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Enquête sur la Voice of Hindu

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Le comité exécutif reçoit les responsables de leurs cellules les mardis dans leur hall à La Source.

Gros plan sur un groupuscule qui agit en toute impunité car il arrive toujours à être dans le giron du pouvoir du jour.

Ils prétendent défendre des présumés cas de discrimination et d’injustice dont seraient victimes principalement des personnes de leur communauté. Les membres de la Voice of Hindu (VOH) font d’ailleurs de nombreuses frasques lorsqu’ils font des démonstrations de force en public sans toutefois avoir des démêlés avec la justice. Ce qui est une grave anomalie. Leur proximité avec les puissants du jour les dispense d’être traités comme des justiciables normaux dans une démocratie. La VOH a, à travers le pays, des cellules, qui sont autant de réservoirs de votes.
D’où l’indulgence d’une certaine classe politique à leur égard. C’est ainsi que le Premier ministre s’est vu inviter par la VOH pour parler du dossier sucre en novembre dernier à l’auditorium Octave Wiehe.
Ils ne passent d’ailleurs jamais inaperçus lors de leurs sorties dans des dizaines de voitures décorées. À chaque fois, ils brandissent le drapeau tricolore de l’Inde – chose que n’approuve pas ce pays – et le sigle VOH.
Leur dernière bavure en date est leur descente musclée – et ce, en toute impunité – à l’hôpital Victoria, Candos, le vendredi 27 juin, pour interdire, au nez et à la barbe des policiers présents sur les lieux, la distribution de la méthadone aux toxicomanes qui étaient venus prendre gratuitement leur dose de ce médicament. Ceux qui suivent une cure de désintoxication en ont besoin car ce produit atténue les symptômes de sevrage jusqu’à ce que l’usager de la drogue puisse se passer de celle-ci.
Or, des membres de la VOH prétendent – lettres à l’appui émanant, selon eux, du personnel hospitalier et des forces vives – que des drogués seraient impliqués dans de nombreux cas d’agression et de vol dans cette région. Aucune plainte n’a toutefois été consignée à la police concernant ces prétendus cas de vol et d’agression que dénonce la VOH.
Pour comprendre les agissements de la VOH, il faut faire un retour dans le passé, précisément au 15 novembre 1998 où ce groupe a vu le jour. «On s’était retrouvés chez la famille Unnoop à La Source pour réfléchir sur les problèmes de la communauté hindoue à cette époque-là. On a d’abord décidé de faire du social et également de la politique pour revendiquer nos droits mais notre engagement social a vite pris le dessus. On a constitué un comité et nous l’avons enregistré auprès du Registrar of Associations comme le Vijayi Om Hamara (NdlR : Victoire et prière pour moi)», raconte son président Krit Munohur.
Qu’en est-il de la politique ? Ce dernier s’explique : «Nous sommes aussi enregistrés auprès de l’Electoral Commission en tant que parti politique avec comme emblème un porte-voix. Nous avons gardé le sigle VOH qui signifie cette fois-ci Voice of Hindu sans toutefois participer à une élection. Nous ne voulons pas nous servir du mouvement pour faire de la politique. Nous ne tolérons pas les politiciens qui se servent de notre communauté pour remporter les élections et qui, ensuite, nous négligent. On préfère faire du social pour mieux faire entendre notre voix.»
Au fil des années, cette association, constituée à la base d’un groupe d’amis, a vite pris de l’ampleur pour se transformer en véritable organisation. «Nous avons 177 cellules à travers le pays avec plus de 50 000 membres. Lors de nos activités, nous ne pouvons déplacer qu’environ 20 000 personnes en raison de nos moyens financiers restreints et parce que nous ne disposons pas d’un lieu pouvant accommoder tous nos membres», s’enorgueillit le secrétaire général, Deepak Aubeeluck.
Ce dernier souligne que le comité exécutif et les responsables des cellules se rencontrent tous les mardis dans leur hall qui jouxte la demeure des Unnoop. C’est de cette façon aussi, dit-il, que la VOH collecte de l’argent pour «faire du social» : «Ceux présents versent volontairement Rs 10 dans une boîte mise à leur disposition. C’est aussi une occasion pour nous de traiter les doléances des gens qui viennent nous voir en grand nombre. Nous avons au moins 50 cas chaque semaine. Nous ne sommes pas des communalistes. Nous sommes dans un pays arc-en-ciel. Nous venons en aide à tous les nécessiteux avec les moyens qu’on a.»
Selon Navin Unnoop, vice-président et trésorier, «la VOH est là comme chien de garde et n’a qu’un seul but : dénoncer les cas de discrimination et d’injustice dans toutes les communautés». Tel n’a pas toujours été le cas même si cette association est engagée dans le social.
En mars, la région de l’Est a connu de vives tensions. Il y eut une manifestation d’au moins 300 personnes après qu’un superviseur du CEB eut refusé l’accès au bâtiment de cet organisme, à Bramstam, à des habitants de Médine-Camp-de-Masque. Ces derniers y venaient d’habitude pour faire des prières auprès d’une statuette du Dieu Shiva dans le sillage de la fête Maha Shivaratree.
