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Les émouvants adieux à François, le pape des opprimés

26 avril 2025

Il avait à cœur les laissés-pour-compte, ceux qui souffraient et faisaient face à des injustices. C’est par ses prises de position sur des sujets touchant les opprimés de la société que le pape François, fragilisé ces derniers temps par des soucis de santé, est devenu, au fil des années, le pape des démunis, qui l’appelaient affectueusement «papa François». Depuis l’annonce de sa mort ce 21 avril, lundi de Pâques, un jour après s’être adressé pour la dernière fois aux fidèles, lors de la messe de Pâques, les hommages affluent dans le monde entier. Même s’il ne faisait pas l’unanimité, beaucoup saluent la mémoire d’un grand homme, profondément préoccupé par le sort des plus pauvres…

Le jour où j’ai rencontré le saint-père

Ceux et celles qui ont eu l’occasion de rencontrer le pape François et de le côtoyer se souviennent tous d’une personne douce qui savait être à l’écoute. Ils nous racontent leur joli moment qui est à jamais ancré dans leur mémoire et dans leur cœur...

Sheila Brelu-Brelu : «C’est l’un des moments les plus merveilleux et bénis de ma vie…»

«Aujourd’hui encore, mon cœur se serre d’émotion lorsque je regarde cette photo, illuminée par le sourire du saint-père. Le pape François a marqué ma vie de manière unique. J’ai eu la grâce de le voir à trois reprises : deux fois à Rome, dans le cadre du cardinalat de Son Éminence le cardinal Maurice E. Piat, et une fois lors de sa visite à Maurice. Ce furent des instants empreints de foi et de bénédictions. À l’époque, je travaillais à l’évêché et j’ai eu l’immense privilège de contribuer à sa venue, faisant partie du comité d’accueil à Marie-Reine-de-la-Paix. J’ai également eu l’honneur de lui serrer la main lors de son passage à l’évêché, où il m’a offert un chapelet qui m’accompagne encore aujourd’hui dans mes prières quotidiennes. Cette brève rencontre restera l’un des moments les plus merveilleux et bénis de ma vie. Le saint-père incarnait une compassion sans limites. Il portait dans son cœur les pauvres, les malades, les oubliés, les personnes âgées… Son amour pour la création divine transparaissait dans son combat acharné pour l’écologie. Toute sa vie, il a œuvré pour un monde plus juste. Aujourd’hui, je suis grand-mère d’un petit-fils qui fêtera bientôt son premier anniversaire. J’attends avec impatience le jour où il sera en âge de comprendre. J’ai hâte de lui raconter cette merveilleuse rencontre, de partager avec lui cette expérience empreinte de grâce que Dieu m’a accordée. Le départ du pape François m’attriste profondément. Mais une douce consolation m’habite : il est désormais auprès de notre Seigneur, qu’il a servi avec tant de dévouement et d’amour.»

Johanne Quevauvilliers : « Il me tenait la main, me regardait, me souriait, me parlait… »

«Le pape François occupe une place particulière dans mon cœur. D’abord, parce que c’est un jésuite. J'ai grandi dans le Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ), un mouvement ignatien. Petite parenthèse : en 2018, le pape a fait du Réseau mondial de prière du pape, dont le MEJ est la branche juvénile, une œuvre pontificale. Je me souviens avoir dit lors de son élection : "Ça, c’est mon pape", sans imaginer qu’un jour, j’aurais la chance de le voir et de le rencontrer à plusieurs reprises. J’ai assisté à des messes, à l’Angélus, à des audiences… Mais surtout, j’ai eu la chance de le rencontrer deux fois en 2019 : lors de la rencontre post-synodale des jeunes à Rome et lors de sa visite à Maurice, où il a rencontré les employés de l’évêché. C’est la rencontre post-synodale qui m’a le plus marquée. Je garde l’image d’un grand-père, doux et aimant. Il était là, dans l’instant. J’essayais de lui parler en italien et lui m’aidait à finir mes phrases. Moi, j’étais dans "le faire" – le pape est devant moi, je vais lui parler, lui dire qu’on l’attend à Maurice – et lui, était dans "l’être". Il me tenait la main, me regardait, me souriait, me parlait… Ce moment si spécial, je le raconterai à mon fils quand il sera plus grand. Je lui parlerai d’un homme qui aimait Jésus, qui était doux, qui demandait sans cesse qu’on prie pour lui… et qui, avant de dire au revoir à sa maman, a pris le temps de prier avec elle. »

