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La chute (attendue) d'un intouchable

27 septembre 2025

Lentement mais sûrement, l’étau s’est resserré. Chaque nouvelle arrestation d’un haut gradé de la police n’était qu’un pas de plus qui conduisait inévitablement les enquêteurs vers l’ancien commissaire de police Dip. Après le défilé de plusieurs cadres arrêtés en marge de l’affaire Reward Money, c’est désormais l’ex-numéro un des Casernes centrales qui dort en cellule. Une chute spectaculaire que d’aucuns voient comme une revanche, tandis que d’autres considèrent cet épisode comme un juste retour des choses. C’est dire à quel point l’homme incarnait, à lui seul, l’arrogance d’un pouvoir aujourd’hui déchu : passe-droits, abus d’autorité, exploitation des institutions pour des bénéfices personnels.

Les Moustass Leaks avaient déjà écorné l’image de l’ancien commissaire auprès d’une population ébranlée par une succession de polémiques où son nom fut cité. L’épisode de janvier 2023, lorsqu’on apprenait que son fils avait bénéficié de la grâce présidentielle, avait soulevé une vague d’indignation. Celui-ci, condamné à 12 mois de prison pour détournement de fonds au préjudice de son ancien employeur, avait fait appel à la Cour suprême où il avait subi un revers et logeant ensuite une demande pour faire appel au Privy Council. Si la demande lui fut refusée, la rapidité avec laquelle il avait obtenu la grâce présidentielle, les procédures entourant cette clémence, la proximité du commissaire de police avec le MSM avaient jeté le doute sur la séparation des pouvoirs renforçant le sentiment d’une justice à deux vitesses réservée aux fils bien nés.

Mais s’il y a une affaire qui a marqué le mandat de l’ex-commissaire, c’est bien son bras de fer avec le DPP. Actions judiciaires, contestation des prérogatives de Me Ahmine, remise en question des libérations conditionnelles essentiellement quand il s’agissait des opposants du pouvoir, attaques personnelles lorsqu’il qualifia d’«Evil Evidence» la position du DPP dans l’affaire Bruneau Laurette, tentative d’imposer des avocats privés dans des affaires d’État…

L’indécence de Dip, le manque de respect envers des postes constitutionnels, ses commentaires sur des affaires judiciaires, la convocation régulière des journalistes, avocats et opposants politiques aux Casernes centrales sont autant de dérives qui, sous sa responsabilité, ont donné au pays une image d’État policier.

Aujourd’hui, l’affaire Reward Money éclabousse tout un système (avec la bénédiction des dirigeants d’alors ?) et révèle des toiles entremêlées d’une immense mafia instituée par certains qui, sans scrupule, se sont servis dans les caisses de l’État et détournant sans scrupule Rs 198 millions ! Les coupables seront-ils punis et contraints de rembourser cet argent des contribuables ? C’est toute la question que se pose un public avide de justice et lassé des abus. D’où la scène montrant des citoyens en colère se pressant aux abords de la cour, n’hésitant pas à huer l’ancien commissaire, et qui traduit un ras-le-bol d’une population en quête de réparation.

La coïncidence veut qu’au moment même où d’anciens chefs de la police connaissent des démêlés avec la justice, le DPP décide de rayer les charges provisoires dans huit dossiers (Laurette, Bissessur, Moheeputh, Sabapati), tous traités par la défunte SST et entachés d’allégations de «planting». Même si cette radiation ne signifie pas un abandon définitif des poursuites, elle apporte un certain apaisement et rappelle la manière – grossière et douteuse – de fonctionner de cette unité, dont l’objectif initial était de frapper vite contre les trafiquants de drogue, mais qui s’est finalement illustrée par l’arrestation ciblée d’opposants politiques. Et ce, avec la bénédiction de l’ancien Premier ministre qui leur offrait carte blanche, malgré les accusations graves portées contre cette équipe, révélées notamment à travers les bandes sonores connues sous le nom de «Vimen Leaks».

Tout ce feuilleton de «Reward Money» vient aujourd’hui renforcer ces soupçons et remet sérieusement en cause l’intégrité des actions de cette unité, tout en jetant une lumière sur un système où certains pourris se sont enrichis en puisant dans les caisses publiques.

La chute de tous ceux qui, hier, furent considérés comme intouchables nous rappelle que la roue finit toujours par tourner. Lentement mais sûrement, l’étau s’est resserré….

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