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14 juin 2025 19:46
Qu’est-ce que c’est que ces termes ? Vous perdez la tête avec tout ce débat qui fait rage durant toute la semaine avec cette fameuse mesure de la pension universelle à 65 ans là. Deux experts vont vous aider à y voir plus clair : Abdel Kureembukus, représentant de la Federation of Progressive Unions, et Anouska Vencanah, CEO et fondatrice de VCapital Ltd, compagnie experte en consultation pour des services financiers et d’immobilier. Nos deux interlocuteurs vous expliquent…
Le National Pensions Fund, c’est quoi ?
Abdel Kureembukus (AK) : «Le National Pensions Fund (NPF), introduit en 1976, était un fonds de pension contributif obligatoire. Employeurs et employés cotisaient mensuellement : ces cotisations devaient être investies pour financer à terme des pensions de retraite contributives, en plus de la pension universelle (BRP) – (NdlR : voir plus loin). Le NPF couvrait également les pensions d’invalidité, de veuve, d’orphelin, et les compensations en cas d’accident de travail. En théorie, ce système devait permettre de garantir un revenu décent en retraite aux salariés ayant contribué toute leur vie (...). Finalement, en septembre 2020, le gouvernement a supprimé le NPF et instauré à sa place la Contribution sociale généralisée (CSG).»
Et la Contribution sociale généralisée (CSG) ?
AK : «La CSG a été introduite a travers le Finance (Miscellaneous Provisions) Act 2020. Contrairement au NPF, ce n’est pas un système de pension contributif individuel. La CSG est, selon moi, une taxe sociale : elle est prélevée sur les salaires (employeurs et employés) et versée directement au budget consolidé de l’État, le Consolidated Fund. Les sommes ainsi collectées servent à financer, entre autres, la Basic Retirement Pension (BRP) et d’autres dépenses publiques. La grande différence est que la CSG ne garantit pas de droits à la pension individuelle en fonction des contributions versées. Chaque travailleur cotise aujourd’hui pour financer les pensions actuelles, sans qu’il y ait un compte personnel pour ses propres droits futurs.»
La pension universelle ?
Anouska Vencanah (AV) : «À Maurice, la pension universelle (ou Basic Retirement Pension) est un montant social versé par le gouvernement à toute personne âgée de 60 ans ou plus, quelle que soit sa situation financière ou professionnelle passée. La pension universelle est un revenu mensuel garanti par l’État pour tous les citoyens mauriciens (et résidents permanents sous certaines conditions) âgés de 60 ans et plus, sans condition de contribution antérieure à un fonds de pension (comme le NPF). La pension universelle a été établie pour lutter contre la pauvreté chez les personnes âgées, garantir un revenu fixe et assurer une sécurité de revenu minimum à la retraite.»
La pension contributive ?
AV : «Une pension contributive est un revenu de retraite versé à une personne qui a cotisé à un système de sécurité sociale pendant sa carrière. Contrairement à la pension universelle (qui est versée à tous les citoyens âgés sans condition de cotisation), la pension contributive dépend des contributions financières effectuées par l’individu (et/ou son employeur) pendant sa période de travail.»
Les fonds de pension privé ?
AK : «Les fonds de pension privés continuent d’exister. Ils sont gérés par des entités privées et alimentés par des cotisations patronales et/ou salariales, en complément de la BRP. Ils restent un outil important pour garantir des retraites décentes, mais ne sont accessibles qu’aux travailleurs du secteur formel bénéficiant de tels régimes.»
Et nos contributions tous les mois alors ? On n’aura rien ?