La police avait, par la suite, eu fort à faire pour éviter une confrontation communale dans ces deux localités. Les membres de la VOH étaient également venus protester. Ils auraient d’abord enfoncé la porte principale des locaux du CEB avant de saccager le bureau du superviseur et proférer des menaces contre sa personne. Ce qu’ils nient. «Kan nu desane se pu met lord é evit derapaz communal», avance Navin Unnoop. Très peu de personnes accréditent cette thèse. Elles perçoivent cette organisation comme une structure qui s’est autoproclamée défenseur des intérêts d’une communauté même si la plupart des membres de celle-ci la réprouvent.
Les membres de la VOH ne ratent cependant jamais une occasion de faire parler d’eux. Le début de l’assemblée générale d’Air Mauritius, en septembre dernier, a été marqué par une grande tension. Un groupe, mené par des membres de la VOH, soutenait la direction. Un autre groupe, constitué de personnes militant pour les droits des actionnaires, était mené par un expert-comptable d’une autre communauté. Ce dernier avait fait des reproches à la direction.
Un incident a éclaté, à un moment, entre les membres de la VOH et un membre du groupe de l’expert-comptable. D’autres personnes dans l’assistance ont évité que ce dernier se fasse bousculer par la VOH. Le président du conseil d’administration, Sanjay Bhuckory, a ensuite vite repris la situation en main.
Quelques jours plus tôt, les membres de cette organisation avaient encore fait parler d’eux dans l’affaire de location à bail de l’îlot Gabriel. Ils défendaient les intérêts de Jayraj Woochit qui occupait une partie de l’île. Le collectif Sov nu la plaz – dont un des membres est le travailleur social Georges Ah-Yan – s’opposait à l’octroi de ce bail, évoquant la dégradation de l’environnement. Il y a eu une centaine de policiers mobilisés lors d’une manifestation de la VOH pour éviter des dérapages dans une atmosphère de tension.
Krit Munohur s’explique : «Nous avions manifesté pacifiquement ce jour-là en signe de solidarité avec Jayraj Woochit qui est, selon nous, victimisé alors qu’ailleurs, d’autres îles sont occupées sans la moindre contestation.»
En mars 2007, la VOH avait de nouveau occupé l’actualité après des frictions à Sainte-Croix où deux véhicules de la police avaient été saccagés à la suite d’une altercation entre un habitant de la localité et le propriétaire d’une station-service. Ce dernier avait demandé de l’aide aux membres de la VOH. Heureusement que les deux groupes présents, ce soir-là, ne s’étaient pas affrontés. La dimension communale de l’affaire était évidente et avait fait réfléchir plus d’un. La Special Supporting Unit avait dû intervenir pour faire tomber la tension.
Chaque fois que les intérêts d’un hindou sont menacés ou que l’image de cette communauté est, selon eux, ternie, la VOH n’hésite pas à jouer le rôle de justicier. Rôle qui, dans une démocratie comme la nôtre, aurait dû être dévolu aux forces de l’ordre. Ce qui s’est passé à la 24ème édition du Salon de Mai, au MGI en juin 2005, est l’illustration de l’acharnement de cette organisation à se faire justice. Certains individus qui disent appartenir à la VOH avaient fait irruption dans la salle d’exposition pour enlever un tableau intitulé Maa qu’ils jugeaient «indécent» et qu’ils voulaient détruire.
Tarachand Unnoop, président d’honneur de l’association, s’explique à ce sujet : «La communauté hindoue a été très blessée par ce tableau. Nous avons gentiment parlé avec la direction qui a par la suite, décidé de l’enlever.» Ce monsieur oublie que lorsqu’une communauté pratique l’autodérision ou cherche d’autres interprétations à des représentations religieuses, elle s’éloigne du dogmatisme, du fondamentalisme et de l’extrémisme.
L’ancien ministre de l’Administration locale, Prithvitaj Putten, garde également de mauvais souvenirs. En avril 2004, il avait été menacé par des membres de la VOH lors d’une réunion de la régionale de sa circonscription. Ces derniers avaient renversé des chaises et des tables. L’un d’eux lui avait mis l’index sous le nez pour lui faire des reproches. Un garde du corps a dû intervenir et les énergumènes sont alors partis.
Nuvin Unnoop, PRO Coordinator de la VOH, s’explique à ce sujet : «On ne l’a jamais menacé. On lui a simplement fait comprendre qu’il avait été élu grâce à notre travail sur le terrain. Il semblait oublier cela. De plus, les mandants étaient mécontents de la performance de leurs élus.» Monsieur oublie qu’il existe des urnes pour punir les mauvais députés.
Les membres de la VOH récusent les allégations selon lesquelles ils prennent la loi entre leurs mains lors de leurs diverses interventions. Lorsqu’on les interroge à ce sujet, ils avancent : «Nous ne l’avons jamais fait car il y a des lois dans ce pays qu’on respecte.»
Tant qu’une partie de la classe politique demeurera veule, tant que des pleutres bomberont le torse seulement sur les camions-podiums le temps d’une campagne électorale, des organisations de type milice agiront en toute impunité. C’est ainsi que certaines démocraties finissent pour paraphraser l’écrivain Jean-François Revel.

