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3 août 2025 12:43
Le cyclisme mauricien est à l'honneur sur le plan international grâce au tour de force d’une compatriote qui fait vibrer le cœur des gens d’ici et d’ailleurs depuis une semaine. Elle suscite l'émotion, la fierté, et ravive la flamme patriotique, emmenant tout un peuple avec elle sur les routes de France où elle est en train de kas pake sur son vélo. Et même si lors de l’étape de ce samedi, elle a chuté et a perdu le maillot jaune durement gagné, elle a tout de même porté celui-ci avec panache durant quatre jours et reste pour nous, la reine de la petite reine mauricienne. Son père et son frère nous disent leur fierté tout en revenant sur son parcours, alors que d’autres – une coéquipière et amie, des Mauriciens qui l'ont rencontrés sur le parcours, le président de la Fédération de cyclisme à Maurice et plusieurs compatriotes – nous confient ce que les exploits de Kimberley Le Court-Pienaar signifient pour eux. Séquence émotion.
Une battante sur deux roues. Elle a marqué l’histoire du cyclisme en devenant la première cycliste mauricienne et la première Africaine à remporter une étape et à endosser le maillot jaune sur le Tour de France Femmes. Eh oui, une telle compétition existe – beaucoup ne la découvrent que cette année – et Kimberley Le Court-Pienaar (affectueusement appelée Kim) en est à sa seconde participation à celle-ci après avoir joué de malchance l’année dernière. Et elle réalise un véritable tour de force dans cette édition, plus allongée et gagnant en difficulté chaque année, avec 154 participants au départ. Certaines ont dû abandonner en cours de route et ne seront pas dans le peloton pour la dernière étape, prévue ce dimanche 3 août. Notre Kim nationale, quant à elle, n’a pas déposé les armes. Au contraire, elle a marqué l’histoire du sport mauricien et du cyclisme africaine lors de ce Tour de France, et a mis encore plus en lumière notre petite île. Et de quelle manière flamboyante !
Classée 36e lors de cette compétition en 2024, la cycliste réalise ainsi un véritable exploit historique cette année, suscitant une immense fierté nationale, faisant vibrer les Mauriciens d’ici et d’ailleurs (voir plus). Mais les plus fiers et heureux de tous sont évidemment ses parents Bernard et Patricia Le Court de Billot – cette dernière est écossaise –, ses premiers supporteurs dans l’ombre. Après cette semaine intense, son père se confie à nous, la voix remplie d’émotion :«En regardant Kimberley sur les routes du Tour, on voit défiler devant nous les fruits des énormes sacrifices, avec des hauts et des bas, dont nous avons été témoins depuis ses débuts dans le cyclisme. Ce n’est pas évident de vivre loin de ses proches et de son époux. Elle récolte aujourd’hui le résultat de son dur labeur, de sa détermination. Kim est une battante dans l’âme et ne renonce à rien.»
Ces derniers jours, son épouse et lui n’ont pas manqué une seule étape de ce Tour de France Femmes 2025. Scotchés devant leur télé, chez eux à Gros-Bois, ils ont attendu à chaque fois avec impatience et excitation l’apparition de leur fille chérie, restant plus concentrés que jamais sur ses coups de pédale jusqu’à la ligne d’arrivée. «C’est beaucoup d’émotion. Nous sommes très fiers d'elle et très heureux. Dès le matin, on entend le nom de notre fille à la radio, dans les médias et dans la presse étrangère. On reçoit beaucoup de messages d’appréciation. Moi même, je reçois quelque 500 messages sur WhatsApp après chaque course de Kim. Ça fait très plaisir de voir que Kim est très appréciée des Mauriciens, surtout qu’elle adore son pays natal et ne manque pas de l’afficher», ajoute Bernard Le Court de Billot.
Ses débuts
La nouvelle reine mauricienne de la petite reine est originaire de Curepipe et a fréquenté le Lycée La Bourdonnais. Elle a enfourché son premier vélo de montagne à l’âge de 13 ans, mais l’histoire de cette vocation a commencé bien plus tôt. À 11 ans, alors que son père se lance dans le cyclisme, l’envie irrépressible de suivre ses traces la saisit. Bientôt, sa mère et son frère aîné Olivier sont eux aussi conquis par le vélo. Voir toute sa famille embrasser cette discipline a été un catalyseur puissant, la poussant naturellement à se lancer.
Dès ses premiers tours de roue, elle a su que le vélo était fait pour elle. «Il faut se battre ; c’est l’un des sports les plus durs», affirme-t-elle d’ailleurs, révélant une nature de combattante. Cette ténacité s’est manifestée très tôt. À ses débuts, à 13 ans, elle a relevé le défi du Southern Tropical, un tour de VTT majeur à Maurice. Malgré les doutes de son entourage, elle a terminé les quatre étapes, devenant la plus jeune participante à accomplir cet exploit. Un témoignage de sa persévérance, largement alimentée par les encouragements inconditionnels de sa famille.
