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Shameem Korimbocus : «Ma vie est détruite mais…»

Le personnage aux nombreux followers avec ses deux fils, Shabaan et Shayaan.

L’habitué des réseaux sociaux et des vidéos critiques, avec humour, traitant des sujets d’actualité, dit avoir été déporté de Dubaï avec son fils de 11 ans.

Debout sur le chemin, il attend. Parce qu’il n’arrive pas tout à fait à expliquer où il se trouve. «Mo pa kone kot mo ete», lance-t-il au téléphone, avant la rencontre, en ce vendredi 2 août, quelques heures avant qu’il ne se rende au meeting du PTr (voir hors-texte). Pour le rejoindre, il a fallu prendre la direction de Trou-aux-Biches, se perdre un peu. Et finalement tomber sur lui, l’homme hyper booké, invité sur toutes les radios, sollicité par tous les médias.

 

Un T-shirt blanc imprimé, un bermuda en denim, une cigarette pas encore allumée entre les doigts, voici Shameem Korimbocus. Ou Shameem Onenonly, auteur de vidéos humoristiques sur les sujets d’actualité (et sur le gouvernement), qui a fait le buzz cette semaine. Celui qui estime avoir été déporté de son pays d’adoption a attiré tous les commentaires, tous les regards. Il a fait réagir les politiciens de l’opposition et certains observateurs de l’actualité mauricienne. Des termes, dignes d’un film d’horreur politique, ont été associés à son nom ces derniers jours : dictature, répression, décisions liberticides, expulsion… Un Scary Movie qui serait made in Mauritius mais tourné à Dubaï.

 

À ses côtés, son plus jeune fils, âgé de 11 ans, Shayaan. Des joues rondes, un visage souriant, un kreol teinté d’un léger accent, trace orale d’une vie menée à Dubaï. Il aurait été expulsé, avec son père, de leur pays d’adoption. Ils sont rentrés dans l’île, le jeudi 1er août, après plusieurs jours que Shameem Korimbocus qualifie de «cauchemar» (voir hors-texte). Il dit avoir été informé qu’il a été banni à vie de ce pays sans que les autorités ne lui en expliquent la raison, sans qu’on ne lui fasse parvenir aucun document, sans qu’il y ait de mention sur son passeport (ce qui provoque de nombreuses interrogations quant à la véracité de ses propos) : «Akoz ou inpe tro gran lagel bizin anpes ou koze ? À Maurice, il n’y a aucun case contre moi. La police n’est pas venue m’arrêter. Parce que je fais mes vidéos de façon humoristique. Alors où est le problème ?» s’interroge-t-il. Quand on lui demande ce qui a provoqué ce qu’il qualifie de déportation, il répond : «Mo problem se sou responsabilite High Authority of Dubai. Parski mo papie li prop.»

 

C’est chez son fils aîné, Shabaan, qu’il nous reçoit, dans l’arrière-cour spacieuse. À l’ombre d’un arbre, du mobilier de jardin pour s’asseoir et discuter alors que Shayaan s’occupe de tenir à distance les chiens du propriétaire de la maison. Des toutous affectueux qui s’invitent sans cesse à l’entrevue, quémandant câlins et mordillant calepin et stylo. À Trou-aux-Biches, il fait un temps d’été. Shameem et Shayaan se croiraient presque en vacances si leur réalité n’était pas si compliquée : «Je vais vous l’avouer. Le soir, quand je m’assois seul, je pleure. Je me dis que ma vie est détruite. Heureusement que j’ai pu venir chez mon fils. Je n’ai nulle part d’autre où aller.» Dans la voix de l’homme aux yeux rougis, «mo mari fatige», précisera-t-il, une pointe d’angoisse, vite balayée. À peine perceptible, la détresse car, malgré l’épreuve, il tient droit. D’ailleurs, l’humour et la positivité s’inscrivent dans son ADN : «J’ai toujours fait les choses avec humour.»

