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26 juillet 2025 20:35
En s’échouant sur le récif corallien au sud-est de notre île il y a cinq ans, un vraquier japonais a provoqué l'une des pires catastrophes environnementales de l'histoire du pays. Cette semaine, les Mauriciens ont commémoré ce triste anniversaire avec une grande émotion, alors que la publication du rapport de la Cour d'enquête pour faire la lumière sur le tragique naufrage se fait toujours attendre...
Sur les plages qui avaient été lourdement polluées par le fioul, les vagues se brisent doucement sur le sable. La marée noire, fort heureusement, n’est plus là, mais les souvenirs de la terrible catastrophe qui avait ébranlé plus d’un sont encore vivaces. Les pêcheurs se souviennent, avec émotion, de la perte de leurs moyens de subsistance, tandis que les habitants des villages côtiers affectés se rappellent encore de la peur et de l’incertitude qui ont régné pendant des semaines.
Il y a cinq ans, le 25 juillet 2020, le vraquier japonais Wakashio s’échouait sur les récifs coralliens de Pointe-d’Esny, au large des côtes sud-est de Maurice, provoquant l’une des pires catastrophes environnementales de l’histoire du pays. Les dégâts ont été considérables, notamment avec la pollution des eaux et des plages environnantes, mettant en danger la biodiversité marine. Les opérations de nettoyage ont été longues et difficiles, et malgré le temps qui s’est écoulé, les effets de cette pollution se font toujours sentir, selon des experts. Ce drame écologique, qui avait provoqué un élan de solidarité patriotique sans précédent et une forte mobilisation de la part des citoyens de l’île, a laissé des cicatrices profondes dans l’environnement, l’économie et la société.
Ce n’est pas Alain Malherbe, professionnel dans le milieu maritime – qui n’a cessé de faire entendre sa voix sur le drame, surtout concernant l’enquête pour faire la lumière sur la tragédie –, qui dira le contraire. Comme lui, ils ont été plusieurs, en cette triste semaine d’anniversaire, comme l’activiste Bruneau Laurette – qui dit avoir des documents exclusifs en lien avec l’enquête –, le militant Soobash Hurree, les membres de Rezistans ek Alternativ ou encore les défenseurs de la cause environnementale, à faire devoir de mémoire, pour attirer l’attention sur les leçons tirées de la catastrophe. Car le naufrage du Wakashio a soulevé de nombreuses questions sur la sécurité maritime, la gestion de ce genre d’accident par les autorités et la protection de l’environnement.
Cinq ans après, les écosystèmes marins sont toujours en train de se rétablir, et les villageois qui avaient été affectés par le drame, tout comme les ONG, s’interrogent toujours sur l’absence de réparation et de réponses suite aux nombreuses questions sur les circonstances du naufrage et pour situer les responsabilités par rapport à ce qui est arrivé. Ainsi, Alain Malherbe et beaucoup d’autres, marqués par les cicatrices qui ont découlé du drame écologique, réclament plus que jamais la publication du rapport de la Cour d’enquête pour faire la lumière sur cette affaire.
Les autorités, de leur côté, disent suivre de près l’évolution de ce dossier. «Il y a une chose qu’on doit comprendre : s’il y a des cas qui ont été logés et s’il y a des investigations qui se font, on n’a pas le droit de rendre public un document qui peut être sujet comme référence d’une enquête. Il y aura bientôt une réunion comprenant l’Attorney General, le ministre des Affaires étrangères et moi-même. Au-delà du fait qu’il y a eu une question au Parlement par le député Tony Apollon, le gouvernement a dit qu’il n’y a aucun problème à ce que le rapport soit rendu public. On est tous pour ! Toutefois, il faut être respectueux des institutions. On ne va pas aller à l’encontre de la loi. Une fois que les procédures seront terminées, il n’y aura aucun problème pour rendre public le rapport», nous confie Arvin Boolell, le ministre de l’Agro-industrie, de l’Économie bleue et de la Pêche, qui souligne aussi que des dispositions ont été prises par les instances concernées pour parer à toute éventualité.