Jonathan Malot : «Ses paroles emplies d’encouragement et de bienveillance restent gravées dans ma mémoire»

«Je garde de ma rencontre avec le pape François en 2018 un souvenir profondément marqué par sa simplicité et son humilité remarquables. Ce qui m’a particulièrement touché, c’est sa capacité à être pleinement présent et attentif à chaque personne qu’il rencontrait, même dans un contexte où tant d'autres attendaient un moment d’attention. Son regard chaleureux, son écoute sincère et ses paroles emplies d’encouragement et de bienveillance restent gravés dans ma mémoire. Il m’a également offert un chapelet auquel je tiens énormément et que je garde précieusement depuis cette rencontre. Le pape François est un homme qui marquera notre Histoire, notamment par son approche profondément humaine et sa démarche courageuse envers les exilés et les plus vulnérables. Je me souviens que, juste avant notre rencontre, il devait recevoir la famille d’Asia Bibi, cette chrétienne condamnée à mort au Pakistan pour blasphème. Sa prise de position claire et son engagement en faveur de sa libération m’ont profondément ému. Sa manière de prendre parti avec courage et compassion témoigne de la force de ses convictions et de son cœur tourné vers les opprimés. Cette rencontre a été pour moi moi une véritable leçon de vie sur la compassion et l’ouverture aux autres.»

Virginie Julien : «Il a pris avec beaucoup de tendresse le visage de mon fils…»

«Nous avons eu six mois pour préparer la visite du pape à Maurice. Six mois d’effervescence, rythmés par une visite éclair au Vatican, des réunions au Prime Minister’s Office, une série de conférences de presse et de nombreuses heures, souvent tard dans la nuit, à arpenter Marie-Reine-de-la-Paix. Avant même son arrivée, le pape François nous faisait déjà vivre un moment unique ! La première vague d’émotion est survenue lorsqu’il est apparu à Marie-Reine-de-la-Paix le 9 septembre. Comme beaucoup d’autres Mauriciens, j’étais submergée par l’émotion. Les larmes ont coulé, difficiles à contenir. Le deuxième moment fort s’est déroulé à l’évêché. Après le déjeuner, le saint-père, tout sourire, saluait chacun avec bienveillance : il complimentait la cuisinière, plaisantait avec la secrétaire de l’évêque… Puis, arrivé à ma hauteur, il me serre la main et se dirige vers la sortie… avant de faire demi-tour. Il revient vers nous, ma collègue et moi, et nous dit : "Priez pour moi".  Ce fut un moment profondément émouvant. Un pape nous demandait de prier pour lui ! C’était presque irréel, mais en même temps, cela illustrait son incroyable simplicité et humilité. Enfin, à Sainte-Croix, au caveau du père Laval, un dernier moment d’intense émotion. Le pape François y rencontre des personnes en situation de handicap. Parmi elles, mon fils, âgé d’un an. Il a pris tendrement son visage entre ses mains et a tracé le signe de croix sur son front. Ce geste, signe de sa tendresse pour les plus vulnérables, fut bouleversant. »

Réactions...

C’est une triste nouvelle qui interpelle le monde... Depuis l’annonce du décès du pape François ce 21 avril, les hommages d’anonymes, de personnalités politiques internationales, de membres de la famille royale et des vedettes de la musique et du cinéma, entre autres, ont tenu à avoir une pensée pour le défunt saint-père. À Maurice également, des témoignages de sympathie saluent la mémoire d’un pape près du peuple.

