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Une ado de 15 ans battue par ses camarades de classe

17 mai 2015

Florise réclame justice pour le mauvais traitement dont sa fille a été victime à l’école.

Une vidéo d’une rare violence. Celle-ci a circulé sur Facebook le vendredi 15 mai et a profondément choqué les internautes. Si l’enregistrement dure 2 minutes et 48 secondes, le calvaire de Kelly*, 15 ans, durerait depuis plus longtemps. Dans cette vidéo, mise en ligne et enlevée, par la suite, par la Cybercrime Unit des Casernes centrales, des collégiennes sont vues en train de tabasser Kelly, assise sur une chaise, les cheveux complètement défaits après avoir été tirés dans tous les sens. 

 

Tantôt une élève l’insulte avec rage. Tantôt une autre la gifle en la malmenant. Sans défense, Kelly tente de se protéger du flot ininterrompu des coups qui pleuvent sur elle. En vain. À un certain moment, deux autres collégiennes la retiennent de force alors qu’une autre continue à la frapper.

 

Aussi incroyable que cela puisse paraître, la scène se passe dans la salle de classe d’un collège d’État situé dans le nord de l’île, pendant la récréation (voir la réaction du recteur ci-contre). C’était le mercredi 6 mai. Mais ce n’est que huit jours plus tard que cette affaire a éclaté au grand jour. Kelly, qui se dit traumatisée, s’était murée dans le silence durant tout ce temps. Sa famille ignorait ce qu’elle avait subi à l’école.

 

C’est en larmes que Florise*, la mère de l’adolescente, a découvert ces horribles images que des officiers de police lui ont montrées. «Je ne savais pas que c’était aussi grave que cela. Lorsque j’ai appris qu’elle avait été battue à l’école, j’ai cru qu’il ne s’agissait que d’une gifle. À aucun moment, je n’ai pensé que l’agression avait été aussi violente. Ces filles auraient pu tuer mon enfant. Je n’aurais aucune pitié envers elles», lâche Florise qui réclame justice pour sa benjamine.

 

Dans sa modeste maisonnette en tôle, la mère de famille est effondrée sur son canapé. Deux de ses voisines sont venues lui rendre visite après avoir vu la vidéo de l’agression, diffusée lors du journal télévisée du vendredi 15 mai. Elles sont toutes aussi horrifiées. «Comment peut-on être aussi violent ? Ces filles ne peuvent-elles pas s’exprimer pour régler leurs problèmes ? Pourquoi avoir recours à la violence ?» se demande l’une d’elles. Alors que Florise, elle, semble ne pas l’écouter.

 

Perdue dans ses pensées, le regard fixé sur le sol de son salon ciré d’un rouge vif, elle laisse échapper une petite larme. Elle qui élève seule ses enfants depuis six ans, son compagnon n’étant plus de ce monde. «Je suis pauvre. Mais je fais beaucoup de sacrifices pour que ma fille ait une bonne éducation, même si elle est admise dans une section prévocationnelle. Orpheline de père, elle touche une pension de Rs 2 100 par mois, avec laquelle j’achète tout ce dont elle a besoin pour aller à l’école. Voir qu’elle est battue là-bas est tout simplement insoutenable», confie-t-elle d’une petite voix.

 

Pourquoi sa fille a-t-elle gardé un aussi lourd secret sur le cœur ? À cette question, Florise explique que cette dernière aurait été menacée par ses agresseurs qui lui auraient lancé : «Si tu dis quoi que ce soit, on va te défigurer au cutter !» Selon Florise, le calvaire de sa fille n’aurait pas commencé le jour de son agression. Mais bien avant. «Il y a trois semaines, elle m’a demandé de lui chercher un autre établissement scolaire et menaçait de ne plus aller à l’école si jamais je ne me pliais pas à cette volonté. J’ai pensé que c’était un de ses caprices d’adolescente. Mais non. Cette agression prouve que ma fille subissait des pressions de certaines filles de sa classe», soutient-elle.

