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Vishal Shibchurn jure un affidavit explosif ravivant l’affaire Kistnen - Simla : «Kan monn lir sa, mo leker inn desire, monn mazine kouma mo misie inn soufer»

4 août 2024

Simla Kistnen se dit confiante que la vérité triomphera dans l'enquête sur l'assassinat de son époux.

Il a enchaîné les frasques au cours de ces dernières années. Connu pour ses multiples démêlés avec la justice, le pompier Vishal Shibchurn, suspendu à cause de son implication dans diverses affaires criminelles, se retrouve une fois de plus au coeur de l’actualité. Déjà coffré pour agression préméditée, menaces verbales, possession et trafic de drogue, possession d’arme à feu, computer misuse et damaging property, notamment, c’est une nouvelle enquête pour agression, extorsion, séquestration et tentative de meurtre sur Marie France Patricia Armandine et Henry Agathina qui l’a, à nouveau, envoyé derrière les barreaux cette année. Après son passage devant le tribunal le 10 juillet dernier, les menottes aux poignets, il a lancé au journaliste de channelnews : «Biento mo pou lans enn pave dan lamar lor enn cold case murder ki tou dimoun pe atann.» Et cité les noms de l’ex-assistant surintendant de police Kokil et de l’inspecteur Ajodha juste avant d’être escorté jusqu’à un véhicule de police pour être reconduit en cellule. Attendu au tournant depuis, c’est de la prison de La Bastille, où il est actuellement incarcéré, qu’il a juré un affidavit explosif de 12 pages rédigé par son avoué Me Pazhany Rangasamy, où il cite les noms de plusieurs personnalités qui seraient impliquées dans le meurtre de l’ex-agent du MSM, Soopramanien Kistnen ; des «révélations» qui ont eu l’effet d’une bombe.

 

Rs 25 millions. C’est la somme qui aurait, dit-il, été promise aux meurtriers pour l’assassinat de Soopramanien Kistnen, dont le corps partiellement calciné avait été retrouvé dans un champ de cannes à Telfair le 18 octobre 2020. L’enquête policière, rappelons-le, s’était d’abord orientée vers un suicide mais une enquête judiciaire a, par la suite, conclu qu’il s’agissait bel et bien d’un homicide. Dans le document, Vishal Shibchurn affirme que c’est Manan Fakhoo, abattu par balles en janvier 2021, qui aurait supervisé ce crime, mais il précise qu’il n’est pas, pour sa part, impliqué d’une quelconque façon dans cette affaire. Selon le récidiviste, plusieurs personnalités seraient derrière ce meurtre prémédité, notamment l’ancien ministre Yogida Sawmynaden et l’homme d’affaires Bassoo Seetaram. D’ailleurs, il a ajouté avoir même assisté à une rencontre entre ce dernier et Manan Fakhoo à Vacoas où les deux hommes auraient discuté du montant restant à remettre aux auteurs du crime.

 

Il allègue que l’ex-ASP Kokil et l’inspecteur Ujodha auraient menacé de faire du mal à sa famille lorsqu’il a tenté de faire des révélations sur le décès de l’ex-agent du MSM en 2021, alors qu’il était incarcéré ; des faits qui se seraient produits en présence d’un officier de la prison. Vishal Shibchurn avance également que des caméras Safe City auraient été manipulées pour que les enquêteurs ne soient pas en mesure d’identifier les coupables. À ce stade, ces «révélations» sont prises avec des pincettes à cause de certaines incohérences relevées dans le document ; des points qui ont d’ailleurs été longuement débattus au Parlement ce vendredi 2 août suite à la PNQ du leader de l’opposition concernant l’enquête sur la mort de Soopramanien Kistnen (voir hors-texte).

