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12 avril 2021 14:22
Il a 11 ans. Il était prêt pour ses examens malgré les circonstances inédites qui entouraient ceux-ci. Il avait assimilé tous les gestes et toutes les précautions qui devaient lui permettre de passer cette étape dans de bonnes dispositions, alors même que beaucoup estimaient que ces épreuves auraient dû être renvoyées avec la Covid-19 qui circule dans le pays. Mais voilà qu’aujourd’hui, il se retrouve en quarantaine, avec l’ombre du coronavirus qui plane sur lui.
Depuis quelques jours, l’histoire de cet élève de l’école Philippe Rivalland, à Beau-Bassin, et candidat aux épreuves du Primary School Achievement Certificate (PSAC), est connue de tous. Cela, après qu’une surveillante qui était dans le même centre d’examens que lui, le mardi 6 avril, a été testée positive à la Covid-19. Pour de nombreux Mauriciens, ce qui est arrivé est le résultat «d’une faille dans le protocole» car l’Invigilator, qui habite en zone rouge, avait participé à un exercice de dépistage de masse dans sa localité, la veille. Ce n’est que mardi après-midi qu’elle a appris qu’elle était positive. Depuis, elle est admise à l’hôpital ENT.
Si le ministère de l’Éducation a décidé de maintenir les épreuves du PSAC, de nombreux parents s’attendaient à ce que les examens soient renvoyés, estimant que les autorités «ont exposé leurs enfants au virus». Les autorités concernées ont, elles, tenu à rassurer les parents en affirmant que l’Invigilator en question n’avait qu’un seul élève à besoins spéciaux sous sa surveillance. Leela Devi-Dookun Luchoomun, ministre de l’Éducation, a d’ailleurs qualifié ce qui est arrivé à l’école Philippe Rivalland de «petit incident», ce qui n’a pas manqué de provoquer la colère des parents qui considèrent que «bien que ce soit un “petit incident”», un enfant asthmatique a dû interrompre sa participation aux examens pour se retrouver en quarantaine avec tout le stress que cela comporte. Dans la foulée, alors que d’autres examens ont aussi lieu en ce moment – School Certificate et Higher School Certificate –, certains parents ont décidé de ne pas envoyer leurs enfants prendre part aux autres épreuves.
De son côté, l’écolier de Philippe Rivalland se retrouve en quarantaine avec sa maman. «Je suis déjà assez bouleversée et je me consacre en ce moment exclusivement à mon fils. Vous vous interrogez sur notre état d’esprit ? Forcément, on est down, on est stressés», confie la mère du jeune Noa. À jeudi après-midi, la mère de famille ne cachait pas ses préoccupations : «On a fait les tests PCR. Des résultats négatifs seraient une lueur d’espoir (NdlR : les premiers résultats se sont révélés négatifs).» Mais l’inquiétude est omniprésente : «On est stressés, on a la peur au ventre.» La famille est également décidée à se battre pour situer les responsabilités dans ce qui est arrivé, même si, pour l’instant, sa priorité reste la santé de Noa. «Bien évidemment, je soutiens mon époux dans ses démarches d’aller de l’avant avec une action en cour (la famille souhaite poursuivre l’État) mais notre priorité en ce moment, c’est Noa et sa santé. Les poursuites seront dans un deuxième temps.»
Les habitudes de l’enfant sont complètement chamboulées. «Noa comprend très bien ce qui se passe. Par la force des choses, on a été obligés de lui expliquer. Il a 11 ans, il comprend et, bien sûr, il a peur. Il s’inquiète de ce que ses amis savent. C’est un enfant vous savez. Dans sa tête, il pense que, quand on a la Covid, c’est comme la peste. Vous savez comme les gens peuvent stigmatiser. Il est inquiet. Des fois, il va bien, à d’autres moments, il est un peu perdu dans ses pensées. Mais il va bien, je suis avec lui. On se soutient mutuellement. Il s’était bien préparé pour ses examens. C’est un enfant dyslexique ; il a des besoins spécifiques. On a fait un gros travail avec lui, avec son orthophoniste et son éducatrice spécialisée, pour le préparer pour les examens. Bousculer tout cela n’est pas évident», souligne la maman, visiblement fatiguée par cette épreuve, même si elle reste forte pour son fils.
