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Verdict renversé dans l’affaire Vanessa Lagesse

Martine Desmarais : «Ce jugement historique met fin à 24 ans d’injustice pour Bernard Maigrot»

31 mai 2025

Bernard Maigrot ne compte plus les séjours en prison depuis sa première arrestation dans cette affaire.

Ce mardi 27 mai 2025, la cheffe juge Rehana Mungly-Gulbul a cassé la condamnation de Bernard Maigrot. L'homme d’affaires avait été condamné à 15 ans de prison pour le meurtre de Vanessa Lagesse en août 2024, 23 ans après les faits. Il avait ensuite fait appel devant la Criminal Court of Appeal où il a finalement eu gain de cause. Le principal concerné n’a pas souhaité faire de commentaire. Il a un devoir de réserve pendant 21 jours. Son entourage avance qu’il a aussi besoin de laisser retomber la pression. En revanche, Martine Desmarais, celle qui a toujours cru en son innocence, revient sur toute cette affaire, un dénouement heureux tant attendu depuis 24 ans, dit-elle. Alors que l'opinion publique décrie fortement ce revirement de situation.

Qui a tué la belle héritière ? La question demeure entière. L’affaire Vanessa Lagesse reste «a special case» comme l’avait si bien dit le Directeur des poursuites publiques lors de son réquisitoire pour le procès en appel de Bernard Maigrot devant la Criminal Court of Appeal en mars dernier. Le full bench de la Cour suprême, composé de la cheffe juge Rehana Mungly-Gulbul et des juges David Chan et Sarita Bissoonauth, a donné gain de cause au principal concerné. Ce dernier avait été condamné à 15 ans de prison en août 2024 pour le meurtre de Vanessa Lagesse, 23 ans après les faits. Lors de son procès aux Assises, les membres du jury l’avaient trouvé coupable à une majorité de sept contre deux alors qu’il avait plaidé non coupable.

Sa legal team avait donné avis d’appel peu après. Son procès en appel a été entendu du 25 au 27 mars derniers. Ses avocats avaient déjà avancé 33 points pour contester sa sentence. Et le couperet, en sa faveur, est tombé le 27 mai. «C’était très dur pour lui. Cette affaire connaît enfin un dénouement heureux. Ce verdict historique met fin à 24 ans d’injustice pour Bernard Maigrot», nous confie Martine Desmarais, celle qui a toujours cru en l’innocence de l'homme d’affaires.

Dans un jugement bien détaillé et argumenté, la cheffe juge relève des manquements graves dans les instructions données au jury par le juge Luchmyparsad  Aujayeb lors du procès aux Assises. Rehana Mungly-Gulbul estime, notamment, que l’absence d’un fil conducteur dans les preuves, un déséquilibre manifeste dans les arguments présentés, le traitement silencieux de l’alibi et la fragilité des éléments à charge ont conduit à une condamnation erronée. En conséquence, celle-ci a été annulée et l’acquittement ordonné pour le plus grand plaisir de l’entourage de Maigrot. «Ce jugement est un séisme dans le paysage judiciaire mauricien. Il fera jurisprudence pour plusieurs raisons. D’abord, il remet en cause la gestion d’une affaire emblématique qui reste non élucidée. Mais surtout, il pose les limites de l’utilisation de preuves ADN lorsque celles-ci ne sont ni contextualisées ni encadrées. L’avocat Gavin Glover avait tenté, avant l’ouverture du procès, de faire débattre la fiabilité des analyses ADN dans une enquête préliminaire», souligne Martine Desmarais.

Le corps de Vanessa Lagesse avait été découvert à moitié nu dans la baignoire de son bungalow à Grand-Baie, le 10 mars 2001.

Elle ajoute : «Cinq motions ont été déposées, toutes rejetées. Or, il a été clairement démontré que la technicité de ces preuves a été mal interprétée par les jurés, menant à une conclusion dramatique.» La legal team de Maigrot avait, elle aussi, déjà dénoncé la façon de faire du juge Aujayeb lors du procès aux Assises. Les avocats de l’homme d’affaires sont d’avis que le juge n’aurait pas dû laisser la poursuite qualifier Martine Desmarais de «témoin de complaisance». Cette dernière avait fourni un alibi à Bernard Maigrot. Un alibi soutenu, notamment, par Isabelle, l'époux du prévenu, mais qui avait été ignoré durant le procès. «Nous avions fourni un alibi à Bernard dès les premières heures de l’enquête, mais la police n’a rien voulu entendre et a balayé notre version», s’indigne Martine Desmarais.