 

En tout cas, le document légal juré par Vishal Shibchurn a ravivé les blessures encore ouvertes de la veuve de l’ex-agent du MSM, Simla Kistnen, qui continue de garder espoir que cette enquête non-elucidée connaîtra un dénouement dans un proche avenir. Voilà bientôt quatre ans qu’elle attend de pouvoir faire son deuil. «Monn gagn enn kouraz. Mo espere ki mo pou trouv lazistis biento», nous a-t-elle confié après avoir pris connaissance des éléments mentionnés dans l’affidavit. Elle relate que ces «révélations» n’ont fait que raviver toute la peine et toute la douleur qu’elle s’efforce d’enfouir. «Li pa fasil pou mwa ek mo zanfan. Kan monn lir sa, monn plore, mo leker inn desire, monn mazine kouma mo misie inn soufer. Tousala pe fer mwa reviv so lamor, pe ramenn mwa an aryer.»

 

Contradictions

 

Rappelons qu’en mai de cette année, la Cour intermédiaire avait rendu son verdict dans l’affaire Constituency clerk et déclaré non-coupable l’ancien ministre Yogida Sawmynaden de faux et usage de faux, notamment parce que des contradictions avaient été relevées dans le témoignage de Simla Kistnen. Néanmoins, fait ressortir cette dernière, «se ankor mem dimoun ki mansione dan afidavi-la». Ce qu’elle espère, à ce stade, c’est que «lapolis fer so lanket lor bann dimoun ki mansione ladan. Mo pa kompran kifer zot pankor al de lavan avek sa. Mo panse PM bizin donn lord pou al kestionn misie Shibchurn pou ki konn la verite». Elle se dit «convaincue que ces nouveaux éléments pourront faire progresser l’enquête sur la mort de mon époux. Mo sir ki ena boukou zafer ki bizin vre dan sa dokiman-la». Ce qui lui permet encore de tenir debout, dit-elle, c’est que «toultan monn krwar dan mo kreater. Bondie, li trouv tou, li dir nou atann. Mo ena kouraz, mo ena pasians ki biento mo pou trouv enn lazistis». Elle a aussi tenu à remercier l’avoué Pazhany Rangasamy et son panel d’avocats, à l’instar de Me Rama Valayden, «pour tout le soutien qu’ils m’ont apporté jusqu’ici».

 

Le «révélations explosives» qui figurent dans ce document légal n’a pas tardé à faire réagir les individus que Vishal Shibchurn incrimine, à savoir l’ancien ministre Yogida Sawmynaden et l’homme d’affaires Bassoo Seetaram, également connu comme faisant partie de la garde rapprochée du Premier ministre. Ce jeudi 1er août, tous deux ont riposté et porté plainte contre Vishal Shibchurn au Central Criminal Investigation Department (CCID) pour faux affidavit. À sa sortie des Casernes centrales, l’ancien ministre et député du no 8, a déclaré :
«Malheureusement, avec les connivences de certains hommes de loi, on cherche à nous faire croire que la vérité sort de la bouche d’un criminel. Mo finn pran konesans enn afidavi kot mo nom inn mensione, li mo devwar pou amenn sertin presizion. Nou finn abitie ek sa bann zafer fos afidavi-la. Nou finn trouve dan ka madam Kistnen [...] Il est grand temps que le citoyen mauricien se rende compte de ce qu’est un affidavit et quelles sont les conséquences d’en jurer un faux.»

 

Il a souligné le fait que Me Pazhany Rangasamy est l’avoué ayant rédigé ledit document légal et avance que «tou dimoun kone li enn manb Parti Travailliste. Li pe fer canvassing dan no 8 kot mwa mo depite. Si li pe anvi vinn fer politik, li bizin vinn fer politik frontal, pa anba sintir. Malgré toutes les attaques, je suis toujours là. Li kler ki mo lom a abat, me mo pou kontign fer mo travay. Eleksion pe koste, pe fer enn loperasion zet labou». Il a ajouté : «Zame monn al zwen personn. Zame personn pa finn trouv mwa mars avek dimoun ki pa korek. Tousala li politically motivated.» Également sollicité suite aux allégations faites par Vishal Shibchurn, un proche de Manan, outré, réfute : «Li  tro fasil dir tousala kan Manan pala pou defann li.»

