Ils avaient été tour à tour appréhendés par les limiers de la Special Striking Team entre le jeudi 31 octobre et le vendredi 1er novembre. Nadeem Varsally, Jameer Yeadally, Leevy Frivet et Kaviraj Ramjhuria, ainsi que l’ancien Chief Executive Officer de Mauritius Telecom et fondateur de One Moris, Sherry Singh, avaient été placés en détention policière, soupçonnés d’être à l’origine des Moustass Leaks – des bandes sonores explosives partagées sur la page YouTube Missie Moustass et visant plusieurs hautes personnalités. Inculpés pour misuse of fake profile et prohibition of acts of terrorism devant la Week-End Court le samedi 2 novembre, ils ont été libérés sur parole après un très long délibéré. Ce lundi 4 novembre, ils ont célébré une nouvelle victoire lors de leur comparution devant le tribunal de Port-Louis : l’accusation provisoire de terrorisme qui pesait sur eux a été rayée, car le magistrat Prashant Bissoon a jugé que les explications fournies par le police prosecutor ne justifiaient pas une telle charge. En revanche, celle de misuse of fake profile est, pour l’heure, maintenue bien que les cinq suspects continuent de nier toute participation aux Moustass Leaks.
Après qu’ils ont comparu en cour le lundi 4 novembre, les cinq suspects se sont adressés à la presse. «C'est aberrant qu’une telle charge ait été logée contre nous. C’est extrêmement grave. La charge de terrorisme qui pesait sur nous a été rayée. Cela démontre que volonté de Dieu et le bon sens de la justice priment lorsque des complots sont orchestrés pour coincer des innocents», a déclaré Jameer Yeadally, un ancien journaliste et l'ex-attaché de presse du vice-Premier ministre et ministre des Collectivités locales Dr Anwar Husnoo. Leevy Frivet, également un ancien journaliste et autrefois attaché de presse du ministre du Travail Soodesh Calichurn, avant de soumettre sa démission en 2019, se dit tout aussi outré. «La charge a, certes, été rayée, mais j’ai tout de même été accusé provisoirement d’être un terroriste pendant deux jours. Mo pa kapav less sa pase koumsa. Je suis pasteur dans une congrégation ; cela nous a beaucoup affectés. Je prêche pour le pardon, contre la rancune, mais j’estime que dans un État de droit, chacun doit assumer ses responsabilités. Finn aret mwa pou nanye, zis parski mo responsab kominikasion Sherry Singh, zis parski lor tou foto trouv mwa avek Sherry Singh. Eski sa fer de mwa enn terrorist ? Kan mo ti advisor minis Travay, eski mo ti enn terrorist lerla ? Mo kapav pa dakor ar politik MSM, pa kontan Pravind Jugnauth, me de la al aret mwa, met enn sarz terrorist lor mwa, li inakseptab !»
L’humoriste Nadeem Varsally, fondateur de Crazy TV et prestataire en éclairage et cadrage pour diverses entreprises, a, pour sa part, exprimé son soulagement. «Nou finn trouve ki laverite pe sorti. Enn sarz koumsa ti pe pez lour lor nou me nounn resi pous enn ouf de soulazman. Sarz-la finn reye.» Il déplore, cependant, le fait que ses outils de travail aient été saisis et qu’il se retrouve dans l’incapacité de travailler à cause des conditions que lui ont imposées le tribunal. «Mo ena enn zanfan, mo ena bann det pou peye. Ils m’ont enlevé mon gagne-pain. Mo zis kapav atann me erezman ki ena enn lazistis.»
Dénonciations
La sérénité pouvait se lire sur le visage de l’ex-CEO de Mauritius Telecom lorsqu’il a quitté le tribunal. Il a d’abord tenu à remercier la magistrate Bibi Zeenat Cassamally, qui leur a accordé la liberté le samedi 2 novembre : «Linn gard lakour ouver ziska tar zis dan lintere bann dimoun ki pa kapav prive de zot liberte san ki ekout zot.» Il a aussi fait part de sa reconnaissance envers le bureau du Directeur des poursuites publiques «qui a été un rempart contre l’injustice. Zot finn ena kouraz pou dir ki pena oken evidence ek pa finn obzekte a nou remiz an liberte». Il a aussi remercié le panel d’avocats venu les soutenir durant cette période, mais aussi le magistrat Prashant Bissoon, «car il a ordonné la radiation de l’une des charges qui pesait sur nous sans que nous ayons eu besoin de déposer une motion en ce sens». Sherry Singh poursuit : «Mo pann trakase zame ar sarz-la. Mo pann etone zame par zot mesanste en plenn kampagn me mo ti deza kone sarz-la pena sens.» Enfin, il se dit satisfait que «la zistis finn azir. Pa finn less bann dimoun soufer. Monn zis sagrin tou sa bann dimoun ki finn inpakte zis akoz enn statement. C’est vraiment le summum de ce que peut faire le gouvernement de Pravind Jugnauth».
Rappelons que l’arrestation des cinq suspects fait suite aux dénonciations de deux individus : Yassin Bhuglow, un Financial Consultant ayant anciennement adhéré au parti de Sherry Singh, qui prétend avoir été présent au moment où les montages des vidéos et bandes sonores se faisaient dans les locaux de One Moris, ainsi que Rakesh Gouljaury, un ancien homme de confiance de Navin Ramgoolam ayant retourné sa veste.
Plusieurs conditions ont été imposées à Sherry Singh et ses co-accusés après que la liberté leur a été accordée. Ils se sont non seulement acquités de deux cautions de Rs 80 000 et d’une reconnaissance de dettes de Rs 800 000 chacun, mais devront aussi être équipés d’un téléphone portable dont le numéro devra être communiqué uniquement aux autorités concernées. Ils ne sont pas autorisés à communiquer entre eux, ni à entrer en contact avec certaines autorités, sans compter qu’ils ne doivent pas utiliser des outils électroniques avec excès.
À savoir que ce jeudi 7 novembre, Leevy Frivet s’est, à nouveau, présenté devant le tribunal de Port-Louis en compagnie de son avocat, Me Jean-Claude Bibi, pour réclamer la radiation de la seconde charge qui pèse sur lui et pour qu’il soit autorisé à effectuer un voyage à Madagascar avec son fils dans quelques semaines. Ces motions seront respectivement débattues le 20 novembre et le 16 décembre prochains.