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5 janvier 2015 17:10
Ils n’ont pas le cœur à la fête en cette période de réjouissances. Veneeta, 26 ans, Vicky, 25 ans, Kevin, 24 ans, et Priyanka, 19 ans, sont aujourd’hui orphelins de père et de mère. Le père, Anand Kumar Ramdhony, est décédé en cellule policière le 30 juillet 2011. Selon les policiers et le rapport d’autopsie, il se serait suicidé par pendaison dans sa cellule. Mais les enfants Ramdhony ainsi que leur mère Rita Devi n’ont jamais cru à un suicide et ont toujours voulu savoir la vérité sur toute cette affaire. La femme de la victime s’est battue pendant des mois dans ce sens mais, attaquée par un cancer en pleine lutte, elle est morte le 20 janvier 2013. Selon ses enfants, terrassés par ce double deuil, sa maladie est due à l’immense stress causé par toute cette histoire.
Aujourd’hui, les enfants Ramdhony entrevoient une lueur d’espoir dans leur malheur. Le nouveau gouvernement a initié la réouverture de l’enquête sur le décès d’Anand Kumar Ramdhony et toute cette affaire connue maintenant comme l’affaire Roches-Noires, estimant qu’il y a beaucoup de zones d’ombre qui doivent être éclaircies «La réouverture de l’enquête est une bonne chose. On pensait que cette affaire allait être classée. Nous remercions le gouvernement qui a tenu parole. Nous espérons que justice sera faite cette fois», soutient Kevin, se faisant le porte-parole de Veneeta, Priyanka et Vicky, employé sur un bateau de croisière.
En tout cas, les enquêteurs ont déjà commencé à plancher sur ce cas qui avait fait couler beaucoup d’encre, car Anand Kumar Ramdhony aurait été arrêté à l’époque pour le vol allégué d’une montre dans le bungalow de l’ex-Premier ministre Navin Ramgoolam. Rakesh Gooljaury, un proche de ce dernier, aurait rapporté le vol à la police disant qu’il occupait les lieux au moment des faits et que l’objet lui appartenait.
Mais des rumeurs avaient circulé, repris par l’opposition, disant que la montre appartenait en fait à Navin Ramgoolam. Une thèse que celui-ci avait nié avec force, notamment lors d’une conférence de presse où il avait exhibé sa montre, une Rolex, devant les journalistes. L’opposition avait aussi parlé de cover-up dans cette affaire, concernant, entre autres, la mort suspecte d’Anand Kumar Ramdhony en prison.
Le corps sans vie de cet habitant de Plaine-des-Papayes, âgé de 42 ans, avait été retrouvé dans sa cellule au poste de police de Rivière-du-Rempart. Selon la police, il se serait pendu avec une corde fabriquée avec la toile recouvrant son matelas. L’autopsie avait conclu que ce maçon était mort par asphyxie due à la pendaison.
Faits troublants
Mais Rita Devi et ses enfants n’avaient jamais cru en cette conclusion à laquelle la magistrate Shefali Ganoo était également arrivée, le 31 décembre 2013, après une enquête judiciaire. «Nous sommes toujours dans le flou concernant le décès de notre père, car il y a plusieurs faits troublants. D’abord, il y a eu différentes versions sur l’heure où il aurait mis fin à ses jours. Au début, les policiers disaient qu’il l’avait fait vers 2 heures, ensuite à 3 heures et finalement à 4h45. De plus, comment quelqu’un qui est en détention dans un poste de police peut déchirer le fourreau de son matelas pour fabriquer une corde et se pendre sans faire de bruit. Mo anvi osi kone kuma enn dimun met li pandi a zenu», s’interroge Kevin.
