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Nine-Year Schooling : les parents en mode «wait and see»

24 août 2015

Les premiers changements entreront en vigueur à partir de l’année prochaine.

Ça y est ! Exit le Certificate of Primary Education (CPE), les National Form 3 Exams et les collèges prévoc. Enter le Primary School Achievement Certificate (PSAC), le National Certificate of Education (NCE), les académies, les collèges régionaux et les écoles polytechniques. Les premiers changements entreront en vigueur, par petites phases, à partir de l’année prochaine et, d’ici cinq ans, le Nine-Year Schooling devrait être bien installé. La présentation officielle du plan de réforme, jeudi, par la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, a donné lieu à un déluge d’informations pas toujours compréhensibles et qui ont déboussolé plus d’un. Et malgré l’enthousiasme de certains, des interrogations persistent, surtout chez les nombreux parents dont les enfants seront touchés par cette réforme.

 

La fille de Laura Martin Constantin devait normalement prendre part aux examens du CPE en 2019, mais avec la réforme Dookun-Luchoomun,  elle sera de la première génération PSAC, un examen qui devra évaluer ses progrès et ses compétences. Un an plus tôt, elle aura droit au Modular Approach qui lui permettra de prendre part à des examens pour deux matières à la fin du Std V. Sa performance ne sera cependant pas prise en considération car son entrée dans un collège se fera sur la base de la régionalisation.

 

Face à ces changements, Laura reste sceptique. Elle n’a, dit-elle, jamais été très d’accord avec le CPE, qui impose trop de pression sur l’enfant, surtout que beaucoup, arrivés en Form I ne savent souvent ni lire ni écrire : «Je ne trouve pas normal que les enfants de cet âge n’arrivent pas à lire un truc simple. J’ai souvent eu l’impression que rien n’a été fait pour améliorer l’éducation à Maurice.» D’accord avec le besoin de changement, la jeune femme n’est toutefois pas à l’aise avec le nouveau système proposé. Celui-ci, dit-elle, ne lui semble pas mieux, du moins pour le moment : «C’est encore très flou et j’espère que la ministre nous donnera plus de détails. Pour le moment, je n’ai pas le sentiment qu’on va alléger le fardeau de ces enfants. Tout ça m’a l’air compliqué. N’y a-t-il pas un moyen plus simple d’aider les enfants ?»

 

Repousser le stress et la compétition

 

Avec le Nine-Year Schooling, notre système éducatif fera face à de gros changements. Outre la nouvelle formule des examens, l’admission en secondaire se fera sur la base de la régionalisation. L’élève devra alors intégrer un collège régional où il aura une éducation complète avec plusieurs matières jusqu’en Form III. C’est là qu’il prendra part au NCE, un examen qui lui permettra d’accéder soit aux académies, réservées aux meilleurs, aux collèges régionaux ou aux écoles polytechniques. Luxmi Soburrun se demande, lui, si ce n’est pas repousser le stress et la compétition féroce du CPE de trois ans. Pour son fils aujourd’hui âgé de 6 ans, il aurait préféré le présent système : «Quel parent ne voudra pas que son enfant aille à l’une de ces 11 académies ? Tout le monde. La compétition sera encore plus dure, selon moi.»

 

De part et d’autre, les avis sont partagés. Mylène Lecoq-Bamboche, mère de deux filles, dont la benjamine passera par le Nine-Year Schooling, est elle beaucoup plus enthousiaste, consciente qu’un changement est nécessaire afin de mieux répondre aux besoins éducatifs des enfants : «Je suis pour la réforme car il en était grand temps ! Tellement les petits Mauriciens ont été broyés par le système actuel.» Si elle est d’avis qu’il faut soutenir la réforme, elle avoue cependant qu’en tant que parent, ce changement de taille apporte tout de même son lot d’angoisse : «Naturellement, j’ai des craintes comme tous les parents dont les enfants passeront par le Nine-Year Schooling car changer implique de se jeter dans l’inconnu. Je comprends aussi que toute réforme comprend une période où on est en rodage, mais j’attends que les mesures soient consistent et sustainable car l’idée que nos enfants soient quelque part utilisés comme des cobayes - n’oublions pas le côté expérimental de la chose - ajoute aussi à mes inquiétudes.»

 

La ministre Leela Devi Dookun-Luchoomun a annoncé, lors de cette grande présentation, que l’Education Act serait amendée une fois le dossier du Nine-Year Schooling finalisé. En attendant, les choses devraient certainement se clarifier et se préciser.

 


 

Les points clés de la réforme

 

●Après deux ans de préscolaire, l’enfant sera admis dans une école primaire de sa région où il complétera les Grades 1 à 6, soit l’équivalent des Std I à VI. Les programmes scolaires seront redéfinis et les matières se déclineront sous deux catégories : les Core Subjects, dont l’anglais, le français, les mathématiques, l’histoire-géographie, les langues orientales et le kreol morisien, et les Non-Core Subjects, comme l’éducation physique et les arts, mais aussi de nouvelles matières comme Civic and Values Education, It Skills, Communication Skills.