Cette actualité n’a pas manqué de susciter de nombreuses réactions. Paul-Henri, élève à l’école Philippe Rivalland et qui a lui aussi participé aux examens du PSAC, ne cache pas avoir ressenti du stress avec cette nouvelle qui a secoué son établissement scolaire. «C’était très stressant, surtout quand j’ai réalisé ce qui se passait dans mon école. Toutefois, je suis resté serein parce que j’ai senti le soutien de ma famille qui m’a fait confiance. Je me suis alors centré sur mes examens. Bien sûr, j’ai une pensée pour ce garçon qui se retrouve en quarantaine.» Pascale, la mère de Paul-Henri, s’est elle aussi sentie concernée : «Je sais qu’il n’y a pas de risque zéro. Mais avec mon fils et mon époux, on s’était préparés pour que tout se passe bien et que notre enfant passe ses examens dans de bonnes conditions. On avait prévu trois sacs, trois plumiers, trois tenues et trois paires de chaussures, et on l’avait également conditionné pour qu’il ne soit pas angoissé. Pour moi, ce qui est arrivé traduit que quelque chose dans le protocole n’a pas été respecté. Je soutiens à fond les parents du petit garçon qui se trouve en quarantaine dans leurs futures démarches.»
Un enseignant à l’école Philippe Rivalland, qui a aussi été surveillant durant la semaine écoulée pour les examens du PSAC, n’est pas près d’oublier cette expérience : «C’était bien évidemment stressant. Il fallait que nous, enseignants, fassions abstraction de cette frayeur pour ne pas la transmettre aux petits mais c’est vrai que la semaine n’a pas du tout était sereine. Les petits ont été courageux. Ce n’est pas évident de prendre part à des examens dans de telles conditions...»
Ce cas positif dans une école au moment des examens a inquiété et stressé de nombreux autres parents. Rishi Nursimulu, dont l’enfant a pris part à ces épreuves, en sait quelque chose : «Tous les examens nationaux sont stressants. Personne ne les passe en espérant qu’il ne réussira pas. Mais généralement, les enfants ont la possibilité de réviser correctement avec leurs enseignants jusqu’à la fin pour que tout soit frais dans leur esprit au moment où ils passent l’examen. Cette fois, non seulement les enfants n’ont pas eu la possibilité de réviser correctement avec leurs professeurs physiquement pour cette dernière ligne droite mais leur stress a été aggravé par la peur de contracter le virus. Les autorités ont décidé que c’était le bon moment pour mener ces examens et nous, parents, ne pouvions que prier et espérer le meilleur et la protection de nos enfants contre la Covid-19.»
Christophe Troylukho, parent d’un élève du PSAC, a lui aussi essayé de gérer au mieux le stress de ces derniers jours : «C’était à nous, les parents, de créer un environnement et une atmosphère sereins pour nos enfants. Durant ces derniers jours, mon fils s’est concentré sur ses papiers. Pour les examens, on ne lui a pas mis la pression. Au début, on avait un peu de crainte mais en voyant le protocole sanitaire mis en place dans son école, on a été rassurés.»
Que la Covid-19 se soit invitée dans un centre d’examens interpelle tous ceux qui prennent part à des examens. Steny Rosicourt, étudiante au collège Friendship Filles de Goodlands et participante aux examens du HSC, estime qu’il aurait fallu annuler les examens du PSAC : «Certains élèves ont peut-être une certaine maturité mais pas tous. Ils ont pu, sans s’en rendre compte, mettre leur vie en danger mais aussi celle de leurs parents en ne respectant pas les gestes barrières.» Actuellement pour elle, toutes les précautions sont de mise : «Nous sommes conscients qu’une baisse de vigilance peut tout chambouler. Personnellement, malgré les dangers, je suis soulagée que les examens n’aient pas été renvoyés une fois de plus car je ne veux pas perdre encore une année.»
C’est en poussant un ouf de soulagement qu’Amanda Leung Cheun a accueilli son fils Juliàn Face à la fin de ses examens du National Certificate of Education (NCE) durant la semaine écoulée. «J’avais très peur pour lui et en même temps, je faisais tout pour ne pas lui montrer que j’étais angoissée. Je suis contente que ce soit fini mais j’espère qu’on n’entendra rien de grave dans les jours à venir et que le virus n’a infecté personne durant les examens», lance cette maman en espérant que le virus soit vite sous contrôle pour qu’aucune autre famille n’ait à vivre des moments aussi angoissants à l’avenir. Comme Noa et ses proches...
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