Le cardinal Maurice Piat : «Nous avons perdu un grand pape, un pape grand par son humilité – fraîchement élu, du balcon de Saint-Pierre, il demandait la bénédiction du peuplé –, un pape grand par sa proximité avec les pauvres, les exclus, les malades, les migrants victimes de la guerre, de la faim ou du trafic humain...»

Mgr Jean Michaël Durhône, évêque de Port-Louis : «Le pape François a marqué l’histoire par son humilité, sa proximité avec les plus fragiles et son choix d’une vie simple, fidèle à l’Évangile. Il a entrepris des réformes majeures pour renouveler l’Église et la rendre plus juste et inclusive. Lors de sa visite, il nous avait interpellés sur les jeunes qui sont notre première mission. Nommé et devenu évêque sous son pontificat, j’ai été marqué par sa vision de l’église.»

Dharam Gokhool, président de la République : «ll faut s’inspirer de tout ce qu’il a fait pour l’humanité. Une étoile brillante s’est éteinte.»

Le premier ministre, Navin Ramgoolam : «Les Mauriciens se souviendront toujours avec gratitude de la visite du souverain pontife, une visite gravée dans la mémoire collective. C’est un pape qui a fait preuve d’une grande humilité.»

Shirin Aumeeruddy-Cziffra, Speaker de l’Assemblée nationale : «C’était quelqu’un qui s’est battu pour les démunis.»

Joe Lesjongard, leader de l’opposition : «C’est un pape qui a consacré son existence aux pauvres.»

Pravind Jugnauth, leader du MSM : «L’île Maurice a eu le grand bonheur de l’accueillir en 2019 et en tant que Premier ministre, j’avais eu le privilège d’échanger avec Sa Sainteté. L’humilité et la simplicité du pape François me marqueront à jamais.»

Nissar Ramtoola, le vice-président de la Jummah Masjid de Port-Louis : «ll a conquis le monde en œuvrant pour la paix et la fraternité humaine.»

Une semaine intense

Tout est réglé comme du papier à musique. Depuis l’annonce du décès du pape François ce lundi 21 avril, toute une procédure a été enclenchée. Suivant la nouvelle, plusieurs pays ont décrété un deuil national et dans plusieurs destinations, y compris Maurice, les drapeaux ont été placés en berne. Le rite de la «constatation de la mort» du pape a eu lieu ce lundi 21 avril à 20 heures dans la chapelle de sa résidence Sainte Marthe au Vatican et plusieurs autres protocoles ont été observées. Le corps du pape François a été exposé à la basilique Saint-Pierre à partir de mercredi matin et de nombreux fidèles ont eu l’occasion de se recueillir devant sa dépouille. À Maurice également, hommage, prières, messes et signatures de livres de condoléances ont aussi rythmé la semaine écoulée. Ce jeudi 24 avril, Mgr Jean Michaël Durhône, entouré des prêtres du diocèse de Port-Louis, ont participé à une messe de requiem à la Cathédrale Saint-Louis.

«Le pape François a su renouveler la mission de l’espérance», a déclaré Mgr Jean Michaël Durhône lors de la cérémonie. Les autorités civiles et les plus hautes personnalités du pays ont aussi été invitées à cette célébration. Le Cardinal Maurice Piat, évêque émérite de Port-Louis, accompagné du père Georgy Kenny, vicaire général, s’est rendu à Rome pour assister aux funérailles du pape qui se sont déroulées ce samedi 26 avril. À savoir que le cardinal Piat ne pourra pas cependant prendre part à l’élection d’un pape car seuls les cardinaux de moins de 80 ans sont éligibles pour voter à un conclave. Cependant, il participera aux «congrégations», les discussions qui précèdent le conclave et auxquels sont admis tous les cardinaux du monde. Le cardinal Piat et le père Kenny seront de retour au pays une fois le conclave terminé. C’est l’Attorney General, Gavin Glover qui a représenté Maurice aux obsèques du pape François à Rome. Ces derniers jours, ils ont été nombreux, les Mauriciens, à participer à des cérémonies en hommage au pape François. Sébastien Diolle en fait partie. «Même à des milliers de kilomètres, sa perte nous touche profondément, car nous avons eu la chance de le rencontrer, d’entendre son message de paix et de vivre un moment inoubliable lors de sa visite à l’île Maurice.

