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Par Yvonne Stephen
13 septembre 2025 20:33
Une lessive spéciale ? Pour le Dobi de Cash, version 2025, la ros-lave laisse les caleçons et prend les billets. Avec les récentes interpellations de la Financial Crimes Commission (FCC), avec son lot d’accusations provisoires de blanchiment d’argent, il est essentiel de s’intéresser à ce qu’implique le money laundering. Derrière ce terme un peu mystérieux se cache un vrai casse-tête pour les autorités : des flux invisibles, des sociétés-écrans, des comptes offshores… Bref, un labyrinthe où l’argent criminel se transforme en billets «tout propres». Avec l’aide de Me Ahmad Al Fouad Allymamod, avoué, de l’avocat Rouben Mooroongapillay, et de la FCC (l’institution principale chargée de détecter, d’enquêter et de poursuivre les crimes financiers), nous avons essayé de rendre moins opaque ce système frauduleux et nébuleux. On vous explique, sans jargons, comment fonctionne ce mécanisme.
Ça veut dire quoi ?
Ce terme n’évoque pas une machine à laver dernier modèle qui vous a coûté une blinde ! Mais bien un acte criminel.Le blanchiment d’argent est le processus par lequel les criminels cherchent à donner une apparence légitime à l’argent qui a été obtenu illicitement (drogue, corruption, fraude, trafic, etc.)», explique la FCC. L’avoué Ahmad Al Fouad Allymamod précise : «Le mécanisme de rendre propre des fonds provenant d’activités criminelles par leur réintroduction dans l’économie légitime afin qu’on n’en retrouve plus l’origine illégale.»
Le point «étymologie» : Blanchiment vient du verbe blanchir, issu du latin blancus (blanc), lui-même probablement emprunté au germanique blank (brillant, éclatant). Dès le XVIe siècle, blanchir s’emploie au sens figuré de «rendre pur, laver d’un soupçon». L’expression «blanchir de l’argent» est apparue au XXe siècle, d’abord, dans l’argot, pour décrire le fait de «laver» symboliquement de l’argent sale, c’est-à-dire d’origine criminelle, afin de le rendre «propre» en apparence.
Conséquences sur l’économie
Le blanchiment d’argent est bien plus qu’un délit financier : c’est un fléau qui mine la société. Pour Me Ahmad Al Fouad Allymamod, ses effets sont les suivants : «La stabilité financière est menacée par la perte de confiance, les scandales bancaires et la fuite de capitaux. À cela s’ajoute la perte de recettes fiscales, l’aggravation de la corruption et la criminalité organisée, qui finissent par affaiblir les institutions publiques.» La FCC élargit la perspective et parle de distorsion de l’économie : «L’argent sale est injecté dans des secteurs (immobilier, commerce, luxe) et fausse la concurrence, au détriment des acteurs honnêtes.» Mais aussi de fragilisation du système financier, de la perte de recettes fiscales et de l’atteinte à la réputation du pays. Il est aussi question de renforcement de la criminalité organisée : «Les profits blanchis permettent aux réseaux criminels (drogue, trafic humain, fraude, etc.) de prospérer.»
Quelles sont les étapes du «money laundering» ?
Il existe trois phases principales du blanchiment d’argent, indique la FCC. Il y a d’abord, le placement : «L’introduction de l’argent illicite dans le système financier ou l’économie légale. Exemples : multiples dépôts en banque (pas une grande somme d’un seul coup), achat d’actifs (voitures, bijoux, biens immobiliers).» Puis, la dissimulation : «a les opérations financières pour brouiller les pistes et rendre l’origine des fonds difficile à tracer. Exemples : virements bancaires internationaux, sociétés-écrans, conversions en cryptomonnaies.» L’avoué évoque, lui, la dissémination ou layering :* «C’est l’acte de brouiller la piste par la multiplication et la complexification des opérations. Exemples : transferts multiples, sociétés-écrans).»* La dernière étape est l’intégration : «Réintroduire* les fonds «blanchis» dans l’économie légale comme s’ils étaient issus d’activités licites. Exemples : investissement dans l’immobilier, entreprises, produits financiers»*, explique la FCC.
**Les techniques les plus utilisées : **
Structuration/smurfing : fractionner des dépôts en petites sommes pour éviter le signalement.
Sociétés-écrans, trusts : utiliser des entreprises fictives pour justifier des revenus et masquer les propriétaires.
Comptes offshores et paradis fiscaux : transférer des fonds vers des juridictions où la traçabilité est faible.
Transactions commerciales fictives : surfacturer ou sous-facturer des marchandises pour justifier des transferts d’argent – il est aussi question d’émission de fausses factures.
Utilisation de casinos et jeux d’argent : convertir de l’argent liquide en jetons, puis, les échanger contre des gains «légaux».
Secteurs intensifs en liquidités et difficiles à évaluer : immobiliers, objets de luxe.
Cryptomonnaies : transférer rapidement de grandes valeurs de manière anonyme et difficile à retracer.

**Des enquêtes difficiles **
Retrouver et inculper les auteurs de blanchiment reste complexe. La FCC souligne les montages financiers (sociétés-écrans, prête-noms, comptes offshores) et le caractère transnational, nécessitant une entraide judiciaire souvent lente, aggravée par l’absence de cadre légal dans certains pays. Elle mentionne aussi l’ampleur des données à analyser, les cryptomonnaies favorisant l’anonymat et la «charge de la preuve», difficile à établir devant un tribunal pour relier les fonds à l’activité criminelle initiale.
Le combat est double ?
