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Parole aux éco-conscients - Flash floods : le gouvernement boit la tasse... des critiques

21 novembre 2023

Adi Teelock et Ashvin Gudday s'expriment sur la question.

Des gouttes d’angoisse. Qui se rejoignent, deviennent un torrent pour nourrir la peur. Les récentes fortes averses ont plongé des familles, plus particulièrement dans le sud, cette fois, dans le désespoir avec leurs maisons et commerces inondés. Des clichés impressionnants, routes défoncées et habitations sous les eaux, ont fait le tour des réseaux ; illustration criante de la violence du moment. A Saint-Jean, un pan du mur du cimetière s’est effondré suite aux grosses pluies. Si les autorités évoquent le changement climatique, la difficulté à faire face aux flash floods est la responsabilité de tout un chacun. Ceux et celles qui militent pour une île plus verte, plus durable, n’ont que faire de ces explications qui prennent l’eau. Ils estiment qu’une mauvaise planification urbaine, que des développements irréfléchis et que des drains pour seules solutions font partie des responsables.

 

Bobby Hureeram, ministre des Infrastructures publiques, qui répondait à la PNQ de Xavier-Luc Duval, cette semaine, n’a pas réussi à convaincre selon l’opposition. Pravind Jugnauth, non plus. En sortie publique, le chef du gouvernement a avancé qu’«aucun drain ne pourra évacuer un grand volume d’eau surtout quand il y a des averses qui durent plus d’une heure». Pourtant les drains semblaient être, jusque-là, la réponse unique et florissante (en termes de projets et d’argent dépensé) quand la question des inondations était abordée. Il s’agit, d’ailleurs, d’une des avenues proposées par Bobby Hureeram, le mardi 14 novembre au Parlement (voir hors-texte). Le Premier ministre a estimé, lui, qu’il fallait se pencher sur de «vraies solutions» afin que le surplus d’eau trouve la route des rivières et a fait taire les détracteurs qui estiment que les inondations à Quatre-Bornes seraient dues au métro (voir hors-texte).

 

Adi Teelock, porte-parole de la Platform Moris Lanvironnman, qui regroupe des éco-conscients, dénonce l’inaction du gouvernement face aux défis qui se font de plus en plus criants : «Le gouvernement au pouvoir depuis bientôt 10 ans n’a pas tenu compte des alertes sur les impacts du changement climatique, et des risques qui y sont liés. Il a accentué une politique économique de croissance à tout prix au détriment d’une vision à long terme qui intègre pleinement les risques à la population, comme les inondations et les sécheresses.»

 

13 Smart Cities

 

Pas de planification urbaine, ni de prise en considération de l’écoulement d’eau, des importantes zones de captage lors de cette course au bétonnage intensif : «Depuis 2015, treize smart cities ont obtenu le feu vert tandis que trois autres en ont fait une demande. Le tout pour une superficie de presque 10 000 arpents. Sans compter des dizaines d’autres projets immobiliers. Or, le bâti n’absorbe pas l’eau, au contraire de sols sous couverture végétale.»

 

Elle s’interroge sur les paramètres pris en considération pour ces développements : «Tout cela se fait en dehors de ce qui tient lieu de ”plan” d’aménagement du territoire, soit la National Development Strategy, qui date de … 2003 !» Une législation peu efficace et dépassée, estime notre intervenante : «La nouvelle National Land Development Strategy se fait toujours attendre depuis 2020. Et on ne sait pa si elle va pleinement intégrer les nombreux défis nationaux que pose le changement climatique.» Pour Adi Teelock, c’est un changement en profondeur et de réelles solutions durables et multiples qui doivent permettre de mieux gérer ces situations difficiles : «Ce qu’il aurait fallu pour réduire les risques d’inondation, c’est un plan d’aménagement du territoire avec un système de drainage des eaux pluviales régional. Ce système devrait comprendre des techniques qui imitent la nature : rigoles, canaux, bassins de rétention, reboisement important à des endroits appropriés.»

