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Fête du Travail

Il était une fois le 1er Mai

27 avril 2025

Emmanuel Anquetil, Guy Rozemont et le Dr Maurice Curé ont marqué l'histoire.

L’historien et observateur politique Jocelyn Chan Low nous raconte l’histoire derrière la fête du Travail, un jour hautement symbolique qui a toujours son importance.

Une page d’histoire. Une journée pour commémorer les luttes historiques et les progrès réalisés par les travailleurs du monde entier. Le 1er mai, de par le monde, est une date hautement symbolique qui n’a pas du tout été choisie par hasard. Pour comprendre l’origine de la fête du Travail, il faut, explique l’historien et observateur politique Jocelyn Chan Low, remonter à la fin du 19e siècle. «Le  1er mai  1884,  les syndicats américains se lancent dans le combat pour la journée de 8 heures. En 1886, dans le cadre de la grève générale pour la journée de 8 heures, des incidents éclatent à Haymarket et des syndicalistes sont condamnés à mort et exécutés. En 1889, la Seconde internationale socialiste décide de faire de chaque 1er mai  une journée de manifestation avec pour objectif la journée de 8 heures. Le mot d’ordre est largement suivi malgré la répression brutale et meurtrière des autorités. En 1920, les Bolcheviks au pouvoir en Union Soviétique décrètent que le 1er mai sera désormais jour férié.»

À Maurice, la lutte de la classe ouvrière prend naissance vers 1930 et le 1er Mai est célébré pour la première fois en 1938. Ce jour dédié aux travailleurs est étroitement lié, souligne Jocelyn Chan Low, au Parti travailliste de Maurice Curé, Emmanuel Anquetil, Pandit Sahadeo et Guy Rozemont. «Fondé en 1936, le PTr va sillonner le pays, dénonçant les conditions déplorables des  travailleurs et du petit peuple dans la colonie. En 1937,  des incidents dramatiques vont éclater à Union Flacq au cours d’une action industrielle initiée par des laboureurs et des petits planteurs. Plusieurs laboureurs seront abattus. Ce fut le début d’une grande agitation sociale, voire même d’un soulèvement des travailleurs à travers l’île.»

Deux ans plus tard a lieu la toute première célébration du 1er Mai, un événement qui réunit une immense foule au Champ de Mars. «En 1938, la première célébration du 1er Mai est organisée par le Dr Maurice Curé et le PTr. Une foule de 35 000 personnes issue à la fois des villes et de la campagne y assiste. Un an plus tard, en 1939, le Dr Curé demande à ce que la date du 1er mai soit déclaré jour férié mais il faudra attendre que la motion de Guy Rozemont soit adopté par le Conseil législatif en 1949 pour que celle-ci devienne effectivement un congé public», raconte l’historien.

Jocelyn Chan Low nous raconte l'origine de cette fête à Maurice.

Dans les années 1940, les travailleurs de l’industrie sucrière continuent de militer pour de meilleures conditions de travail. Une autre date qui est étroitement liée à la lutte des travailleurs est celle du 13 septembre 1943. Ce jour-là, une grève est lancée sur la plantation sucrière de Belle-Vue Harel par les laboureurs qui militent pour leurs droits et la fin des oppressions. Dix jours plus tard, une cérémonie religieuse y est organisée, mais celle-ci fini en altercation avec la police qui tire des coups de feu. Trois personnes sont abattues : Anjalay Coopen, âgée de 32 ans et enceinte de son premier enfant, Kistnasamy Mooneesamy et Moonsamy Moonien, des noms inscrits à jamais dans l’histoire de la lutte des travailleurs.

Pour Jocelyn Chan Low, le fait que le 1er Mai ait été organisé pour la première fois par un parti politique n’est pas anodin. «Comme le MMM des années 70, au départ, le PTr était un parti ouvriériste et ses dirigeants à l’instar d’Anquetil et de Rozemont étaient aussi des syndicalistes. Mais comme le MMM le fera plus tard, le PTr  va migrer vers le centre pour gagner les élections, coupant ses liens organiques avec la classe des travailleurs, devenant un parti traditionnel, et le porte-parole de lobbies et groupes autres que les travailleurs et les syndicats.» Ce shift, qui s’est intensifié au fil des années, a fait que ce jour devienne finalement une démonstration avant tout politique. «Avec la  transformation de ces partis ouvriéristes en partis traditionnels, il y a effectivement dissonance entre la nature du 1er Mai et l’accaparement de ces partis politiques de cette fête symbolique à plus d’un titre pour la classe des travailleurs. La  célébration du 1er Mai par les partis traditionnels est loin d’être une commémoration de la lutte des travailleurs, mais surtout une occasion pour critiquer leurs adversaires politiques. C’est pour cela que beaucoup affirment que la fête du Travail a été dénaturée par la classe politique mainstream.»

Néanmoins, la fête du Travail a encore toute sa raison d’être. Encore de nombreux combats restent à être menés pour lutter contre les inégalités, les discriminations et les injustices dans le milieu du travail. «Il y a un grand nombre de défis qui attendent la classe des travailleurs à Maurice, comme par exemple l’essor de l’intelligence artificielle et la robotisation qui arrivent à grand pas. Il y a aussi le problème de la surexploitation des travailleurs étrangers venant d’autres pays du sud global, qui souvent vivent et travaillent dans des conditions très pénibles.» Le  1er Mai est aussi un jour qui leur est dédié.

Les rendez-vous de ce jeudi

Cette année, contrairement à l’année dernière, qui était le kick-off de la campagne électoral, le 1er Mai sera bien plus calme. Si traditionnellement, c'est le rendez-vous incontournable des grands meetings politiques, cette année, il se fera sans enjeux importants malgré la tenue imminente des élections municipales. Ainsi, la journée de ce jeudi se fera avec beaucoup moins de fla-fla et sans démonstration de force. Cette année, seule l’Alliance du Changement, qui regroupe le PTr, le MMM, les Nouveaux Démocrates et Rezistans ek Alternativ, a prévu un grand meeting à la Rue Edward VII, à Rose-Hill, à 9h30. Cette année encore, le Reform Party de Roshi Bhadain a opté pour une formule différente et s’adressera à ses partisans lors d’un meeting en ligne. Anil Gayan du Vre ML a choisi de faire du porte-à-porte alors que les autres formations politiques, dont le MSM et le PMSD, ont décidé de jouer aux abonnés absents cette année. La CTSP organisera, elle, une marche pacifique à 9 heures à Rose-Hill, depuis son bureau jusqu’à la place Margéot.

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