Ce fut un événement marquant, un signe d’amour et d’humilité d’un homme proche du peuple, qui a su toucher nos cœurs par sa simplicité et sa bienveillance. Ce mercredi, j’ai eu l’opportunité d’assister à une messe dans ma cité à La Brasserie, et c’était un moment de recueillement et de prière pour lui. Nous étions unis, à travers la foi, pour rendre hommage à cet homme exceptionnel qui a guidé l’Église avec tant de courage et de douceur», nous confie-t-il en faisant écho à toutes ces démonstrations d’hommages de nombreux fidèles à travers le monde... Tous unis, dans la prière.

12 ans d’un pontificat marqué par de nouveaux dynamismes

Il a marqué les esprits et touché les cœurs. On parle de lui comme du pape traditionnel, du conservateur-révolutionnaire qui a changé l’Église catholique, mais aussi comme du pape du Nouveau Monde ou encore comme le pape des pauvres, des démunis et des opprimés. Connu pour son franc-parler, le pape François, décédé ce lundi 21 avril à l’âge de 88 ans des suites d’un AVC, a toujours tenté de placer la dignité humaine des exclus au cœur de ses messages, sans remettre en question la doctrine catholique traditionnelle.

Durant ses 12 années au Vatican, François, de son vrai nom Jorge Mario Bergoglio, grand fan de foot, s’est illustré dans la lutte contre les violences sexuelles et a posé des gestes d’ouverture envers les divorcés remariés et les fidèles LGBT+. Né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires, en Argentine, dans une famille d’immigrés italiens, il a suivi une formation de technicien en chimie avant d’entrer au séminaire de Villa Devoto, puis au noviciat de la Compagnie de Jésus le 11 mars 1958. Il a fait de la défense des migrants et des plus démunis son cheval de bataille, tout en attirant l’attention, chaque fois qu’il le pouvait, sur la crise climatique.

Il a aussi surpris par certaines de ses prises de position, même si on lui reproche de ne pas être allé jusqu’au bout de certains changements. Par exemple, on dit du pape défunt qu’il est resté fidèle à certaines positions conservatrices sur des sujets de société. S’il a provoqué de vives réactions par son ouverture relative sur l’homosexualité ou sur la place des femmes dans l’Église, on lui reproche de ne pas avoir concrétisé un véritable changement de dogme. Ainsi, concernant la place des femmes au sein de l’Église, le défunt saint-père, devenu pape le 13 mars 2013 à 76 ans, a, au fil des années, permis l’émergence d’un nouveau regard. Les femmes sont désormais beaucoup plus visibles au sein du Vatican. Selon Vatican News, média officiel du Saint-Siège, la proportion de femmes nommées à des fonctions au Vatican est passée de 19,2 % à 23,4 % sous son pontificat.

Sa position sur l’homosexualité a également fait couler beaucoup d’encre. Une phrase, prononcée en mars 2013 – «Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? » – avait à la fois suscité l’espoir de certains fidèles et provoqué l’ire des milieux conservateurs. Prenant aussi en considération le sort des personnes de la communauté LGBT, le Vatican a, en décembre 2023, autorisé la bénédiction des couples de même sexe et «en situation irrégulière» aux yeux de l’Église, à condition qu’elle soit effectuée en dehors des rituels liturgiques. Malgré cette évolution, le pape François est resté opposé au mariage homosexuel. En 2021, le Vatican a réaffirmé considérer l’homosexualité comme un «péché».

Un autre sujet majeur de son pontificat a été la situation des divorcés remariés au sein de l’Église. Dans son exhortation apostolique sur la famille, publiée le 8 avril 2016, le souverain pontife a appelé à une intégration des divorcés remariés dans l’Église, refusant toute condamnation définitive. Ce sont autant de sujets qui ont insufflé de nouveaux dynamismes au sein de l’Église catholique. Autant de prises de position qui ont fait que le pape François a été à la fois applaudi… et critiqué.

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