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Véronique Wan Hok Chee, psychologue clinicienne : «Il faut une éducation au respect, au civisme, à l’empathie et à la courtoisie dans les écoles»

31 mai 2022

Qu’est-ce qui pourrait expliquer, selon vous, la violence chez les jeunes ?

 

Il y a plusieurs raisons. On ne peut pas comparer un cas à un autre. Il y a différentes catégories d’agresseurs, d’abuseurs : (1) ceux qui vivent la violence au quotidien dans leur milieu familial, (2) des enfants qui vont agir de manière impulsive et qui perdent le contrôle d’eux-mêmes, de leurs émotions, (3) des enfants qui agissent sous l’influence du peer group.

 

Les cas que nous observons dernièrement sont des cas de barbarie. Ces jeunes agissent de façon très «décontrôlée».
Le bullying, le harcèlement sous toutes ses formes, existe dans les écoles.

 

Comment prévenir les comportements violents ?

 

Si un enfant est instable à l’école (comportement qui dérange en classe, violence verbale, excès de colère…), s’il a du mal à gérer ses émotions, il faut l’encadrer psychologiquement.

 

On retrouve ces enfants dans tous les milieux sociaux. S’ils ne sont pas pris en compte, il y aura un laisser-aller et ces enfants grandiront en se disant que c’est permis de frapper, de tabasser.

 

L’accompagnement des parents est aussi important. Car, bien souvent, les enfants violents répètent ce qu’ils vivent dans le milieu familial, ils reproduisent ce que les parents font à la maison. Donc, s’il y a un milieu familial dysfonctionnel, la structure familiale est fragilisée avec toutes sortes de problèmes (sociaux, psychosociaux, personnels, de couple, entre autres). Si les parents eux-mêmes ont des difficultés à gérer leur stress, leurs émotions, s’ils agissent de manière violente à la maison, l’enfant va penser que c’est quelque chose de normal de bousculer, de hurler, de frapper. Il pensera que tout problème se règle par un rapport de force.

 

Autre moyen de prévenir la violence chez l’enfant : l’éducation à l’empathie. Ce qu’on ne retrouve souvent pas dans les écoles. On n’apprend pas le respect aux enfants, on ne leur apprend pas à comprendre la souffrance des autres. Il faut donner une éducation au respect, au civisme, à l’empathie et à la courtoisie dans les écoles. Il faut aussi donner une formation aux enseignants, aux maîtres d’école.
Il y a également un manque cruel de psychologues dans les écoles. Puis, les parents ont aussi un rôle à jouer à la maison. Ils sont les premiers éducateurs, des modèles référents.

 

Comment accompagner, d’une part, une victime de violence et, d’autre part, un enfant/adolescent agresseur ?

 

La victime portera, elle, des séquelles psychologiques à vie. Il lui faut donc un suivi psychologique. Ce serait mieux que cela se fasse en dehors de l’école, avec le soutien des parents. Car un enfant victime d’agression, d’abus, va développer une phobie sociale, une phobie scolaire.

 

Souvent, les enfants victimes vont souffrir des troubles liés au stress post-traumatique : troubles du sommeil, troubles alimentaires, crises d’angoisse, dépression, voire même le suicide. D’où la nécessité d’un accompagnement psychologique pour qu’ils se reconstruisent, qu’ils reprennent goût à la vie, qu’ils ne voient pas l’école comme un lieu anxiogène.

 

De son côté, l’agresseur lui-même souffre probablement, il a peut-être une enfance, un passé, un vécu difficile. Il y a des cas où l’enfant qui est violent a été lui-même sujet à la violence, à la maltraitance ou témoin d’actes de violence. On ne peut donc pas le condamner ou agir de manière oppressive envers lui. Il ne faut surtout pas le marginaliser ou le renvoyer de l’école de manière définitive, au risque qu’il développe un comportement plus rebelle. Il faut surtout le responsabiliser, le valoriser. Il doit aussi bénéficier d’un encadrement psychologique. Il faut comprendre la source du problème. Il y a une évaluation à faire.

 

Et, bien sûr, les parents, de la victime et de l’agresseur, ont aussi besoin d’un accompagnement psychologique, d’un espace pour pouvoir parler.

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