 

Atroces douleurs

 

Retour quelques jours en arrière. Nous sommes le 6 mai. Kelly emprunte une fois de plus le chemin de l’école. Mais ce jour-là, rien ne se passe comme à l’accoutumée. Durant la récréation, alors que d’autres élèves prennent leur pause, Kelly, qui n’a pas terminé ses devoirs, choisit de rester en classe afin de les compléter. Des collégiennes de sa classe ne bougent pas non plus. Elles auraient déjà prémédité leur coup. «Elles ont fermé la porte et les fenêtres, et tiré les rideaux. Ensuite, elles ont commencé à s’en prendre à ma fille et l’ont frappée violemment. Parfois jusqu’à cogner sa tête contre le mur», raconte notre interlocutrice.

 

La récréation touchant à sa fin, les agresseuses mettent fin au calvaire de Kelly, en prenant soin de bien la recoiffer pour n’éveiller aucun soupçon. Au son de la cloche signalant que l’école est terminée, Kelly, qui se tord de douleur, a toutes les peines du monde à mettre un pas devant l’autre pour prendre l’autobus du retour. À la maison, la jeune fille se réfugie dans sa chambre et se plaint d’atroces douleurs. Mais elle ne pipe mot quant à son agression.

 

Le lendemain, elle participe même à deux épreuves sportives organisées par son établissement. Elle rafle une médaille d’argent et une de bronze. Ce qui aurait pu avoir de graves conséquences. Car, une fois la ligne d’arrivée franchie dans l’une des deux épreuves, Kelly s’effondre, vomit et crache du sang. Depuis, elle ne remet plus les pieds dans cette école. «Durant ces quelques jours, elle ne pouvait même pas manger et avait du mal à respirer. Je trouvais cela plutôt bizarre, car elle ne souffre d’aucune maladie respiratoire.

 

Le mercredi 13 mai, j’ai insisté pour l’emmener à l’hôpital. Elle a été vue par un médecin et s’est vue administrer des pilules. Le lendemain, elle a parlé à ma mère à qui elle a avoué avoir été battue par ses camarades de classe. Mais elle non plus ne savait pas que c’était aussi grave. Le lendemain, sa grand-mère est allée à l’école pour rencontrer la direction. Au même moment, un des oncles de ma fille est tombé sur cette vidéo sur Facebook et m’a prévenue. Le soir même, on a porté plainte à la police», raconte Florise.

 

Kelly a tout déballé à la police, avant d’être admise à l’hôpital Sir Seewoosagur Ramgoolam, à Pamplemousses. Sous perfusion, elle est aussi accompagnée d’une policière qui veille à sa sécurité 24 heures sur 24. Les collégiennes l’ayant agressée, quant à elles, devraient être poursuivies pour agression avec préméditation.

 

De son côté, Kelly est dégoûtée et à bout de force. D’une voix tremblante, elle nous a confié ceci au téléphone : «Je ne veux plus retourner dans cette école. Plutôt mourir que de remettre les pieds dans cet établissement.»

 

* Prénoms ficitfs.

 


 

Témoignages de trois élèves qui apparaissent dans la vidéo

 

La colère est passée. Elle cède la place au regret. Et à l’angoisse aussi. Celle d’une éventuelle arrestation pour agression. Une des filles du clip s’en mord désormais les doigts. Elle ne pensait pas que ce qu’elle considère comme un banal règlement de comptes entre camarades de classe allait prendre une telle dimension. «Je regrette ce qui s’est passé. C’est en cherchant des explications que tout a dérapé dans la classe ce jour-là», dit-elle d’une voix cassée par l’émotion. Assise près de sa mère, elle n’a plus rien à voir avec ces filles violentes qu’on voit sur les images qui font le buzz.