Pour Me Ahmad Al Fouad Allymamod, blanchiment et corruption sont complémentaires : la corruption produit des fonds illicites que le blanchiment recycle, rendant leur réutilisation plus aisée. La FCC confirme ce lien : la corruption génère l’argent sale, le blanchiment le protège et la complicité d’agents publics entretient ce cercle vicieux.
**Drogue et blanchiment : une relation explosive **
Selon la FCC, le lien entre le money laundering et la drogue est direct. «Le blanchiment est indispensable au trafic de drogue : sans lui, les trafiquants ne pourraient ni sécuriser leurs profits ni les réinvestir dans de nouvelles activités criminelles. C’est pour cela que la FCC accorde une priorité particulière aux enquêtes sur le blanchiment d’argent provenant du trafic de drogue, afin de priver les trafiquants de leurs profits illicites et de protéger l’intégrité du système financier», nous précise-t-on. Le trafic de substances prohibées, c’est du cash liquide comme s’il en pleuvait :* «Et souvent en dehors du système bancaire.»* Pas de trace, d’accord, mais des difficultés à utiliser tout cet argent qui n’a aucune provenance «légale» : «Pour pouvoir utiliser cet argent sans éveiller de soupçons, les trafiquants doivent le blanchir, c’est-à-dire, le réintroduire dans l’économie légale.»
Quels sont les signaux qui devraient alerter ?
Dans le jargon, on parle de* red flags* ! Comme ces drapeaux rouges qui doivent vous dissuader de poursuivre une relation amoureuse ! Ici, il n’est pas question de love bombing ou de gaslighting, mais bien de gro kas ! Est-ce qu’il y a des signes d’alerte en matière de blanchiment d’argent ? La FCC fait le point : «Certains comportements ou transactions peuvent attirer l’attention des différents acteurs qui luttent contre le blanchiment d’argent.» La Commission donne des exemples :
Mouvements financiers inhabituels : dépôts ou retraits très élevés par rapport au profil du client.
Structuration (smurfing) : nombreux dépôts en espèces de petites sommes pour éviter les seuils de déclaration.
Transactions sans justification économique : virements internationaux vers des pays à haut risque sans lien apparent avec l’activité.
Utilisation de sociétés-écrans : entreprises créées uniquement pour recevoir et transférer des fonds.
Usage excessif d’espèces : paiement d’actifs de grande valeur (voitures, bijoux, immobilier) en cash.
Transactions rapides et circulaires : fonds qui transitent rapidement entre plusieurs comptes sans raison économique claire. Client réticent : refus de fournir des informations sur son activité ou son identité.
Me Ahmad Al Fouad Allymamod évoque également «des achats soudains d’actifs de luxe ou immobiliers par des personnes à faibles revenus déclarés».
Banques et institutions financières : au cœur de la vigilance
Ces organismes sont en première ligne contre le blanchiment d’argent. Véritables filtres, elles empêchent l’argent illicite d’infiltrer l’économie légale. Me Ahmad Al Fouad Allymamod et la FCC évoquent ce qui doit être mis en place : l’identification des clients (Know Your Customer), la vérification de l’origine des fonds et la nature des activités. Les banques et les institutions financières se doivent de surveiller les transactions afin de repérer les opérations inhabituelles, puis déclarer tout soupçon à la Financial Intelligence Unit (FIU) via des Suspicious Transaction Reports (STRs). Enfin, elles sont appelées à former leur personnel pour détecter les signaux d’alerte.
Engagement politique : quel est le message ?
Un gouvernement qui donne l’impression de vouloir rompre avec le passé. Car pour que la lutte contre le blanchiment d’argent soit effective et efficace, l’engagement politique est essentiel. Pour Me Rouben Mooroongapillay, c’est un message de confiance renouvelé : «Cela vise surtout à garantir aux investisseurs étrangers la stabilité de notre économie et à éviter que nous soyons placés sur les listes grises/noires du GAFI.» Me Ahmad Al Fouad Allymamod est bien de cet avis : se conformer aux standards internationaux protège l’économie, attire les investisseurs et renforce la gouvernance transparente. Il avance qu’«il est aussi question d’envoyer un signal politique fort : rompre avec les pratiques opaques du passé et promouvoir une gouvernance fondée sur l’intégrité, la transparence et la durabilité». Ces hommes de loi rappellent que dans le contexte actuel, le gouvernement Changement doit démontrer des efforts concrets contre le blanchiment d’argent, notamment après l’inscription du pays sur la liste grise du GAFI pour insuffisances législatives. Malgré le renforcement du cadre juridique, la supervision de l’Eastern And Southern Africa Anti Money Laundering Group (ESAAMLG) demeure essentielle. L’engagement à se conformer aux standards internationaux protège l’intégrité du système financier, attire les investisseurs, facilite l’accès aux marchés, prévient les sanctions et renforce la légitimité politique, la coopération internationale et la lutte contre la corruption, avancent-ils.
Une question de coopération
La lutte contre le blanchiment d’argent repose sur une articulation nationale et internationale, précise la FCC. Au niveau national, lois pénales, supervision, FIU, poursuites et coopération entre FCC, police, banques, douanes et régulateurs assurent détection et enquête. À l’international, la coopération est indispensable : échanges d’informations entre cellules de renseignement (Egmont Group), conventions (Organisation des Nations unies, Groupe d’action financière – GAFI, Union africaine), assistance judiciaire mutuelle pour geler ou saisir des avoirs, ainsi que partenariats opérationnels pour enquêtes et opérations transfrontalières coordonnées.
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