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Movember : pour que les hommes se sentent libres de parler

17 novembre 2025

Moustaches, humour et engagement. Chaque année, le Movember remet sur le devant de la scène une cause trop souvent reléguée au second plan : la santé masculine.

Derrière les campagnes de sensibilisation et les selfies moustachus, un message plus profond résonne : celui du droit des hommes à prendre soin d’eux, corps et esprit compris. «Beaucoup d’hommes souffrent en silence, ne prennent pas soin de leur santé comme ils le devraient, résistent à l’idée d’aller consulter, cachent leurs émotions», observe la psychologue Dr Anjum Heera Durgahee. Elle rappelle que l’enjeu n’est pas abstrait : «Il ne s’agit pas seulement de l’"autre", mais de pères, de fils, de frères, de collègues, de partenaires. Et de soi-même.» Movember, c’est donc plus qu’un mois de sensibilisation : c’est un signal fort. Un appel à briser le silence, à encourager la parole, à transformer les habitudes. Prendre rendez-vous pour un dépistage, parler à un ami, consulter un médecin ou un psychologue. Et surtout, redire l’essentiel : oui, un homme peut pleurer. Et quand il le fait, ce n’est pas une faiblesse. «C’est de la vie, de l’humanité, du courage», insiste Dr Durgahee. Alors, ce Movember, faisons pousser plus que des moustaches : faisons pousser les conversations, les prises de conscience, les élans de bienveillance.

**Pourquoi la santé des hommes est-elle importante ? **

La psychologue le dit : «La santé des hommes ne concerne pas seulement le fait de "tenir", de "résister", ou d’être asymptomatique. Elle touche à la vie, à la qualité de vie, à la durée de vie, à la possibilité d’être présent pour soi-même, sa famille, sa communauté.»

Surmortalité prématurée. «En Europe, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) fait l’estimation suivante : 86 % des décès chez les hommes sont dus à des maladies non transmissibles (cardiovasculaires, cancers, diabète, maladies respiratoires) ou à des blessures - Les hommes ont une espérance de vie inférieure à celle des femmes dans de nombreux pays. Au Royaume-Uni, par exemple, elle est d’environ 3,9 ans de moins pour les hommes - Plus de deux hommes sur cinq meurent avant l’âge de 75 ans en Angleterre.»

Des comportements à risque plus fréquents. «Les hommes s’engagent davantage dans des comportements tels que la consommation excessive d’alcool, le tabagisme et la prise de risques - Il y a aussi la sédentarité : par exemple, 41 % des hommes dans les pays à revenu élevé ne font pas assez d’exercice.»

Une santé mentale bien souvent négligée. «Les hommes sont beaucoup moins susceptibles que les femmes de demander de l’aide pour des problèmes de santé mentale - Le suicide demeure une cause majeure de décès chez les hommes : selon certains pays, environ 75 % des suicides concernent des hommes.» 

Comment pouvons-nous briser la stigmatisation ?

Changer le récit culturel sur la masculinité. «Le message "un homme ne pleure pas", "sois fort, tais-toi", perdure. Ce genre de norme contribue à ce que les hommes ne parlent pas de ce qu’ils vivent - Nous devons promouvoir une autre image : reconnaître que la vulnérabilité n’est pas un signe de faiblesse, mais de courage et d’humanité.»

Encourager la parole : ouvrir l’espace de discussion. «Inviter les hommes à parler de leur vécu, de leur stress, de leurs émotions, de leurs craintes, dans des milieux où ils se sentent en sécurité - Former les proches (famille, amis.es, collègues) à repérer des signaux : irritabilité, perte d’intérêt, consommation accrue d’alcool, isolement, paroles suicidaires.»

Adapter les services aux hommes. «Créer des services accessibles, sensibles à la réalité des hommes : horaires flexibles, lieux non stigmatisant, campagne de communication ciblée - Mettre en avant que demander de l’aide est un acte de soin responsable (pas seulement pour soi, mais pour ses proches).»

Intégrer la santé mentale dans les soins de santé générale. «Lors d’un bilan de santé masculin (exemples : cancer de la prostate, bilan cardiaque), prévoir aussi une discussion sur le bien-être mental – Renforcer la prévention, des dépistages, des campagnes de sensibilisation pour que "aller consulter" devienne banal et non honteux.»

**Que faisons-nous concrètement ? **

«En tant que psychologue je peux évoquer quelques actions - Organisation d’ateliers et de groupes de parole spécifiquement pour les hommes (et les garçons) : parler de stress, de rôle, de santé, sans jugement - Collaboration avec les entreprises, universités, écoles (dans le cadre de campagnes sur la santé mentale) pour intégrer un volet masculin : encourager les hommes à s’exprimer ; afficher que la santé masculine est une priorité - Sensibilisation : articles, conférences, webinaires à l’occasion de Movember (et au-delà) pour mettre en lumière : «Ce que je fais pour ma santé», «Ce que je fais pour mon mental» - Intégration : inviter les professionnels.les de santé (médecins, infirmiers.ères, psychologues) à avoir une approche « holistique » de l’homme : physique + mental + émotionnel - Accessibilité : promouvoir des lignes d’écoute, des interventions brèves, des settings non stigmatisant, des campagnes dans les médias, et faire du "consulter un psychologue" une démarche aussi normale que "aller chez le cardiologue".»

**Est-ce un tabou pour un homme de pleurer ? **

«Oui, en partie. La phrase "un homme, ça ne pleure pas" trouve encore un écho fort dans de nombreux milieux. L’expression des émotions chez les hommes peut être masquée : colère, irritabilité, consommation, retrait… plutôt que larmes ou tristesse ouverte. Dire "je ne vais pas bien" ou "j’ai besoin d’aide" reste pour certains ressenti comme un aveu de faiblesse, ce qui limite la parole. Mais ce tabou diminue : à travers le travail de sensibilisation, des figures publiques qui parlent, des campagnes (comme Movember) qui utilisent le moustache comme déclencheur de conversation, nous voyons des changements. L’homme qui pleure, l’homme qui se confie, l’homme qui est vulnérable : ces images deviennent plus acceptées, et c’est une très bonne nouvelle.»

***Vous pouvez la contacter ***

Membre de l’Allied Health Professionals Council of Mauritius (AHPC), Anjum Heera Durgahee est psychologue clinicienne.

Elle offre des consultations privées à Curepipe. Vous pouvez la contacter au numéro suivant : 5794 1339.

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