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2 avril 2019 11:13
Le choc. L’incompréhension. C’est ce que l’ancien constable Fidèle dit avoir ressenti en apprenant le décès d’Iqbal Toofanny en cellule policière, alors qu’il l’avait quitté en bonne santé quelques heures plus tôt. «Iqbal Toofanny ti bien kan nou finn kit li ek CID. Li ti fit. Monn soke kan monn aprann linn mor apre ki monn pran li an kontravansion», a-t-il déclaré le jeudi 21 mars lors du procès intenté au sergent Persand et aux constables Gaïqui, Numa et Ragoo.
Tous les quatre sont poursuivis en cour intermédiaire sous la charge de torture. Iqbal Toofanny, 43 ans, est mort le 2 mars 2015. La veille, cet habitant de Vacoas, qui travaillait comme électricien automobile à domicile, est arrêté par deux officiers de l’Emergency Response Service (ERS). Lors d’une vérification, ces derniers, dont l’ancien constable Fidèle, constatent qu’il y a un problème avec la voiture conduite par Iqbal Toofanny. Le numéro d’immatriculation est notamment différent de celui qui inscrit sur la vignette collée sur le pare-brise. Et plusieurs objets suspects sont retrouvés dans la Vitz : une scie et un tournevis dans une sacoche, et trois cellulaires, entre autres.
Interrogé sur place, Iqbal Toofanny ne peut expliquer la présence de ces objets dans son véhicule. Il est alors conduit au poste de police de Rivière-Noire pour vérifier son identité et les papiers de son véhicule. «Il n’avait pas sa carte d’identité sur lui», souligne l’ancien policier Fidèle, qui travaille comme Security Officer dans le privé depuis mars 2018.
Par la suite, Iqbal Toofanny est confié à la Criminal Investigation Division (CID) «for further inquiry». Car selon l’ancien policier Fidèle, il y avait plusieurs cas de vol de voitures dans cette région à cette époque-là. «Le constable Ladoudeuse de la CID était présent au poste de police de Rivière-Noire cette nuit-là. On lui a alors confié le suspect Toofanny. There was no visible mark of violence. Li ti normal ek fit», précise-t-il.
Mais dans l’après-midi, l’ancien policier Fidèle apprend le décès d’Iqbal Toofanny et un collègue du CCID l’informe qu’il doit donner un statement. «Li ti bien ek fit kan nou finn kit li ek CID», dit-il à deux reprises, lors de son audition. Le constable Marianne, qui faisait le Station Orderly au poste de police de Rivière-Noire ce soir-là, abonde dans le même sens lors de son audition. Cependant, le sergent Persand et les trois constables donnent, eux, une tout autre version des faits.
Dans leur déposition respective, les quatre policiers expliquent qu’ils ont de nouveau interrogé Iqbal Toofanny après le handing over par une équipe de l’ERS. Mais que le suspect avait du mal à expliquer ce qu’il faisait à Rivière-Noire. Acculé, ce dernier aurait fini par déclaré qu’il «n’est pas un voleur» mais qu’il se serait arrêté à Rivière-Noire pour un besoin prevant lorsque des gens l’ont pris pour un voleur et l’ont frappé. Le sergent Persand raconte tout cela dans un Diary Book. Il précise que le suspect a également refusé d’être emmené à l’hôpital pour y recevoir des soins.
Les policiers s’apprêtaient à transporter Iqbal Toofanny vers le tribunal de Bambous lorsque celui-ci s’est plaint de douleurs au ventre. À un haut gradé de la police, le suspect aurait, une fois de plus, raconté qu’il a été tabassé dans la soirée, la veille, par des personnes qui l’avaient pris pour un voleur. Le suspect est emmené à l’hôpital de Candos où il meurt vers 10h50.
Le rapport d’autopsie indique qu’il a succombé à un oedème pulmonaire. Les Dr Gungadin et Gujjalu ont aussi constaté qu’Iqbal Toofanny avait des ecchymoses sur le dos, le postérieur et sur la jambe gauche. Mario Nobin, commissaire de police par intérim à l’époque, déclare alors qu’«il n’y aura pas de cover-up». Une enquête préliminaire a donc lieu au tribunal de Bambous et le magistrat trouve qu’il y a suffisamment de preuves pour un procès criminel.
Un rebondissement de taille intervient le 4 mai 2018, lorsque le DPP enclenche pour la première fois des poursuites contre les policiers. Le sergent Persand et les constables Laboudeuse, Gaïqui, Numa et Ragoo sont poursuivis sous une charge de torture. Toutefois, le constable Ladoudeuse est décédé en début d’année. L’affaire reprend le 7 mai, avec l’audition d’autres témoins.
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