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Budget 2025-2026

Manisha Dookhony, économiste : «Trouver le juste équilibre entre rigueur budgétaire et soutien à l’économie»

21 avril 2025

Ces derniers mois, le gouvernement n’a eu de cesse de rappeler l’état catastrophique dans lequel se trouve notre économie et c’est dans ce contexte que le prochain Budget sera présenté. Quels sont les défis dans la réalisation de celui-ci ?

La préparation du Budget 2025 dans un contexte économique difficile soulève plusieurs défis majeurs pour Maurice. Le pays fait face à un double déficit – budgétaire et commercial – avec des indicateurs suggérant que le déficit budgétaire pourrait rester élevé cette année. La dette publique, qui avoisine les 80% du PIB, nécessite une gestion prudente pour éviter une dégradation des finances publiques, tout en maintenant la relance économique. Des solutions comme les partenariats public-privé (PPP) pourraient soulager les finances de l'État, mais leur mise en œuvre requiert un climat de confiance accru.

L'environnement économique reste tendu avec une inflation persistante autour de 5,5% en 2024, qui devrait se modérer légèrement en 2025 mais continue d'éroder le pouvoir d'achat. La crise des tarifs et la fluctuation des prix du pétrole ajoutent à cette pression, même si une baisse de la demande pourrait alléger certains coûts. Les taux d'intérêt élevés, combinés à l'échéance de titres de dette cette année, alourdissent le service de la dette et limitent la marge de manœuvre budgétaire. La croissance atone, estimée à 3-3,5% par le FMI et Statistics Mauritius, et la baisse des arrivées touristiques (en nombre et en durée de séjour) réduisent les recettes fiscales, compliquant l'équilibre budgétaire.

À votre avis, quels sont les véritables enjeux de ce Budget à venir ?

Les principaux enjeux de ce Budget consistent à trouver le juste équilibre entre rigueur budgétaire et soutien à l'économie. Le gouvernement devra concilier maîtrise des déficits et investissements dans des secteurs clés comme l'énergie, l'industrie et le numérique. La politique monétaire restrictive, avec des taux directeurs maintenus à 4,5%, limite l'accès au crédit pour les ménages et les entreprises. Les attentes sociales sont fortes (revalorisation des minima sociaux, aides au logement), mais les marges budgétaires restreintes pourraient conduire à des mesures ciblées plutôt qu'universelles. La question des Chagos introduit une incertitude supplémentaire quant à d'éventuels flux financiers qui pourraient soutenir l'économie.

Pour 2025, les risques principaux incluent une possible récession mondiale affectant le tourisme et les investissements directs étrangers, une dépréciation continue de la roupie alimentant l'inflation importée, et des pressions politiques pour des dépenses populistes menaçant l'équilibre budgétaire. Le budget devra impérativement stabiliser la dette pour éviter une dégradation par les agences de notation, tout en apaisant les tensions sociales et en stimulant les secteurs porteurs comme le tourisme haut de gamme, la fintech et les énergies renouvelables.

Néanmoins, l’attente de la population est grande. Elle attend un vrai soulagement et un retour de son pouvoir d’achat. Quelles devraient, selon vous, être les priorités du grand argentier ?

Les priorités du gouvernement devraient inclure un soulagement ciblé du pouvoir d'achat à travers une modération des allocations sociales et une réforme de la fiscalité indirecte, tout en stimulant l'investissement productif via des crédits d'impôt pour les entreprises engagées dans la transition écologique et l'innovation. Une révision des abattements fiscaux, actuellement concentrés sur l'immobilier, pourrait rééquilibrer le soutien aux différents secteurs économiques. J’ajouterais qu’il y a aussi une attention particulière à accorder à la lutte contre la drogue comme enjeu social prioritaire. La crise des tarifs et la fluctuation des prix du pétrole ajoutent à cette pression, particulièrement dans les communautés à risque où le trafic de drogue prospère souvent sur le terreau de la précarité économique.

En conclusion, ce Budget décisif devra concilier urgence sociale et réalisme économique, évitant à la fois un durcissement fiscal contre-productif et des dépenses excessives. La crédibilité du gouvernement reposera sur sa capacité à mettre en œuvre des réformes structurelles (retraites, entreprises publiques) tout en maintenant des mesures symboliques pour le pouvoir d'achat, et à faire de la lutte contre la drogue une priorité sociale au même titre que les questions de pouvoir d'achat, le tout dans un contexte international incertain.

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