«Je suis admiratif car ce n’est pas une personne qui baisse les bras. Comme footballeuse, elle a évolué comme attaquante, un poste exigeant, et cela démontre son tempérament de gagneuse. Elle a pratiqué le rugby, le tennis et le golf avec le même état d’esprit. Elle s’est beaucoup sacrifiée alors que les jeunes de son âge s’amusaient. Il y a même des jeunes cyclistes qui pédalaient en compagnie de Kim qui ont abandonné mais elle, elle n’a pas lâché. Je lui dis chapeau et bravo !», s’exclame son père avec enthousiasme.
Avant de se consacrer entièrement au cyclisme, Kimberley a, en effet, exploré d’autres horizons sportifs, jouant notamment au football de 6 à 12 ans ; une discipline qu’elle adorait. Cependant, quand le moment est venu de faire un choix décisif entre le ballon rond et le vélo, son amour pour le deux-roues a pris le dessus sur son envie de devenir footballeuse professionnelle. «Elle jouait au football au Dodo Club et était la première fille de l’équipe. Elle adorait cette discipline et voulait devenir footballeuse professionnelle. Elle avait obtenu une bourse aux États-Unis où elle avait la possibilité de se perfectionner pour le ballon rond. Au même moment, elle s’est mise au vélo et a commencé à aimer cela», raconte Bernard Le Court. Au Dodo Club, sa fille évoluait comme attaquante et appréciait beaucoup le club anglais Manchester United, qui, à l’époque cartonnait, avec Eric Cantona, Ryan Giggs ou encore David Beckham.
Sa passion du sport s’est donc poursuivie sur un vélo. À Maurice, Kimberley se retrouvait souvent à concourir uniquement contre des garçons, étant la seule fille dans la plupart des courses. Cette situation difficile a renforcé sa détermination. Son objectif n’était pas de vaincre d’autres filles, mais de se mesurer et de surpasser des garçons, bien plus forts qu’elle. C’est dans ce défi qu’elle puisait sa motivation, cherchant à «avoir mal» et à prouver qu’une fille peut être aussi, voire plus forte qu’un homme, affirmant sa volonté d’être différente… et surtout, de gagner. On peut dire qu’elle a réussi son pari haut la main !
Sa progression
Le palmarès de Kimberley Le Court-Pienaar est impressionnant. Licenciée en courses sur route et en VTT depuis ses 13 ans, elle a été particulièrement marquée par une expérience vécue alors qu’elle était en stage en Afrique du Sud. Elle avait remporté deux courses féminines sur un peloton de 200 participantes et décroché une troisième place en catégorie «toute fille» à Knysna, alors qu’elle n’était pas encore junior. Ces succès ont été le déclic l’ayant poussée à vouloir concourir aux Championnats d’Afrique.
Dès lors, la carrière de Kimberley n’a cessé de prendre de l’ampleur. Championne de Maurice à plusieurs reprises, elle a démontré sa domination sur sa terre natale. Et son talent a rapidement traversé les frontières, la menant à des victoires retentissantes sur la scène internationale. Sa carrière a pris une nouvelle dimension depuis qu’elle a rejoint l’équipe belge AG Insurance–Soudal Team en 2024. Ce nouveau chapitre lui a offert des opportunités uniques de développement et de compétition au plus haut niveau, lui permettant de continuer à repousser ses limites et à atteindre de nouveaux sommets. On a eu l’occasion de voir de quoi elle est capable quand elle a pris la dixième place dans le mythique Paris-Roubaix Femmes et remporté une victoire d’étape dans le Tour d’Italie 2024.
Elle s’est également illustrée dans des classiques prestigieux comme Liège-Bastogne-Liège Femmes (2025), démontrant sa polyvalence et sa capacité à briller sur des parcours exigeants. Une étape du Tour de Grande-Bretagne est également tombée dans son escarcelle, confirmant sa place parmi les meilleures. Et bien sûr, l’apogée de sa jeune carrière est ce Tour de France Femmes 2025 avec des exploits qui l’ont propulsée au rang de star auprès des Mauriciens… mais pas seulement.
La championne : «Merci Maurice !»
Kimberley Le Court-Pienaar, la cycliste mauricienne, est consciente de la vague de soutien populaire qui l'accompagne depuis sa participation au Tour de France Femmes. Elle a d'ailleurs remarqué les drapeaux mauriciens sur le parcours et a pu saluer ses compatriotes présents sur place. À ce propos, elle a déclaré : «On est peut-être un petit pays, mais aujourd’hui le monde entier connaît l'île Maurice. Petit pays, mais avec un gros cœur. Le soutien que j’ai reçu a été tellement incroyable. Ça m'a touchée et je dis merci aux Mauriciens.» Avant la compétition, elle avait déjà exprimé sa gratitude pour le soutien de la nation, qu'elle constatait sur les réseaux sociaux. Elle a précisé que ce support est «extrêmement important» et la «motive».
