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Par Yvonne Stephen
26 octobre 2021 05:09
Des jours difficiles. Où le poids d’une décision, qui au final n’en est pas une parce qu’il n’y avait pas vraiment de choix, pèse lourd. C’est ce qu’a vécu, il n’y a pas très longtemps, Pallavi Jagessur. Atteinte de myelite transverse (pour faire simple : une maladie neurologique rare qui provoque l’inflammation de la moelle spinale), elle ne peut se faire vacciner et n’a, du coup, pas accès à plusieurs endroits (hôtels, restaurants, salons d’esthétique, gymnase, entre autres). Depuis les récentes Consolidated Covid-19 Regulations 2021, qui stipulent que le pass sanitaire est un sésame d’accès pour différents endroits, sa vie s’est compliquée davantage. Elle n’est pas la seule dans ce cas ; de nombreuses personnes souffrant de certaines afflictions ne peuvent suivre le mouvement de la vaccination (découvrez aussi le témoignage d’Azeeza Rachid plus bas).
Mais revenons-en à cet épisode qui a mis Pallavi Jagessur – Life Coach qui participe régulièrement à la rubrique Psycho de 5-Plus – dans un état d’angoisse extrême : «J’étais supposée participer à un séminaire qui avait lieu dans un Business Hotel. On m’a refusé l’accès et j’ai dû supporter des moqueries. C’était difficile pour moi de digérer ça.» Les nouveaux règlements mis en vigueur par le gouvernement sont comme des brûlures qui ne cicatrisent pas. Elles sont à vif. Elles s’ajoutent à la souffrance de la maladie, à la charge mentale énorme qui en découle.
Au lieu d’aider, elles plombent : «Je ne suis pas du genre à aller au restaurant super souvent. Ou même à l’hôtel, ce n’est pas mon lifestyle. Je préfère la nature ! Malgré tout, c’est hyper dur de ne pas avoir accès aux salons de coiffure, à l’hôpital… Demain, les autorités peuvent aller encore plus loin. Qu’allons-nous faire dans ce cas ?» Surtout que l’option de faire un test PCR pour chaque sortie n’est pas viable financièrement.
La question qu’elle se pose aujourd’hui est la suivante : «Est-ce que les non-vaccinés/es sont, désormais, exclus/es de la société ?» Sa maladie, explique-t-elle, l’empêche d’avoir recours au vaccin ; même si les médecins de la Santé lui disent le contraire. «Les médecins savent bien que j’encours un risque de rechute et malgré tout, on me dit de faire le vaccin. Un médecin m’a même déconseillé de me faire vacciner contre la grippe parce que mon système immunitaire n’est pas mon ami. Comment peut-on me dire de faire le vaccin contre la Covid-19 ? Does this makes sense ?»
C’est en 2018 que la jeune femme est diagnostiquée : «Je me suis soudainement retrouvée paralysée. Ça a duré un an et demi.» Une sortie de la paralysie relevait du miracle mais les séquelles et la maladie sont encore là : «Même si mon état est stable, que je ne suis plus physiquement paralysée, je vis avec un handicap invisible et des séquelles, telles que le brain fog, la fatigue chronique, le foot drop, le restless leg syndrome. J’ai des troubles des intestins et de la vessie ; il n’y a pas de communication entre ces organes et mon système nerveux. Je n’ai pas honte d’en parler.» Et elle le sait, une dose de vaccin risque de créer des ravages : «Mes amies à l’étranger qui ont la même condition médicale que moi (ou alors le Guillane Barre, qui est similaire à la myelite transverse à 99 %) et qui se sont fait vacciner – qu’importe le vaccin ! – ont rechuté. Même à Maurice, il y a eu des cas ; certaines personnes touchées n’ont toujours pas de sensations dans leurs mains.»
La maladie chronique, c’est du gris à perte de vue. Un temps de menace. De la peur aussi. De ne pas faire ce qu’il faut, de ne pas prendre les bonnes décisions. Car l’orage peut éclater à n’importe quel moment. Une vie en pointillé entre les restrictions et les traitements. Azeeza Rachid en connaît les contours et les tourments. Cette Self-Employed a également une maladie auto-immune : «C’est quand votre système immunitaire se retourne contre vous. Il combat tout, même ce qui est bien pour vous. À la longue, le risque d’endommager des organes vitaux est important.» Allergique à de nombreuses choses, elle ne consomme plus le gluten, les processed foods ou les produits laitiers depuis de nombreuses années. Même les antidouleurs, «même ceux pour les enfants», lui provoquent des crises d’allergies aiguës. Elle a, dans ses souvenirs, les récits de ces enflures, de ces plaques rouges qui apparaissent partout, à glacer le sang : «Avec tout ça, comment puis-je mettre un vaccin dans mon corps ?»
Aujourd’hui, la pandémie et ses règles ont compliqué les choses. Si dans le quotidien, elle peut éviter, pour l’instant, restaurants, hôtels et gymnases, son activité professionnelle lui demande de voyager. Comment fera-t-elle ? Elle n’en a aucune idée. Et elle ne devrait pas se poser la question, estime-t-elle, Surtout que la Covid, elle pense déjà l’avoir contractée : «Je suis rentrée de voyage avant le premier confinement, j’étais malade, mais on n’en savait pas plus à propos de la maladie à l’époque. Je pense que mon corps s’est débrouillé pour combattre le virus.»
Au final, dit-elle, elle préfère de loin contracter le coronavirus que de s’inoculer du «chimique» qui risque de faire plus de dégâts qu’autre chose : «Si je pensais que le vaccin aiderait, ne mettrait pas ma santé en péril, pourquoi je ne le ferais pas ? Le gouvernement doit comprendre qu’on ne refuse pas le vaccin par simple lubie, c’est parce qu’on n’a pas le choix.» Alors, si les autorités veulent aider les gens dans son cas, il suffit «d’enlever ces lois ridicules».
Les règles sanitaires (port du masque, désinfection et distanciation sociale) suffisent amplement : «Les vaccinés baissent la garde. Certains vont partout, ne se protègent pas et ne protègent pas les autres parce qu’ils pensent qu’ils sont immunisés. Moi, je ne vais qu’au supermarché et à la banque, et je fais très attention. Ce n’est pas moi le danger. Dire que les non-vaccinés posent problème, ça n’a pas de sens. Le “succès” de la campagne de vaccination et le nombre de cas en hausse en sont la preuve.»
Pallavi Jagessur n’est pas aussi drastique. La situation est telle qu’elle ne voit pas le gouvernement faire marche arrière. Mais il y aurait des choses à faire pour aider les personnes dans son cas : «Les autorités doivent mettre leur ego de côté et revoir les protocoles. Les gens qui ont des soucis médicaux doivent être exemptés de vaccination et bénéficier du test PCR gratuit. Nos cas sont genuine, on ne s’invente pas des maladies. Les risques sont là.» Elle souhaite également qu’il n’y aura pas de jours encore plus difficiles…
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