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23 juin 2025 19:02
Non. Le Directeur des poursuites publiques (DPP) ne va pas interjeter appel de la décision de la Criminal Court of Appeal de la Cour suprême qui a annulé la condamnation de Bernard Maigrot à 15 ans de servitude pénale pour le meurtre de Vanessa Lagesse. Il invite toutefois le commissaire de police à rouvrir l’enquête policière avec la possibilité de recourir à une expertise étrangère si nécessaire. Voici pourquoi.
C’est un retour à la case départ. Un communiqué officiel émanant du bureau du DPP a eu l’effet d’une bombe durant la semaine écoulée. Il fait état de la décision du DPP de ne pas interjeter appel devant le Judicial Committee du Privy Council à Londres après la décision de la Criminal Court of Appeal de la Cour suprême, en mai dernier, d’annuler la condamnation de Bernard Maigrot à 15 ans de servitude pénale pour le meurtre de Vanessa Lagesse, prononcée en août 2024. Plusieurs raisons sont avancées dans ce communiqué officiel qui étonne et choque plus d’un. L’une d’elles est que le seuil légal requis n’est pas atteint. Le bureau de Me Rashid Ahmine souligne, par ailleurs, que le full bench de la Cour suprême a aussi annulé ce verdict pour des vices de procédure.
Le bureau du DPP revient d’emblée sur des faits marquants et troublants de cette affaire non résolue depuis 24 ans. Parmi, il y a la présence de l’ADN de Bernard Maigrot – le principal suspect dans cette affaire – sur deux pièces à conviction retrouvées sur les lieux du crime. La Criminal Court of Appeal reconnaît la solidité de certains éléments mais le full bench a conclu que des erreurs dans les directives du juge à l’attention du jury ont entaché la régularité du procès de Maigrot aux Assises en mai 2024. Ces «insuffisances» – qualifiées de graves par la cheffe juge Rehana Mungly-Gulbul et les juges David Chan et Sarita Bissoonauth – ont, selon leur jugement en appel, créé un risque réel de «grave erreur judiciaire» contre le suspect.
Le DPP estime que leur verdict ne pouvait donc être maintenu. Rashid Ahmine souligne que tout recours au Privy Council ne peut être motivé par la seule insatisfaction vis-à-vis du jugement. Cette démarche doit, dit-il, reposer sur des questions juridiques d’intérêt général. Après analyse complète du dossier, y compris un avis juridique indépendant obtenu auprès d’un cabinet britannique, le DPP conclut qu’un tel appel aurait très peu de chances d’aboutir.
Et bien qu’il avance être conscient des appels de la population à contester la décision du full bench, son bureau, poursuit-il, est tenu par les exigences du droit et non par l’émotion publique. Rashid Ahmine précise qu’il a eu une rencontre personnelle avec la famille de Vanessa Lagesse pour lui expliquer cette décision.
Fait marquant : le DPP annonce qu’il a officiellement recommandé au commissaire de police de rouvrir l’enquête sur le meurtre de Vanessa Lagesse, avec la possibilité de recourir à une expertise étrangère si nécessaire. Il affirme que «malgré le temps écoulé, la vérité peut encore émerger». Son bureau s’engage à apporter son soutien total à toute nouvelle initiative d’enquête. Dans son communiqué, Rashid Ahmine explique qu’il tire également des leçons du procès de Bernard Maigrot. Il en profite pour suggérer deux réformes majeures. La première concerne les juges ; le DPP est d’avis qu’ils doivent communiquer par écrit leurs directives juridiques aux avocats avant de les adresser au jury aux Assises, comme cela se fait déjà au Royaume-Uni. Rashid Ahmine propose également que son bureau soit dorénavant impliqué dès le début des enquêtes criminelles complexes afin de renforcer la qualité des preuves et d’assurer le respect strict de la procédure pénale lors des gros procès aux Assises.
Le communiqué émanant du bureau du DPP ne laisse pas insensibles les proches de Bernard Maigrot. L’homme d’affaires, qui doit s’envoler prochainement pour le Bangladesh pour des raisons professionnelles, n’a pas souhaité faire de commentaire. Son entourage exprime cependant un profond agacement : «Le communiqué du DPP est regrettable. Ils auraient pu cesser de vouloir sauver la face et dire les choses franchement.»
Le camp Maigrot semble plus que jamais remonté. «La police est en possession d’une preuve ADN depuis 2011, et il a fallu un procès d’Assises annulé pour qu’ils pensent à rouvrir une enquête ? C’est hallucinant. Bernard Maigrot envisage de faire valoir ses droits devant une cour de justice pour dénoncer ce qu’il qualifie de persécution ciblée et obsessionnelle. Ce ne sont ni les médias ni l’opinion publique qui le réhabilitent désormais. La justice seule le peut. Quant à la police, ils n’ont jamais vraiment enquêté. Pourquoi n’a-t-on jamais cherché à identifier les autres ADN retrouvés dans la chambre où Vanessa a été tuée ?» se demande son entourage qui évoque une hypothèse alternative, soit que le mobile du crime serait un règlement de compte et non un drame passionnel.
Vanessa Lagesse avait été découverte morte, à moitié nue, dans la baignoire de son bungalow, à Grand-Baie, le 10 mars 2001. 23 ans plus tard, en août 2024, Bernard Maigrot, son amant de l’époque, avait été condamné à 15 ans de prison pour ce meurtre alors qu’il nie les faits depuis sa première arrestation en avril 2001. Et le 27 mai dernier, énième rebondissement dans l’affaire : la cheffe juge Rehana Gulbul Mungly a cassé cette condamnation. Qui a donc tué la belle héritière ? La question demeure entière. La balle est une fois de plus dans le camp de la police qui a déjà signifié son intention d’avoir recours aux enquêteurs de Scotland Yard pour résoudre plusieurs cold cases, dont le meurtre de Vanessa Lagesse.
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