Son frère Olivier : «Rien n’a été facile, mais elle n’a jamais lâché»
Il vit des moments d’intenses émotions aux côtés de sa sœur Kimberley Le Court-Pienaar, qui fait un malheur sur le parcours du Tour de France Femmes 2025. Présent sur place pour la soutenir, Olivier Le Court de Billot confie avec une grande fierté : «Ça m’a fait énormément plaisir de voir ma sœur reprendre le maillot jaune, parce que c’est là où est sa place.»
Les émotions ont été fortes tout au long de la compétition. Entre l’adrénaline de la course, les larmes aux yeux et l’excitation de la victoire, Olivier a vibré à chaque coup de pédale de Kimberley. Il partage ce moment avec d’autant plus d’intensité qu’il est lui-même cycliste. C’est d’ailleurs lui qui a introduit sa sœur dans cet univers exigeant : «Son premier entraînement est venu de moi. J’essayais de lui donner le plus d’infos possible pour qu’elle ne galère pas comme j’ai galéré.»
Au-delà de cette complicité fraternelle et sportive, Olivier sait à quel point le parcours de Kim a été semé d’embûches et de sacrifices. «Elle a dû s’éloigner de la famille, faire face à la solitude et supporter la souffrance des entraînements. Rien n’a été facile, mais elle n’a jamais lâché.»
Un mariage, un nouveau départ
Kimberley Le Court de Billot est mariée depuis 2023 à Ian Pienaar, un coureur cycliste sud-africain de VTT. L’influence de son époux a été déterminante pour son retour et son intégration dans le cyclisme professionnel sur route. La Mauricienne avait eu une expérience difficile en début de carrière sur route, ce qui l’avait découragée. Cependant, Ian Pienaar a joué un rôle crucial en contactant personnellement de nombreuses équipes, y compris des équipes World Tour continentales et professionnelles en leur envoyant un courriel détaillé. Il était convaincu qu’elle méritait une chance et s’est investi pleinement pour lui ouvrir des portes. C’est grâce à cette démarche active de son mari que Kimberley a pu intégrer l'AG Insurance–Soudal Team en 2024. Elle a d’ailleurs affirmé : «C’est grâce à lui si je suis là aujourd’hui.» Ajoutant qu’il a «tout fait» pour qu’elle puisse obtenir cette opportunité.
Au-delà du vélo
En dehors des sentiers, Kimberley est, selon ses proches, une personne joyeuse, dotée d’un grand sens de l’humour. Elle adore rire, s’amuser et passer du temps à la plage. La famille est au cœur de sa vie, une source inépuisable de joie et de soutien. Particulièrement proche de ses parents et de son frère, elle vit sa vie avec une positivité contagieuse, profitant pleinement de chaque instant. Elle raffole des plats typiquement mauriciens, comme le fameux mine bouilli poulet œuf ou le dholl puri. À quand le retour au pays ?
Difficile de le savoir car Kimberley Le Court-Pienaar participera aux Championnats du monde de cyclisme sur route 2025 du 21 au 28 septembre 2025, à Kigali, au Rwanda. Il se peut aussi qu’elle participe à quelques courses après le Tour de France pour rester dans la même dynamique qui lui a permis d’écrire l’histoire ces derniers mois.
Faits marquants de son palmarès
• Championne de Maurice sur route à plusieurs reprises (2016, 2019, 2024, 2025) et championne de Maurice du contre-la-montre (2024, 2025).
• Médaillée d’or de la course en ligne aux Jeux africains en 2015.
• Championne d’Afrique à plusieurs reprises, notamment en contre-la-montre par équipes et par équipes mixtes (2022, 2023).
• Vainqueure d’étapes sur de grandes courses internationales, comme le Tour d’Italie en 2024, et, plus récemment, la 1ère étape du Tour de Grande Bretagne, avant de faire trembler la France.
• Vainqueure de courses prestigieuses comme Liège-Bastogne-Liège Femmes en 2025, une victoire historique pour une Mauricienne.
La FMC réclame vainement un vélodrome
Kimberley Le Court-Pienaar va-t-elle tracer la voie à d’autres championnes de cyclisme mauriciennes ? «On espère que oui», répond Michel Mayer, président de la Fédération mauricienne de cyclisme (FMC). «Mais sous certaines conditions», ajoute-t-il. En effet, cela fait des années que l’aménagement d’un vélodrome est demandé par les hautes instances du cyclisme mauricien et à ce jour, rien n’a été fait malgré des annonces dans ce sens.
«Depuis l’arrivée du nouveau gouvernement, c’est la troisième fois que je lance un appel pour la mise en place d’une telle facilité, qui permettra aux coureurs de s’entraîner. Les gens et les jeunes font du vélo mais, malheureusement, nos routes ne sont pas sécurisantes. C’est difficile d’encourager un parent à laisser son enfant sur un vélo sur nos routes. Notre rôle, c’est de former des cyclistes, faire sortir d’autres Kimberley. Le talent et le potentiel ne manquent pas. J’espère que ce succès va faire bouger les choses», fait ressortir Michel Mayer, dont la fédération est extrêmement fière du parcours que réalise Kimberley Le Court-Pienaar.
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