 

Mais c’est aussi sa responsabilité première qui l’aide à tenir : «Je dois m’occuper de mon fils. De sa scolarité. De son avenir. Il faut que je recommence tout à zéro, trouver du travail, une maison, reprendre ma vie. Mo bizin refer mo lavi.» Shayaan a le cœur gros suite à ce départ précipité. Mais il joue comme un enfant, tenant au loin les soucis des adultes. Il avait 3 ans quand sa maman est décédée (la première épouse de Shameem Korimboccus) et il a vécu quelques années avec son grand frère avant de rejoindre Dubaï où son père avait réussi à se stabiliser. Depuis son retour, raconte son aîné, Shayaan affirme qu’il n’aime plus Dubaï : «Pourtant, c’était lui le premier à claironner qu’il adorait ce pays. Mais maintenant, il dit qu’il le déteste.»

 

À Dubaï, il a laissé sa vie, ses amis, ses habitudes. Son père aussi a dû tout abandonner. Son emploi et son épouse, avec qui il a contracté un mariage religieux et avec qui il est toujours en contact : «On se parle régulièrement. Mais elle vit dans la peur désormais.» Lui ne peut pas rentrer à Dubaï. Viendra-t-elle à lui ? À cette question, il ne peut pas répondre : «Mo pa kone. J’ai besoin de me stabiliser avant.» Il a pu récupérer l’argent sur son compte mais ce n’est pas le plus important, soutient-il. Il doit faire face à l’amertume : «Ce que je retiens, c’est le chagrin qui accompagne ce qui s’est passé.» Le boulevard des jours qui viennent doit s’accompagner d’un silence assourdissant quand il y pense : «À mon âge, je dois tout recommencer ! Vais-je trouver du travail ? Mais je dois trouver le courage pour mon petit.»

 

Malgré les interrogations autour de son affaire qui agitent le pays, lui sait qu’il a, avant tout, des responsabilités auxquelles il doit faire face. Et il a décidé de se tenir debout…

 

Des vidéos, une déportation…

 

Pas de communication officielle, un Premier ministre qui dit ne pas être au courant de l’affaire, pas de mention sur le passeport de Shameem Korimbocus ? Autant de zones d’ombre autour de cette affaire de «déportation». Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui se posent des questions à ce sujet. Le principal concerné, lui-même, trouve aberrant d’en arriver là à cause de quelques vidéos : «Dans tous les pays, il y a ça. En France, il y a Les Guignols, par exemple. Alors, je ne comprends pas.i.»

 

Le silence ?

 

Il continuera à faire des vidéos, affirme-t-il  : «Zot inn amenn problem-la isi».

 

Paroles d’avocat

 

Selon Shakeel Mohamed, qui envisage de se déplacer à Dubaï, afin d’obtenir des réponses, aucune raison n’a été fournie pour expliquer ce qu’il qualifie d’expulsion de son client : «Il a un casier judiciaire vierge.» Il a demandé qu’un avocat soit retenu à Dubaï mais l’épouse de Shameem Korimbocus ne peut le faire : «C’est l’employeur, qui est l’oncle de mon client, qui doit s’en charger. Mais la famille a peur des représailles.»

 


 

Pravind Jugnauth : «Je ne connais pas la personne»

 

En sortie publique, le Premier ministre et ministre de l’Intérieur a dit ne pas connaître l’affaire Korimbocus : «Je ne connais pas la personne et je ne suis pas au courant. Je souhaiterais savoir dans quelles circonstances il a été déporté.» Shameem Korimbocus s’est étonné de cette réponse: «Bliye mwa. Mais il y avait un Mauricien de 11 ans.»

Au niveau des Affaires étrangères, on affirme attendre une réponse des autorités dubaïotes. Ivan Collendavelloo, qui s’est également exprimé cette semaine, a osé un : «Si ena lame gouvernma ladan, seki li ena so rezon.»

 

Congrès du PTr : une présence remarquée…

 

… Et critiquée. Mais Shameem Korimbocus rappelle une chose : «Je suis en bons termes avec tous les politiciens. J’ai des amis dans tous les partis. Me selma ou kapav kontan enn lekip. Lager bizin fer lor lekip. Pa bizin mett lot kitsoz ladan. C’est comme au foot.»

 

Dubaï : quand déporte-t-on?