«Dans le Finance Bill, il y a des amendements. Je vais en parler bientôt. La National Coast Guard a des leçons à tirer par rapport à ce qui est arrivé. Il y a eu une faille. Il y a eu un manque. Le National Oil Spill Contingency Plan doit aussi être de rigueur et le National Disaster Risk Reduction and Management Centre doit faire son travail pour parer à toutes éventualités s’il y a un naufrage. Par exemple, vous allez voir, dans les amendements qu’on apporte, que l’Albion Fisheries Research Centre, bien que ce ne soit pas sa vocation principale, va faire un monitoring et une surveillance de tous les bateaux qui ont des transpondeurs, toutes les deux heures au lieu de toutes les quatre heures, entre autres mesures», nous précise Arvin Boolell.
Le citoyen engagé Alain Malherbe a protesté ce samedi 26 juillet, à 19h30, devant le Parlement pour demander l’accélération des choses autour de la publication du rapport de la Cour d’enquête. «Cinq ans se sont écoulés, cinq ans à attendre le rapport pour faire la lumière sur une catastrophe humaine et écologique, c’est quand même énorme ! Le gouvernement précédent nous a menés en bateau avec ce fameux rapport et j’ai comme l’impression que si le peuple ne réagit pas, le gouvernement actuel fera exactement la même chose. Nous ne pouvons pas nous permettre de revivre un tel drame environnemental pour la bonne et simple raison qu’aucune leçon n’a été tirée du naufrage du Wakashio. La surveillance de notre zone économique, tout comme celle de nos eaux territoriales, laisse énormément à désirer. Les moyens dont dispose la National Coast Guard sont suffisamment archaïques pour ne pas répondre aux besoins de notre pays. Et en plus, j’ai noté aussi un fort taux de manque de formation au niveau de cette instance, et ça relève de l’amateurisme», nous confie Alain Malherbe, qui ne cesse de demander depuis cinq ans «qui sont les responsables du naufrage et du oil spillage du Wakashio».
L’auteur du rapport Waves of negligence, dans lequel il parle de zones d’ombres entourant l’échouage du vraquier japonais sur les récifs de Pointe d’Esny, est déterminé. «Il y a des zones d’ombres intrigantes autour du naufrage du Wakashio et c’est inquiétant. J’ai fait un rapport sur ce qui s’est passé et pour moi, il y a suffisamment d’éléments pour pointer du doigt les autorités. Quand elles ont vu le Wakashio, il était déjà à l’intérieur de nos eaux territoriales. L’ancien Premier ministre lui-même est venu accuser la National Coast Guard», nous précise Alain Malherbe en présentant son rapport. «Je n’ai pas la prétention de remplacer une cour de justice. Mais j’ai l’obligation morale de dévoiler la vérité, la vérité que cette nation mérite. Car lorsque les institutions vacillent, que l’injustice prend racine et que l’impunité prospère, il devient du devoir de chaque citoyen, témoin et voix de la raison, de s’exprimer. Non pas pour condamner, mais pour éclairer. Non pas pour juger, mais pour faire en sorte que ce qui a été caché ne reste plus enfoui. Que ceci soit ma modeste contribution. Que ce soit un pas vers la clarté, la responsabilité et la justice que notre peuple et nos eaux méritent», écrit-il dans le document qu’il a élaboré.
Pour lui, donc, la publication du document doit être faite au plus vite. «Ce que je demande maintenant aux autorités, c’est d’instituer une enquête judiciaire en se basant sur les points qui sont remontés dans mon rapport, parce qu’il est temps de faire la lumière sur tout cela. Il faut arrêter de berner le peuple et de parler de clauses confidentielles pour essayer de retarder la publication du rapport», conclut le citoyen engagé, alors que les cicatrices du tragique naufrage sont, cinq ans plus tard, toujours visibles.
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