Le jour de son arrestation, Anand Kumar Ramdhony se trouvait chez lui à faire des travaux de maçonnerie en vue du mariage de sa fille aînée, Veneeta, lorsque des policiers de la CID sont venus l’interpeller. «Mo rapel sa bien. Zot ti dir zot pu retourn li enn ti moman. Zot pe zis pran li pu enn ti statement lor enn case vol la me se so kadav kinn retourne», raconte Kevin. Il poursuit : «Selon les policiers, le vol concernait une montre d’une valeur de Rs 7 000 appartenant à une habitante de la NHDC de la localité. Se akoz sa case la ki nu papa inn mor.» Les Ramdhony devaient apprendre, après coup, que la montre aurait en fait été volée au bungalow de Navin Ramgoolam et appartiendrait à Rakesh Gooljaury.
Depuis la mort de leur père, la vie des enfants Ramdhony est devenue un cauchemar, disent-ils. Encore plus depuis la mort de leur mère Rita Devi. «Nu mama osi inn mor akoz sa case la mem. Lamor nu papa ti dir pu li. Linn mor ek enn kanser kat mwa apre ki linn dekouver so maladi. Ar stres ki linn gagn sa maladi la. Nu fami nepli parey depi lamor nu bann paran. Mo res tou sel dan nu lakaz. Mo gran ser marie ek res Plaine-des-Papayes mem. Mo frer deor lor bato ek mo ti ser pe res kot mo tonton Triolet», explique Kevin, le visage triste et tendu.
Leur ultime espoir de voir s’apaiser même un tout petit peu leur douleur, c’est que cette enquête rouverte débouche sur quelque chose de positif pour eux. «Notre père et notre mère sont morts dans la souffrance. Il faut leur rendre justice», lâche Priyanka. Selon Veneeta, son père était un homme bon, même s’il était un peu porté sur la bouteille. «Mon père n’est pas un voleur. Je ne crois pas qu’il se soit suicidé. Il faut que la vérité éclate et que sa mémoire soit lavée de tout blâme», souligne-t-elle.
La vérité, c’est tout ce que veulent les enfants d’Anand Kumar et de Rita Devi Ramdhony.
25 juillet 2011 : Anand Kumar Ramdhony a été arrêté à son domicile à la rue Ramgoolam, Plaine-des-Papayes.
30 juillet 2011 : Son corps sans vie est retrouvé dans une cellule au poste de police de Rivière-du-Rempart.
5 août 2011 : Son épouse Rita Devi porte plainte au Police Complaints Investigation Bureau, faisant état de plusieurs zones d’ombre entourant la mort de son époux.
13 juillet 2012 : Début de l’enquête judiciaire au tribunal de Mapou.
31 décembre 2012 : La magistrate Shefali Ganoo, qui a présidé l’enquête judiciaire, conclut au suicide.
20 janvier 2013 : Rita Devi rend l’âme à la suite d’un cancer.
22 décembre 2014 : Réouverture de l’enquête.
Avec la réouverture de l’enquête policière, les limiers du CCID vont devoir tout recommencer à zéro afin de faire la lumière sur cette affaire. Ils devraient d’abord interroger Rakesh Gooljaury qui avait affirmé, à l’époque, être l’occupant du bungalow où le vol avait eu lieu. Dans sa déposition, ce proche de Navin Ramgoolam avait expliqué qu’un voleur, armé d’un couteau, l’avait menacé et forcé à lui remettre une somme de Rs 20 000 ainsi qu’une montre. Le CCID aurait cependant des doutes sur sa version. Les enquêteurs n’écartent pas la possibilité que d’autres personnes étaient présentes sur place au moment des faits. Deux hauts gradés de la police seront également interrogés, car ce sont eux qui avaient pris la déposition de Rakesh Gooljaury à l’époque. Autre point fort, le témoignage de Jacques Laval Bigaignon qui avait aussi été arrêté dans le cadre de l’enquête sur le vol de la fameuse montre. Ce dernier avait déclaré qu’il avait volé une montre appartenant à sa femme et qu’il l’avait vendue à Anand Kumar Ramdhony. Mais Jacques Laval Bigaignon ne pourra être interrogé à nouveau, car il est décédé après un séjour à l’hôpital, il y a quelques mois. En tout cas, voilà une histoire trouble qui devra être tirée au clair.
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