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Serge Lebrasse : le fabuleux destin d’un ségatier heureux

9 avril 2023

De scène en scène, d’un pays à l’autre, et un succès succédant à un autre, Serge Lebrasse est aujourd’hui une référence dans l’univers musical local.

Cette vie à la mauricienne qu’il adorait tant et qu’il aimait mettre en avant grâce à ses tubes qui, depuis plusieurs années, dépassent les frontières, lui qui ne ratait jamais une occasion de faire voyager notre folklore. C’est pour cette raison qu’il avait une place particulière dans le cœur de nombreux Mauriciens pour qui il était un parfait ambassadeur de notre petite île, grâce à son art qu’il maîtrisait tellement bien.

 

Il était une voix mais il était aussi connu pour ses paroles, ses airs entraînants ou encore sa façon de «roul so lerin»... Et l’artiste l’a toujours dit : la musique, c’était tout pour lui. C’était son oxygène, sa raison de vivre, lui qui n’a jamais caché s’être nourri de toutes les épreuves de sa vie pour se construire. Ce fier habitant de Plaisance, Rose-Hill, fils de comptable et petit-fils de cordonnier, nous racontait, dans une interview en 2016, au moment où il faisait ses adieux à la scène, sa jeunesse troublée par la maladie. «J’avais eu une bourse et j’allais être admis au collège Royal de Curepipe mais un diagnostic médical devait à ce moment-là révéler que j’avais un problème au cœur. Pour cela, j’avais dû garder le lit pendant trois mois. C’est ainsi que j’ai dû renoncer à ma bourse», nous avait-il raconté.

 

Et de sa période d’adolescence, le fort lien qui l’unissait à sa mère, une couturière, était aussi, nous avait-il dit, un souvenir qu’il aimait partager : «Ma mère m’a appris à faire des boutonnières et des ourlets, et je lui donnais un coup de main.» Selon lui, il avait eu la chance d’avoir eu une vie remplie et d’avoir vécu de nombreuses expériences, comme le fait d’avoir travaillé dans un «moulin goni» ou encore pendant quelques années comme enseignant. «J’ai travaillé dans plusieurs écoles dont celle de St Enfant Jésus, celle de Père Laval et celle de Glen-Park.»

 

C’est durant cette étape de sa vie, nous avait-il confié, que son amour pour le chant – qui était toujours là – avait commencé à prendre le dessus et que son intérêt pour le séga grandissait, même si cela avait une connotation négative. «J’avais 29 ans. À l’époque, faire du séga n’était pas bien vu mais moi, je sentais que c’était fait pour moi. L’inspiration me prenait comme ça. Et c’est dans ces circonstances que j’ai écrit ma première chanson, Madame Eugène, une histoire qui m’est venue d’un seul trait. Je me souviens très bien de cette parenthèse car je venais d’acheter ma première voiture, une petite Austin noire, à Rs 500, et j’allais baptiser ma fille aînée, Sonia», nous avait confié un Serge Lebrasse pour qui l’univers du spectacle était devenu, au fil des années, un grand pilier dans sa vie.

 

Pour lui, racontait-il, il ne fallait pas brûler les étapes mais avancer petit à petit, tout en explorant tout ce qui s’offrait à lui comme la belle parenthèse au sein de son premier orchestre : «J’étais dans la chorale Les cœurs vaillants et mon premier orchestre portait le même nom. On jouait à l’époque au Golden. À un certain moment, on a dû même changer le nom du groupe car le curé de Notre-Dame-de-Lourdes estimait que l’orchestre ne pouvait pas reprendre le nom de la chorale.»

 

Quand Serge Lebrasse se racontait, son parcours musical, bien évidemment, avait une place de choix notamment, entre autres, quand le groupe Serge Lebrasse et ses créoles a vu le jour. «Ce nouveau nom avait suscité beaucoup de réactions et, une nouvelle fois, on a dû changer le nom du groupe pour l’appeler finalement Kanasucs, un clin d’œil à notre environnement. On tournait alors dans les hôtels.»

 

Malgré les critiques sur son amour pour le séga, Serge Lebrasse a toujours continué d’écouter son cœur. «On commençait à m’entendre à la radio et je peux vous dire que ça ne faisait pas que des heureux. À l’école, une fois, un parent est venu se plaindre en disant au maître d’école qu’il n’appréciait pas le fait que son enfant ait un chanteur de séga comme enseignant. Certains de ma famille qui portaient le même nom que moi disaient à ceux qui s’interrogeaient que j’étais sans doute le fils d’un charbonnier comme pour dire que je n’étais pas proche d’eux», nous avait-il confié, tout en précisant qu’il ne s’est jamais laissé intimider, blesser ou décourager par les remarques négatives et que, durant toute sa carrière, il n’a été porté que par une seule chose, «faire et partager sa musique». Et s’il réussissait, celui que certains décrivaient comme «le roi du séga» ou encore comme «une légende», a toujours dit qu’il était devenu celui qu’il était grâce à sa famille, notamment grâce au soutien et aux encouragements de son épouse Gisèle – ils se sont mariés le 30 décembre 1957 –, de ses enfants Sonia, Sego (Serge), Toto (Steeve) et Sheila, et de ses petits-enfants dont certains ont suivi ses pas, pour son plus grand bonheur.

 

Durant sa carrière, le chanteur, qui a été couronné d’un bon nombre de distinctions – Citoyen d’honneur de la ville de Rose-Hill et Member of the British Empire en 1976, entre autres – et qui a aussi été salué par la reine Elizabeth II et la reine Margareth, n’a jamais manqué de faire résonner le séga cher à son cœur sous d’autres cieux et sur bien des scènes. Sa vie d’artiste a aussi été riche en rencontres, ce qui n’a fait que nourrir le chanteur qu’il était. «Quand j’étais un jeune apprenti garde forestier, j’ai rencontré Alphonse Ravaton qui allait devenir Tifrer. Il était receveur d’autobus et se mettait à chanter sous une boutique à Quartier-Militaire après le boulot», nous avait-il aussi raconté il y a quelques années, tout en ne cessant de dire qu’il était un ségatier heureux qui avait réussi sa mission : faire chanter et danser les gens, encore et encore...

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