 

La construction des drains, seule, ne suffit pas :  «Pour la gestion des eaux pluviales lors d’épisodes de pluies intenses de courte durée qui sont plus fréquents et plus intenses en raison du changement climatique, les drains seuls ne sont pas suffisants.» Elle estime qu’il est, également, nécessaire d’ouvrir l’espace de la réflexion et de la prise de décision : «Jusqu’ici, ce sont les grands propriétaires fonciers, y compris l’État, qui structurent l’espace alors qu’il ne faudrait pas compromettre notre capacité nationale à faire face aux effets du changement climatique.»

 

Ashvin Gudday, de Rezistans ek Alternativ, vogue vers les mêmes conclusions : «Construire des drains ne suffit pas. On en est à se demander si pe met larzan pou ranz drin ou pe zet larzan dan drin.» Pour l’activiste, le gouvernement a «du pain sur la planche» s’il est «tout à fait conscient des défis et des dangers actuels». Malheureusement, avance-t-il, il «n’arrive pas à gérer correctement ou encore agir à temps». Ce qui est l’essence même de la bonne gestion d’un pays où tout est une question de planning, poursuit notre interlocuteur.

 

Justement en parlant d’administration du territoire, il regrette ce qui a été fait ces dernières années : «Il y a du bétonnage partout sans réfléchir sur le long terme et, surtout, sans prendre en considération le changement voire le dérèglement climatique et le phénomène El Nino, entre autres. Nous n’avons pas besoin d’un gouvernement qui fait la pluie et le beau temps mais d’une administration cohérente qui agit à temps...» Ashvin Gudday s’interroge sur l’effondrement du mur du cimetière de Saint-Jean : «Comment se fait-il que c’est arrivé alors que tout le monde voyait les eaux qui s’y accumulaient à chaque grosse pluie ?» Pense aux familles, victimes des inondations. Et rappelle le «paradoxe» local : «Comment se fait-il qu’il y ait des robinets à secs dans certaines régions de l’île alors qu’il y a des inondations ?»

 

Pour lui, c’est une refonte en profondeur qui doit être organisée : «Il faut revoir les modes de constructions et stopper l’envahissement des zones sensibles et côtières. Il faut décentraliser les services afin de permettre aux collectivités locales de fonctionner en toute indépendance. J’ajouterai aussi que de belles paroles à la COP (NdlR : il s’agit de la Conférence des Parties où les États décident des objectifs climatiques mondiaux) ne suffisent pas ; des intentions et actions concrètes sont plus que nécessaires car le dérèglement climatique est cruel.» Et à chaque importante averse, les gouttes d’angoisse réapparaissent pour ceux et celles qui craignent la montée des eaux…

 

En béton armé

 

Le mur du cimetière de Saint-Jean sera reconstruit, cette fois en béton armé. Un projet qui sera financé par la Land Drainage Authority à hauteur d’environ Rs 7 mil-lions. C’est le maire de Quatre-Bornes, Dooshiant Ramluckhun, qui a fait part de cette information après la tenue d'une réunion du Conseil municipal, en fin de semaine. En attendant le début des travaux, une barrière temporaire a été érigée.

 

Autour d’une PNQ

 

Bobby Hureeram a fait le point sur l’effondrement du mur du cimetière de Saint-Jean suite à une question de Xavier-Luc Duval. Des études ont déjà été lancées suite aux inondations de 2022 dans la même région de Saint-Jean, a-t-il expliqué. Des solutions étaient à l’étude mais ont toutes été rejetées ; un bassin de rétention, l’amélioration des réseaux existants afin que le volume d’eau soit dirigé vers le réservoir de la Ferme, entre autres. Il est aujourd’hui question de la construction d’un detention basin qui devrait avoir lieu après une étude des sols. Un contrat a été alloué à Gamma Construction en septembre 2023. Bobby Hureeram a précisé qu’il était essentiel de prendre son temps afin de «trouver des solutions à long terme». Il a également été question de drains en béton armé pour réduire les risques.

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