 

●Le Primary School Achievement Certificate remplacera le Certificate of Primary Education et permettra à l’enfant d’avoir une évaluation continue - celle-ci concerne les Non-Core Subjects uniquement et comptera pour 40 % des points - en plus de l’examen de fin d’année.

 

●Si l’enfant rencontre des difficultés d’apprentissage, il sera pris en charge par des Remedial Teachers. Cet accompagnement sera possible dès le Grade 1.

 

●Arrivé en Grade 5, l’élève participera à la Modular Approach. Afin de réduire le nombre de matières à composer à la fin du Grade 6, deux examens pour les sciences et l’histoire-géographie sont prévus. Les points seront stockés pour être comptabilisés à la fin du Grade 6.

 

●A la fin du cycle primaire, l’élève intégrera un collège régional. Les parents pourront choisir parmi les cluster schools, mais cela dépendra aussi des résultats de l’enfant. Il y restera alors jusqu’au Grade 9 (Form III).

 

●Le National Certificate of Education entre alors en jeu. Il devra passer par cet examen écrit pour accéder à la prochaine étape, le Grade 10 (Form IV) où il sera dirigé vers des filières spécifiques selon son domaine de compétence.

 

●À la fin des Grades 10 et 11, il prendra part au Cambridge School Certificate et pourra alors soit : i) intégrer une des 11 académies. Les collèges comme Dr Maurice Curé, Royal College, QEC, Mahatma Gandhi Institute, entre autres, deviendront des centres d’excellence spécialisés dans les sciences sociales, le Business and Management, les langues, les TIC, les Sports et l’éducation physique, entre autres, où seuls les meilleurs seront admis ; ii) Rester dans les collèges régionaux ; iii) Accéder dès le Grade 10 à la filière pré-professionnelle - de nouveaux établissements seront construits à cet effet.

 

●Pour les Grades 12 et 13, deux possibilités s’offriront à l’élève : rester dans l’académie qu’il fréquente ou rejoindre une école polytechnique. S’il souhaite faire une nouvelle tentative pour accéder à une académie, il pourra le faire. Il pourra aussi préférer rester dans son collège régional.

 


 

Accueil favorable du BEC

 

Accompagner l’enfant tout au long de son éducation et veiller à son développement et à son épanouissement a toujours été la priorité de Bureau de l’Éducation Catholique (BEC). C’est à la lumière de ce postulat que le projet de réforme du système éducatif du gouvernement a été accueilli favorablement. Dans un communiqué émis vendredi, Gilberte Cheung, la directrice du BEC, trouve positifs les points suivants : l’accent sur le pré-primaire et le primaire ; le curriculum élargi avec des Core et des Non-Core Subjects, qui fait de la place pour des classes de communication, de technologie informatique, de créativité et d’activités ludiques ; l’introduction de l’évaluation continue, qui constitue une première sur le plan national ; l’introduction d’une structure de modules dans le Primary School Achievement Certificate ; les services de soutien avec les remedial units tout au long du parcours au primaire. Le BEC note aussi que «la nouvelle structure proposée avec les trois filières - académies, collèges régionaux et écoles polytechniques - a l’avantage de respecter les différents talents et capacités des élèves».  Cependant,  «le terme Centres d’Excellence attribué aux académies devrait s’appliquer aussi aux collèges régionaux et techniques en ce qu’il s’agit de la qualité des services et des ressources», observe Gilberte Cheung. Pour le moment, les consultations  sur le projet de réforme continuent au BEC. A la fin de l’exercice, un memorandum sera envoyé au ministère de l’Education avec des propositions concrètes.

 


 

Réactions

 

Steven Obeegadoo, porte-parole du MMM pour l’éducation : «Nous suivons avec un grand intérêt ce que fait la ministre et pensons qu’elle a fait un pas dans la bonne direction. Elle est définitivement en faveur d’une éducation de base pour tous pendant neuf ans. Il y a toutefois encore quelques incertitudes par rapport, par exemple, aux examens en Grades 4, 5 et 6, à la formation des enseignants, au curriculum scolaire, etc…»

 

Vinod Seegum, président de la Government Teachers Union : «Nous accueillons cette réforme avec un grand soulagement. Cela fait longtemps que nous attendons ce changement. Cela permettra aux enfants en difficultés d’être mieux suivis par des enseignants spécialisés. Tout cela sera bénéfique pour l’enfant.»

 

Suttyhudeo Tengur, président de la Government Hindi Teachers Union : «Les explications de la ministre rendent les choses beaucoup plus claires désormais. Toute ces mesures contribueront à alléger le fardeau de l’enfant et prônera son développement.»

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