 

D’autres protagonistes cités dans le document devraient bientôt venir porter plainte aux Casernes centrales.

 

Polémique autour des incohérences de l’affidavit

 

Des erreurs ont été constatées dans ledit document, notamment concernant la date de la présumée rencontre entre Manan Fakhoo et Vishal Shibchurn, qui remonterait à janvier 2022. Pour cause, Manan Fakhoo est décédé un an plus tôt, soit le 22 janvier 2021. Dans l’émission Au Coeur de l’Info animée par Nawaz Noowbux sur Defimedia.info, des précisions ont été apportées en ce sens. Dans l’enregistrement d’une conversation téléphonique entre Vishal Shibchurn, de la prison, et son fils Mayur, qui est parvenue à la rédaction juste avant l’émission, on peut entendre le récidiviste lui préciser qu’il s’agit d’une erreur qui s’est glissée dans le document et que la rencontre aurait eu lieu en janvier 2021, quelque temps avant le décès de Manan Fakhoo. Une rencontre serait, d’ailleurs, prévue mardi prochain entre l’avoué Pazhany Rangasamy et un huissier de la Cour suprême pour apporter les modifications nécessaires au document. Précisons également qu’après que l’affidavit juré par Vishal Shibchurn a été rendu public, son fils a consigné une Precautionary Measure car il dit craindre pour sa sécurité.

 

PNQ axée sur l’enquête sur la mort de Soopramanien Kistnen : le gouvernement remet en doute la crédibilité de Vishal Shibchurn

 

Les circonstances de la mort de l’ex-agent du MSM au no 8, Soopramanien Kistnen ainsi que l’enquête en cours afin de faire la lumière sur son assassinat ont, une fois de plus, été au coeur des discussions au Parlement. En réponse à une question du leader de l’opposition Arvin Boolell, le Premier Ministre a précisé que «plusieurs personnes ont été interrogées, dont cinq “under warning”, par le CCID mais il n’y a eu aucune arrestation jusqu’à présent». En ce qui concerne le rapport de l’autopsie pratiquée sur le corps du défunt, Pravind Jugnauth a avancé qu’«une demande a été faite par la police au Groupe IHP (Institut d’Histo-Pathologie) en France le 12 juillet 2022 pour examiner des échantillons de tissus pulmonaires afin d’obtenir un second avis. Le 14 octobre 2022, les conclusions de cet institut a corroboré le rapport du médecin légiste de la police». Il a aussi déclaré avoir appris que toutes les images des caméras Safe City avaient été récupérées, précisant que la victime avait été aperçue en train de descendre d’un autobus à Rose-Hill vers midi le 16 octobre 2020.

 

Réagissant à l’affidavit juré par Vishal Shibchurn, le Premier ministre a sérieusement mis en doute sa crédibilité, insistant qu’il s’agit d’«tissu de mensonges avancé par un individu impliqué dans plusieurs affaires criminelles». Il a rappelé que Vishal Shibchurn avait déjà été interrogé sur cette affaire dans le passé et qu’il avait déclaré ne rien savoir. Il s’est ensuite appesanti sur les incohérences figurant dans ledit document, à savoir la partie où il est mentionné que le récidiviste a rencontré Manan Fakhoo en janvier 2022 alors que ce dernier a été tué par balles un an plus tôt. «Il a certainement dû rencontrer le fantôme de Manan Fakhoo», a-t-il ironisé. Il a aussi fait ressortir que l’avoué ayant rédigé l’affidavit est un membre actif du Parti Travailliste et rappelé que Yogisa Sawmynaden avait déjà été exonéré de tout blâme.

 

Lors de la conférence de presse du gouvernement qui s’en est suivie sur le sujet, Manish Gobin a avancé que «se enn lopozision dekouyone ki nou ena devan nou. Se enn konplo politik lor enn afidavi lor enn dimoun ki pena kredibilite». En s’adressant à la presse, le leader de l’opposition Arvind Boolell a, pour sa part, fustigé le gouvernement une fois de plus : «Pe fer cover-up. Pa kapav less regn mafia kontinie.»

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