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Par Yvonne Stephen
19 juin 2025 19:21
Al met tranpe ? C’est le mari plan du week-end ! La mer fait partie de l’ADN des Mauciens.nes, il est temps de pran li kont.
Les embruns portent un message. Pour le laisser s’envoler jusqu’à vous, il faut tendre l’oreille et le cœur. Entendre l’océan, écouter le roulement de ses vagues et intercepter son appel à l’action. Alors qu’il a été reconnu que le seuil critique pour l’acidification des océans – désormais identifiée comme la septième limite environnementale planétaire – a été franchie, la mer, ses fonds, ses profondeurs, ses écosystèmes et sa biodiversité sont en quête d’un engagement mondial (d’ailleurs la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC3) s’est tenue, cette semaine, à Nice) et individuel pour sa réhabilitation et pour sa protection. Pour marquer le coup de la Journée mondiale de l’océan observée récemment, nous avons demandé à ceux.celles qui s’engagent pour lui de laisser parler le grand bleu à travers leurs voix. Danielle Zélin, Kan, Dr Vashish Soondur et Gaelle Quéré ont, tous.tes, participé au récent Festival du vivant, qui a été un espace de convergence entre science, art et conscience environnementale, avec, bien sûr, une importante prise en considération de l’océan (voir hors-texte). Nous leur avons demandé pourquoi il est essentiel de se (re)connecter au milieu marin et à ses immenses étendues salées pour mieux les préserver. Si les décideurs discutent en haut lieu, dans des sphères dont nous ne pouvons pas approcher, il est, néanmoins, possible pour chacun.e de s’engager à son niveau…
**Danielle Zélin : «Apprendre de et avec l’océan» **
*Elle est National Geographic Certified Teacher. *
«Je pense que l’une des premières réalisations ou plutôt l’éveil, c’est de comprendre à travers l’éducation et d’accepter avec humilité que notre espèce, l’être humain, fait partie intégrale de la bonne santé de notre écosystème planétaire. Sans cet éveil, tous les efforts fournis pour la préservation et la protection de notre planète risquent fort d’être lents et obsolètes sur un long terme. Pourquoi ? Parce que sans cet éveil et cette connexion personnelle avec la nature, l’humain aura (a) du mal à la respecter, prendre soin d’elle et donc, à la préserver. C’est pourquoi, aujourd’hui, on se retrouve en urgence accélérée d’actions immédiates. Pourquoi se reconnecter avec l’océan ? Parce que l’océan est notre premier bassin d’oxygène et de régulation du climat planétaire. L’océan nous aide à respirer chaque jour que nous vivons. Cette prise de conscience, n’est pas un luxe ; c’est une nécessité. Comme dirait Sylvia Earle, biologiste marin et océanographe américaine : «No Blue, No Green - No Water, No Life.» L’océan est une entité complète, qui nous soutient holistiquement. Comment préserver l’océan ? L’éducation : apprendre de et avec l’océan, comprendre comment travailler en harmonie avec l’espace marin et respecter ses cycles naturels. Ceci, dans le but de continuer à vivre naturellement et durablement.»
Dr Vashish Soondur: «Un effort collectif est nécessaire»
Il est coordinator au Marine Discovery Centre.
«À Maurice, la mer joue un rôle central, à la fois économique et environnemental. Elle soutient des secteurs clés comme la pêche, le tourisme et l’artisanat. Pourtant, elle subit de fortes pressions : pollution plastique, réchauffement climatique, surpêche, dégradation des récifs. Ces menaces fragilisent l’équilibre de nos lagons et de nos écosystèmes côtiers. Préserver l’océan, c’est protéger une ressource vitale pour notre développement. Sans un environnement marin sain, c’est toute une économie locale et des emplois durables qui sont en danger. Des acteurs engagés comme le groupe Attitude intègrent des pratiques responsables dans leur modèle : suppression du plastique à usage unique dans l’expérience client, mise en place de programmes de science participative pour la protection des tortues marines et la sensibilisation des visiteurs à l’impact de leurs gestes sur l’environnement marin. La protection de l’océan ne peut pas reposer sur quelques initiatives isolées. Elle doit devenir un effort collectif, impliquant citoyens, entreprises, écoles et autorités publiques. Chaque action compte. Il y a encore du temps pour agir, mais il ne faut plus attendre.»
Kan : «Le monde a besoin de bonnes valeurs»
Il est artivist (artiste et activiste).