Ils disent faire aussi du social
Font-ils du social pour s’attirer la sympathie des gens ? Les membres de la VOH ne sont pas de cette avis. «Nous faisons du social sur une base humanitaire uniquement. C’est faux de dire que nous le faisons pour amadouer les gens», soutient le président Krit Munohur.
Une autre réponse aurait été impensable. Dans tous les pays où il existe des groupuscules extrêmes, ces derniers aident la veuve et l’orphelin. C’est bien plus tard, quand ils auront élargi leurs bases, qu’on découvrira avec stupeur leurs visages fascisants.
Le président explique, à titre d’exemple, que chaque année, les membres de la VOH offrent des repas chauds et de quoi boire aux pèlerins qui convergent vers le tombeau du bienheureux Père Laval. Ils offrent également des vêtements et des couvertures aux hospices, des cadeaux aux enfants hospitalisés en période de fêtes.
«Nous avons sponsorisé toutes les salles de l’hôpital Victoria en 2000 en offrant un petit cadeau aux patients. L’année dernière, nous avons également organisé un Heart & Environment Day au Cardiac Centre de Pamplemousses où nous avons rénové les salles, pour ce qui est de la peinture, en moins de 12 heures. Nous avons également offert un pack scolaire et un déjeuner aux enfants pauvres du village de Pachavatti dans le Nord», explique Krit Munohur
La liste est loin d’être exhaustive, selon ce dernier : «En 2007, nous avons fait pression pour faire libérer un détenu, un dénommé Labonne qui habite à Cotteau-Raffin, condamné à trois ans de prison. Ce dernier était unijambiste au moment de sa condamnation. Lorsqu’il a commencé à purger sa peine, il a perdu l’autre jambe. Son frère était venu nous voir. Nous avons alors écrit au ministre de la Justice, au président de la République et au leader de l’opposition. Labonne est mort chez lui trois semaines après sa libération.»
Le vice-président et trésorier, Navin Unnoop, souligne, pour sa part, que la VOH a aidé de nombreuses familles après les grosses pluies de février dernier : «Nous avons procédé à une distribution de vivres à Mon-Goût et dans les autres localités sinistrées.»
Le secrétaire Deepak Aubeeluck avance, quant à lui, que depuis 2000, la VOH donne à manger et à boire à plus de 500 000 pèlerins qui vont en pélerinage à Ganga Talao. Selon lui toujours, chaque année au mois d’octobre, son association organise un Doorga Pooja (NdlR : grande prière en hommage à la déesse Doorga) au kalimaye sis à la rue Rotin No1, à Quatre-Bornes. Les membres de la VOH disent fêter également le Cavadee, la fête Ganesh Chaturti, le Divali et l’Ougadi. Ils disent commémorer également l’arrivée des coolies à Maurice le 2 novembre.

«Pas de compte en banque»
Bizarre. Bizarre. Officiellement, la Voice of Hindu n’a pas de compte en banque. Son état- major le proclame. «On n’a pas de compte en banque», nous dit Navin Unnoop.
Ce dernier explique que son père, Tarachand Unnoop, qui est président d’honneur, est retraité. Le président Krit Munohur est, pour sa part, fonctionnaire. Il travaille comme foreman au ministère de la Jeunesse et des Sports. Le secrétaire Deepak Aubeeluck est, quant à lui, chauffeur de taxi alors que son frère Nuvin Unnoop, qui est PRO Coordinator gère une entreprise de transport privé. Navin Unnoop dirige une compagnie de sécurité. Et pourtant, ils disent n’avoir pas de compte en banque…
Dans une lettre adressée au Head of Civil Service, Harish Boodhoo se demande cependant comment «a civil servant (…) absenting himself from his site of work, managing private companies, being proprietor of state lands at La Vigie (…)»
Navin Unnoop s’explique à ce sujet : «Boodhoo peut dire ce qu’il a envie. Le terrain dont il parle appartient en réalité au Vijayi Om Hamara, donc à notre association. Nous allons construire un home pour les personnes pauvres et les sans-abri sur ce terrain. Il est évident que le nom de Krit Munohur figure sur le titre de propriété puisqu’il est notre président.»

Textes : Jean Marie Gangaram et Kendy Mangra

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