 

Recroquevillée sur elle-même, la mine défaite, elle raconte que tout est parti d’une banale altercation : «L’incident s’est produit deux semaines plus tôt. C’était un mercredi. Une copine se disputait avec la fille. Je suis intervenue pour les séparer. La fille m’a giflée et j’ai saigné du nez.» En rentrant à la maison ce jour-là, elle ne pipe mot à sa mère. Cette dernière remarque toutefois des marques sur son visage. «Li ti dir mwa ki li ti gagn sa kan linn tape ek laport», explique sa mère. En retournant au collège, le lendemain, l’adolescente en parle à ses amies. La bande de six décide alors de demander des explications à la fille pendant la récréation.

 

«On était toutes dans la classe. Je suis partie vers elle pour lui demander de présenter des excuses. Cinq de mes amies étaient avec moi. Elle n’a pas voulu le faire et a commencé à me bousculer. Je lui ai alors donné une gifle. Mes amies ont ensuite fait de même. C’est l’une d’elles qui a tout filmé. Cependant, je ne sais pas comment le clip est arrivé sur Facebook», raconte-t-elle.

 

Choquée par le contenu de la vidéo, sa mère ne digère toujours pas ce qui s’est passé : «J’ai eu le choc de ma vie en voyant le clip. Ma fille est très calme et très douce de nature. Elle et l’autre fille étaient pourtant très proches et très liées. Elle venait rendre visite à ma fille quand celle-ci était malade.»

 

Même son de cloche de la part de deux autres filles du clip. L’une d’elles explique que la bagarre a aussi éclaté à cause du petit ami d’une des filles de la bande. «La fille a pour habitude de se bagarrer avec tout le monde», ajoute-t-elle. Les filles de la bande ont d’ailleurs un autre clip en leur possession dans lequel on la voit se bagarrer avec une élève d’un autre collège. Cet incident se serait produit à proximité du poste de police de Terre-Rouge.

 


 

Rajcoomar Gopaul, le recteur du collège : «Les agresseurs devront répondre de leur acte»

 

Il se dit choqué par toute la violence qu’ont démontrée des élèves d’une classe de prévocationnelle de son établissement. Rajcoomar Gopaul a rapporté le cas à la police le vendredi 15 mai. «L’agression s’est passée durant la récréation, alors que les enseignants prenaient leur pause déjeuner, tout comme les élèves. Nous allons dorénavant redoubler de vigilance pour que cela ne se répète pas», a-t-il déclaré.

 

Ce lundi 18 mai, il a convoqué les collégiennes qui ont agressé Kelly, ainsi que leurs parents, pour une réunion d’urgence. «Elles devront répondre de leur acte», dit-il. Par ailleurs, le ministère de l’Éducation a expliqué, dans un communiqué, que les filles impliquées dans cette agression seront traduites devant un comité disciplinaire et que l’affaire a également été référée à la Child Development Unit.

 


 

La police ouvre une enquête

 

La Brigade pour la protection des mineurs, sous la houlette du sergent Hoosenee, suit cette affaire de près. Le vendredi 15 mai, cette équipe a écouté la version de Kelly, avant de la conduire à l’hôpital de Pamplemousses où une Form 58 lui a été remise par un médecin. Celle-ci sera versée à son dossier. Les cinq jeunes filles impliquées dans cette affaire devraient, elles, être poursuivies pour agression avec préméditation.

 


 

Aurore Perraud, ministre de l’Égalité du genre et du développement de l’enfant : «Une agressivité frappante et choquante»

 

Elle a réagi promptement suite à la diffusion de la vidéo démontrant l’agression dont Kelly a été victime. Pour Aurore Perraud, ministre de l’Égalité du genre et du développement de l’enfant, «l’agressivité de ces étudiantes est frappante et choquante». La ministre soutient qu’il est grand temps d’apprendre aux jeunes à gérer leurs conflits, à canaliser leurs émotions et à mettre des mots sur ce qu’ils ressentent : «On a vu un cas, mais cette situation existe peut-être dans d’autres établissements. Il nous faudra enquêter pour en savoir davantage. La victime est suivie par un psychologue, mais on doit aussi s’interroger quant à la prise en charge psychologique des agresseurs qui elles-mêmes ont peut-être de sérieux problèmes pour avoir agi ainsi.»

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