À l’époque, soit en juin 2001, Isabelle Maigrot avait été emprisonnée durant 12 jours. «On avait voulu la faire craquer. Quant à moi, j’avais été victime d’une arrestation illégale, interrompue uniquement par un habeas corpus, décision rendue par une juge», se souvient Martine Desmarais. Elle s'étonne de certains faits : «Le contraste est saisissant. D’autres témoins ayant modifié à plusieurs reprises leurs déclarations n’ont jamais été inquiétés. L’avis d’appel mené par l’avocat anglais Mathew Sherratt a mis en lumière des problèmes structurels pendant le procès, à savoir la disposition de la salle, l’influence extérieure sur les jurés autorisés à rentrer chez eux chaque soir, l’exposition prolongée à un procès par la presse depuis plus de deux décennies.»

Les autres profils ADN

La legal team de Maigrot avait d’ailleurs déclaré, au préalable, que son client n’avait pas eu droit à un procès équitable. Notre interlocutrice est aussi d’avis que le principe d'«au-delà du doute raisonnable» de Bernard Maigrot avait été bafoué : «La justice ne peut priver un individu de sa liberté sur la base d’un doute ni sur des preuves déconnectées du temps.» Elle poursuit : «Bernard l’a dit devant le juge Aujayeb : l’enquête a été bâclée, entachée de violences physiques niées par le State Law Office, réduites à de simples allégations.» L’ADN de Maigrot a été au cœur des débats de son procès en appel. Sauf que 24 ans après les faits, la police ne sait toujours pas à qui appartiennent les autres profils ADN, soit ceux de deux hommes et de deux femmes, retrouvés sur les lieux du crime.

«Aucune véritable enquête n’a été rouverte à ce sujet. À aucun moment, les autorités n’ont pu établir un mobile sérieux pour accuser Bernard Maigrot, qui aimait et respectait Vanessa Lagesse», précise Martine Desmarais. La police a toujours considéré Bernard Maigrot comme le principal suspect. L’affaire Vanessa Lagesse est une affaire de femmes, une justice portée par elles, estime notre interlocutrice. «Ce dossier, du début à la fin, a été marqué par le courage et la détermination des femmes. La victime, Vanessa. L’alibi, soutenu par deux femmes. La juge qui m’a libérée par habeas corpus. Celle qui a accordé la liberté conditionnelle à Bernard en décembre dernier. Et aujourd’hui, l’acquittement prononcé par une cheffe juge.»

L’entourage de Bernard Maigrot est aujourd’hui soulagé. Mais soulagement ne veut pas dire oubli, souligne Martine Desmarais. «Aujourd’hui, je suis soulagée, profondément, que cette injustice prenne enfin fin. Mais le traumatisme reste là. Bernard, soumis à un devoir de réserve pendant 21 jours, a besoin de silence pour se reconstruire. Sa vie et celle de sa famille ont été brisées pendant 24 ans. Je pense avec compassion à la famille de Vanessa Lagesse. Leur deuil est resté suspendu, nourri par des mensonges de la poursuite et une enquête policière d’une incompétence accablante. Ont-ils été trompés ? A-t-on sciemment dissimulé des éléments de vérité ?» Notre interlocutrice le répète : «Je n’ai jamais douté que la vérité finirait par triompher. Elle est têtue, tenace. La justice n’est pas l’ennemie du temps, mais elle doit refuser d’en être l’otage.»

Si pour l'entourage de Bernard Maigrot, c'est une explosion de soulagement et de joie, pour d'autres, beaucoup d'autres, dont plusieurs internautes, c'est l'incompréhension et la révolte qui priment et s'expriment. En effet, sur les réseaux sociaux, plusieurs n'ont pas hésité à commenter ce jugement renversé, estimant que c'est une «injustice» vis-à-vis de Vanessa Lagesse et de sa famille. Certains allèguent même que c'est une question d'argent et de relations. Quant à la famille de Vanessa Lagesse, elle est restée injoignable pour une réaction.

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