AK : «Malheureusement, non, en partie. Les cotisations versées pendant des décennies au NPF devaient logiquement garantir des droits contributifs. Or, le fonds a été partiellement vidé au fil des ans. Aujourd’hui, il n’existe plus de fonds autonome suffisant pour assurer ces droits dans le futur. Depuis l’instauration de la CSG, il n’y a plus de constitution de droits contributifs individualisés : les cotisations servent à financer les pensions courantes via le budget de l’État. Pour les nombreux travailleurs qui ont cotisé au NPF pendant 20, 30 ou 40 ans, il est donc légitime de ressentir que leurs cotisations ont été versées "dans le vide", puisqu’elles ne leur garantissent plus de droits propres.»
Pourquoi repousser l’âge de la pension universelle à 65 ans ?
AV : «Le National Budget 2025-2026 prévoit de repousser l’âge de la retraite et de la pension universelle à 65 ans avec en toile de fond l’insuffisance financière et un redressement financier auquel les Mauriciens doivent faire face pour les trois ans qui suivent en espérant une amélioration. Le but de cette décision est de réduire le nombre d’années pendant lesquelles les pensions sont payées et d'augmenter la recette des cotisations.
Cette mesure aide à réduire la pression budgétaire pour le gouvernement et à maintenir la pension sans devoir réduire son montant ou imposer de nouvelles taxes. En faisant cela, les personnes âgées cotisent plus longtemps et stimulent la croissance économique car plus de personnes produisent, consomment et paient les impôts comme la CSG. Cela retarde la dépendance à la pension de l’Etat.»
Report progressif : c’est quoi ?
AK : «Le Budget 2025–2026 prévoit un report progressif de l’âge d’éligibilité à la Basic Retirement Pension (BRP), qui passerait de 60 à 65 ans sur une période de cinq ans. Plus simplement, cela signifie que les générations actuellement âgées de 50 à 55 ans verraient leur âge d’accès à la BRP reculer progressivement (61 ans, 62 ans…), jusqu’à atteindre 65 ans pour les plus jeunes. Le hic, c’est que même si c’est annoncé comme une mesure qui prendra effet graduellement sur les cinq prochaines années, le calendrier précis n’a pas encore été détaillé, ce qui crée une forte incertitude pour les travailleurs concernés.»
Leur avis sur la mesure :
AK : «Une mesure injuste et néolibérale. Elle frappera en priorité les travailleurs des métiers physiques et manuels et du secteur informel, qui auront du mal à tenir jusqu’à cet âge et elle transfère le coût du vieillissement vers les familles et les travailleurs, au lieu d’être financée par une réforme fiscale plus équitable. (…) C’est une réforme imposée par des dirigeants qui refusent eux-mêmes de renoncer à leurs privilèges, pendant qu’ils demandent des sacrifices au reste de la population (…). Cette réforme ne fait pas l’objet d’un vrai débat démocratique. C’est un choix idéologique, qui fragilise le contrat social mauricien au bénéfice de certains intérêts privés. Le peuple a cotisé pendant des décennies avec l’idée qu’il aurait droit à une retraite digne. Aujourd’hui, ce droit est attaqué. Il faut dire non.»
AV : «Le gouvernement a pris des mesures vraiment rigoureuses en imposant cette démarche et se retrouve à gérer le mécontentement des Mauriciens. Dans un contexte social et humain, nous nous demandons comment feront les travailleurs manuels comme dans le secteur de construction, l’agriculture, de transport et ceux qui sont à faire le shift system dans beaucoup d’entreprises (…). Cela pourra faire que quelqu’un qui arrive à 60 ans et qui a des problèmes de santé se retrouve dans une situation sans salaire et sans pensions (…). Les statistiques disent que nous avons un taux de chômage élevé et augmenter l’âge de la retraite ne viendra pas faire la place aux jeunes. Cela n’encourage pas la diaspora à retourner dans son pays et à amener son expertise pour le développement économique. Des mesures devraient être prises mais avec des analyses plus avancées ; venir avec des mesures comme éliminer la pension pour ceux qui sont toujours en emploi permanent à 60 ans et mettre en place des contrôles pour voir si une personne âgée de 60 ans qui perçoit la pension universel ne peut être employé à plein temps.»
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