tous deux qu'il y aura réparation.

Les Chagossiens sont-ils aux portes d’un heureux dénouement ? Pourront-ils enfin retrouver leurs terres en toute liberté ? La question est sur toutes les lèvres et tient en haleine toute la communauté. Plus de 50 ans après leur expulsion et une lutte acharnée lancée par Maurice pour retrouver sa souveraineté sur l’archipel, la confiance règne et les récents propos de l’ancien Premier ministre britannique, Boris Johnson, n’ont en rien entaché cela. En effet, dans une tribune publiée le vendredi 22 septembre dans les colonnes du Daily Mail, ce dernier a exprimé de manière virulente son opposition de restituer les Chagos jetant ainsi un pavé dans la mare.

 

Alors que les discussions entre Maurice et Londres semblent avancer dans la bonne direction et que Pravind Jugnauth affirmait au même moment à la tribune des Nations-unies, à New York, toute sa confiance dans les négociations entre les deux pays, Boris Johnson soutient que l’Angleterre est en train de commettre une «erreur colossale» en abandonnant les Chagos, décision qui serait selon lui imminente. Pour lui, la revendication de Maurice sur les Chagos est «intrinsèquement absurde» et ne repose sur aucun fondement, même sur le plan géographique car l’archipel n’aurait, selon lui, jamais fait partie du territoire mauricien.

 

S’il dit reconnaître que l’éviction des Chagossiens de leurs terres a été douloureuse, il estime qu’il n’y avait pas d’autres moyens pour pouvoir construire cette base militaire. Toutefois, Boris Johnson affirme que «le Royaume-Uni a fait de son mieux pour compenser les Chagossiens, tant financièrement que par des droits de résidence. Selon une estimation, il y aurait aujourd’hui plus de Chagossiens à Crawley, rien qu’en Angleterre, qu’il n’y en avait à Diego Garcia en 1966. Lors de mes rencontres avec des délégations de Chagossiens, j’ai été frappé par le fait que leur objectif principal n’est pas de retourner au Chagos (où, soyons réalistes, la vie était plutôt difficile), mais de veiller à ce que d’autres Chagossiens déplacés soient autorisés à venir au Royaume-Uni». Pour lui, il est plus que jamais temps de «renverser la table des négociations et de se montrer plus fermes».

 

Au sein de la communauté chagossienne que ce soit à Maurice ou en Angleterre, les paroles de Boris Johnson ont suscité colère et indignation au moment même où le monde, souligne Olivier Bancoult, leader du Groupe Réfugiés Chagos, a les yeux braqués sur les négociations entreprises par le gouvernement mauricien et anglais. «Je pense que Boris Johnson est la dernière personne à pouvoir se permettre de tenir de tels propos. Jamais, alors qu’il était Premier ministre, il a trouvé un moment de corriger l’injustice commise par le gouvernement anglais vis-à-vis des Chagossiens. Si les Britanniques eux-mêmes ne veulent plus de lui, alors je pense que nous n’avons pas à tenir compte de sa déclaration. Il devrait avoir honte de son non-respect envers les institutions. Nous n’avons aucune leçon à prendre avec Boris Johnson.»

 

Aujourd’hui, alors que la communauté chagossienne semble, dit-il, détenir un avantage dans les discussions autour de la restitution de l’archipel, Olivier Bancoult estime qu’il faut se montrer prudent. «Nous sommes remplis d’espoir, mais nous devons attendre, car nous ne pouvons pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Je suis, d’ailleurs, actuellement, à Washington DC pour voir ce que nous pouvons faire pour faire avancer le dossier car cela concerne grandement, aussi, le gouvernement américain. L’injustice est une priorité, mais la réparation est aussi importante, tout comme le relogement que nous aborderons en temps et lieu.»

 

Réparation

 

Pour Jean-François Nellan, porte-parole des Chagossian Voices, il faut comprendre que l’intérêt de Boris Johnson se situe plus sur les relations entre le Royaume-Uni et les États-Unis. «Dans tout son discours, il a omis un élément fondamental qui est les droits humains des Chagossiens. De plus, venir dire que les Chagossiens préfèrent vivre aux Royaume-Uni que de vivre sur leur terre ancestrale est complètement erroné sans véritable référendum. Nous rejetons aussi ses dires concernant la nationalité britannique attribuée aux Chagossiens et leurs descendants pour pouvoir s’installer au Royaume-Uni qui, selon lui, est une indemnisation ainsi que la supposée indemnisation monétaire. La nationalité des Chagossiens et la filiation à leurs descendants est un droit de naissance sous colonie britannique, et non une quelconque compensation. Nous espérons qu’il finira par comprendre que nous ne sommes pas que des insulaires, mais un peuple autochtone avec des droits qui doivent être respectés.»

 

Tout comme Olivier Bancoult, il est, aussi, d’avis que les erreurs du passé doivent être corrigées et que le peuple chagossien doit être correctement indemnisé pour toutes ces années de souffrance. Les erreurs commises, poursuit Jean-François Nellan, par le gouvernement mauricien et anglais. «Même s’il semblerait que le Royaume-Uni va céder les Chagos à Maurice, il n’y a rien de définitif. Il y a encore des points à régler, en ce qui concerne la base militaire, et il ne faut surtout pas oublier la révision judiciaire de Madame Bernadette Dugasse qui est toujours d’actualité. Le Royaume-Uni et Maurice doivent admettre que nous sommes un peuple indigène comme cela a été mentionné dans plusieurs rapports internationaux. Que les deux États réparent leurs erreurs en ce qui concerne notre droit qui a été bafoué. Qu’un relogement décent soit fait en accord avec les souhaits du peuple chagossien, que les Chagossiens soient dignement indemnisés pour ces 60 années de souffrances. Tous les Chagossiens à travers le monde doivent être traités équitablement avec les mêmes droits.»

 

L’une des conditions sine qua none pour y arriver, estime Jean-François Nellan, c’est que les Chagossiens soient inclus dans les discussions et les négociations. «Comme nous l’avions fait ressortir à la mission permanente de Maurice lors de la 16e session du Human Rights Council, Expert Mechanism on the Rights of Indigenous Peoples, nous allons continuer à nous battre. Nous espérons que les deux États vont respecter nos droits humains et ne pas prendre ce genre de décision sans le consentement démocratique des Chagossiens. Nous ne voulons pas que l’identité chagossienne soit altérée ou effacée par celle des Mauriciens.»

 

Après son intervention à la 78e session des Nations-unies la semaine dernière, Pravind Jugnauth a mis le cap sur le Royaume-Uni, où il a une fois de plus réitéré la détermination de Maurice à réinstaller les Chagossiens sur leurs terres. Le PM, comme souligné dans le dernier conseil des ministres, a aussi exprimé l'espoir que les négociations aboutissent avec le Royaume-Uni dans la décolonisation complète de Maurice. Par ailleurs, Pravind Jugnauth a exhorté la communauté internationale à soutenir la création d’une zone marine protégée autour de l’archipel des Chagos tout en faisant un appel à «l'amitié continue entre Maurice et la France pour résoudre la question de Tromelin», île qui fait, elle aussi, partie intégrante de notre territoire.

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