«On a souvent tendance à négliger l’importance de l’eau, à la prendre pour acquise. Et pourtant, elle est essentielle à toute forme de vie. Trop souvent, on la gaspille sans y penser, alors que l’histoire même de notre île a commencé grâce à la présence de l’eau douce et de l’océan. Les premiers peuplements se sont installés près des rivières, des sources, des lagons. C’est dire à quel point cette ressource a toujours été vitale. Aujourd’hui, on la sous-estime encore – jusqu’à ce que surviennent des inondations ou que la mer rejette sur nos plages ce que nous y avons abandonné. C’est là qu’on réalise que quelque chose ne va pas. En tant qu’artiste, je puise mon inspiration de la nature. Quand je vois des déchets plastiques sur le sable ou dans la mer, je sais qu’ils ne sont pas à leur place. Et cela me pousse à agir et à reconsidérer notre façon de vivre. Le monde a besoin de bonnes valeurs et d’idées pour transmettre aux futures générations.»
Gaelle Quéré : «Il est en grande souffrance»
Elle est Project Leader/Research Scientist, Odysseo, Secore International.
«Aujourd’hui, l’océan, source de vie et de diversité, devrait être un véritable oasis de couleurs, un tourbillon de vie foisonnante. Pourtant, il est en grande souffrance. Ce constat douloureux nous rappelle à quel point il est urgent de nous reconnecter à lui. Car au-delà des chiffres et des constats scientifiques, ce lien perdu entre l’humain et la Nature est au cœur du problème. Nous avons oublié que nous faisons partie de ce grand tout. Se reconnecter à l’océan, c’est se rappeler de notre juste place d’êtres humains parmi le vivant. C’est ressentir l’immensité, la force, la beauté, mais aussi la fragilité de la nature. L’océan nous inspire l’humilité – il nous remet à notre juste place. Et c’est dans cette reconnexion que peut naître une volonté sincère de préserver. Il devient impossible d’ignorer ou de détruire ce que l’on ressent profondément dans sa chair. Retrouver ce lien sensible avec l’océan, c’est faire un pas vers un avenir plus respectueux du vivant.»
Festival du vivant, l’appel à la conscience et à l’action
C’était quoi ? Cet événement s’est tenu les 23 et 24 mai 2025 à la House of Digital Art à Port-Louis. Ce festival inédit, né d’une collaboration entre le groupe Rogers, Odysseo et la House of Digital Art, a réuni artistes, scientifiques, penseurs et citoyens pour sensibiliser à la crise de la biodiversité. Dans un contexte mondial marqué par l’effondrement des écosystèmes, le Festival du vivant a offert un espace de dialogue et d’action, mêlant arts vivants, sciences, philosophie et engagement citoyen. À travers conférences, performances, ateliers et expositions, il a mis en lumière l’interdépendance du vivant et l’urgence d’agir à notre échelle. Près de 50 intervenants et associations ont partagé des initiatives concrètes pour la préservation de la faune et de la flore locales. Gratuit et ouvert à tous, l’événement a fédéré une large audience dans un esprit de fête et de mobilisation, posant les bases d’un élan collectif face à l’urgence écologique.
Pourquoi c’était nécessaire ? Face à l’effondrement accéléré de la biodiversité, le Festival du vivant a rassemblé des scientifiqes autour d’une même conviction : renouer nos liens avec le vivant, en particulier avec l’océan, qui reste l’un des grands oubliés des politiques environnementales. «Le vivant fait partie de nous, et nous de lui. Plus que jamais, il est urgent d’en prendre conscience», déclare Astrid Dalais, fondatrice de la House of Digital Art. Pour elle, l’interconnexion entre toutes les formes de vie – «des montagnes à nos assiettes, de nos pratiques culturelles à l’océan Indien» – est une réalité qu’il faut non seulement comprendre mais aussi ressentir. La récente reconnaissance de l’acidification des océans comme septième limite planétaire franchie rend ce constat d’autant plus alarmant : «Nous avons imaginé ce festival comme un véritable éveil collectif, où chacun peut comprendre, ressentir, et surtout agir.» Ce lien vital avec l’océan est également au cœur du travail de Lea de Oliveira, Program Manager de la Fondation Odysseo. Elle souligne que «l’océan est un pilier de la vie sur Terre, et pourtant, il reste trop peu présent dans les imaginaires collectifs». À travers le projet Varuna, présenté pendant le festival, la fondation a mis en lumière les interdépendances entre écosystèmes marins et terrestres. De la régénération des coraux à la protection des mangroves, en passant par la préservation de l’archipel de Saint-Brandon, chaque action rappelle que «préserver la vie, c’est reconnaître son intelligence».
Pour Mickaël Apaya, Head of Climate, Resilience and Regeneration chez Rogers, la méconnaissance des milieux marins est sidérante : «Seuls 2 % du fond marin ont été explorés. C’est dire combien nous ignorons encore des dynamiques vitales pour notre survie.» Face à cela, Rogers adopte une posture d’apprentissage et d’humilité. Le groupe multiplie les engagements, de sa participation à l’UNOC3 à Nice pour porter la voix de l’île au niveau international à la mise en œuvre du programme Regenesis (cofinancé par VARUNA Biodiversité), qui combine science et technologie pour modéliser les flux marins à Bel-Ombre, en incluant la rivière Jacotet, connectant la montagne à la mer.
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