 

Aux Émirats arabes unis, dont fait partie Dubaï, il existe deux types de déportations : l’une est administrative, l’autre est juridique. Le site du gouvernement le précise. Les principales raisons d’une expulsion citées sont les suivantes: la personne est coupable d’un crime, elle est séropositive ou encore, elle n’a pas les moyens de vivre à Dubaï. Même si l’individu a un permis valide, il peut être expulsé s’il y a l’un de ces impératifs en jeu :  «for the sake of public interest, public security, public morals or public health.»

 


 

Réactions politiques

 

Xavier-Luc Duval, en conférence de presse le samedi 3 août : «À qui profite le crime ? Nous attendons une explication sur cette déportation ?»

 

Alan Ganoo, en conférence de presse le samedi 3 août : «Est-ce qu’il s’agit d’une vendetta politique ? Le Premier ministre a le devoir, mardi prochain, à l’Assemblée, de venir faire un statement sur cette affaire. Est-ce qu’il y a eu une déportation ou non ? »

 

Navin Ramgoolam, en congrès le vendredi 2 août : «Je remercie Shameem Korimbocus, présent dans la foule. Selon mes informations, il y a la main du gouvernement dans son rapatriement.»

 


 

Il raconte les jours de «cauchemar»

 

Un appel. «Lundi (NdlR : 29 juillet), je suis assis à mon bureau, je reçois un appel. Il est 11h40. On me dit que c’est la police et que je dois rencontrer le Duty Officer tout de suite. Je demande des explications ; je n’en reçois aucune. Sur le coup, je crois que c’est une blague. Puis, je vérifie sur l’application True Caller et je vois que l’appel émane bien de la station de police. Ma première réaction ? Je me suis dit kaka fane !»

 

Un rapide au revoir. «J’ai juste eu le temps d’aller voir mon épouse et de lui expliquer. À mon fils, j’ai dit : pa traka, papa pe revini. J’ai retiré ma cravate, laissé mon smartphone et je suis parti en taxi.» Rien. «J’arrive à la station, je demande à voir le Duty Officer. Il ne comprend pas ma présence, il n’y a rien dans mon casier. Je n’ai jamais eu de contravention, je n’ai pas de carte de crédit, mo pa dwa dan magazin. Il n’y a rien à me reprocher. J’attends. Je m’assois. Le Duty Officer finit par me dire que c’est enn zafer tro big sa. Puis, la police récupère mes affaires et les place dans un locker. Je me dis alors que sa zafer-la pe vinn grav.»

 

Au centre de détention. «Il faut patienter. Je ne sais pas ce qui va m’arriver. Je demande des explications ; je n’en reçois pas. Puis, deux arabes arrivent. Je comprends que c’est une question de high security. Ils ont un 4x4 noir, on les appelle les Black GMC. Ils me mettent dans la voiture, me placent une cagoule sur le visage. On roule pendant une heure, je m’inquiète, je pense à mon fils. Mo latet fatige. Sur place, je comprends que je suis à un Immigration Detention Centre, à la prison centrale d’Al Kiwir.»

 

Des coups de fil. «Je trouve un moyen d’appeler mon épouse. Je la tiens au courant. Je prends des nouvelles de mon fils. J’apprends qu’il pleure, qu’il me cherche. Mardi, je ne comprends toujours pas ce qui se passe. Puis, le mercredi,  on vient m’expliquer que je dois prendre des billets pour mon fils et moi afin de rentrer à Maurice. Je communique avec ma femme. C’est elle qui paiera les Rs 80 000. Si on ne l’avait pas fait, je serais resté en détention pendant 15 jours avant d’être déporté.»

 

Le retour. «Le jeudi, c’est quelqu’un accompagné de soldats qui me conduit à l’aéroport. C’est un vrai gentleman, lui. Après tous ces jours de stress, de panique, d’angoisse, il me propose une cigarette. Je n’avais pas fumé depuis lundi. Ça me permet de me détendre. Je prends l’avion. Et à l’aéroport, l’accueil est chaleureux. Je suis content de retrouver mon île, même si ce n’est pas dans ces circonstances-là que je l’avais souhaité. Je refuse de faire une déclaration à la police en l’absence de mon avocat. Depuis, je n’ai pas été inquiété par les autorités mauriciennes.»