Jack Bizlall et Fabien Manuel sont de ceux qui militent contre ce projet.
Une «manifestation» est prévue sur cette plage publique du nord de l’île demain. Ceux qui seront présents parlent de leur motivation…
Une invitation pas comme les autres. Pas de carton avec la mention RSVP, ni de promesses de «manze, bwar». Mais un appel à faire entendre sa voix. Un appel à l’indignation. Et certains Mauriciens ont décidé d’y répondre. Ils seront à Trou-aux-Biches, ce dimanche 15 septembre. Une manifestation s’y tiendra et un mouvement de protestation peu particulier (sous forme d’une découverte des plages organisée par le syndicaliste Jack Bizlall) aura lieu (voir hors-texte). Certains viendront avec leur famille, d’autres avec des amis. Quelques-uns auront même, dans les mains, une… pelle ! Une façon d’exprimer leur souhait de voir disparaître les fondations d’un restaurant sur cette plage publique. Cette construction est au centre d’une polémique depuis plusieurs jours déjà.
C’est le pandit Sooryadev Sungkur, ex-président de l’Arya Ravived Pracharini Sabha, qui serait proche de Navin Ramgoolam, qui a obtenu à bail ce lopin de terre du gouvernement, à un prix annuel dérisoire. Cette semaine, deux demandes d’injonction pour faire stopper les travaux ont été déposées en Cour suprême. Les deux demandes ont été rejetées (voir hors-texte). Teeluck Chintaram et Satyadeo Dassayne, ainsi que deux pêcheurs de Trou-aux-Biches, Georges Michel Elie François et Michael Noël Alexandre, étaient les premiers à tenter un recours légal pour que le restaurant ne voie pas le jour. Puis, Adnath Jagurnath, un habitant de Triolet et Vivian Nicol Marie-Jeanne, de Trou-aux-Biches, ont pris le relais. Ils estiment tous qu’il n’y a eu, à aucun moment, des panneaux avertissant le public du projet de développement.
Si, pour l’instant, ces initiatives n’ont rien donné, elles ne vont pas s’arrêter là, assurent les protagonistes de la Platform Sov Nou Laplaz (PSNL) menée par Georges Ah-Yan et qui se bat contre tout type «d’accaparement» des plages. En sus du combat juridique, un autre se prépare actuellement. Celui de la masse, normalement silencieuse. Et Fabien Manuel veut en faire partie. Demain matin, il sera «on site», car il a décidé de s’indigner : «Ce qui me dérange, c’est que la construction se fasse sur la plage publique. Que restera-t-il pour les Mauriciens ? Je me suis dit qu’il fallait que je bouge. D’accord, ce n’est pas la première fois que nos plages sont accaparées. Mais je veux dire ‘stop’ à tout ça.»
Et ce n’est pas une question de préférence politique ou un attachement à un mouvement syndical qui lui donne envie de faire entendre sa voix : «J’y vais en tant que citoyen qui se demande où va son pays. Je ne m’associe pas pour autant à Jack Bizlall.» Le syndicaliste organise une visite des plages de ce coin du nord de l’île pour conscientiser et protester. Alors qu’une manifestation, le même jour et à la même heure, sera menée par la PSNL, le Forum des citoyens libres, les Forces vives de Trou-aux-Biches et la Beach Traders Association.
«La peur n’est rien»
Jack Bizlall invite les Mauriciens à bouger, à s’indigner et à ne pas avoir peur : «Je me réveillerai tôt et j’irai à Trou-aux-Biches pour rencontrer ceux qui seront là-bas. Il faut faire ce que l’on a décidé de faire. C’est le seul remède contre la peur. Croyez-moi. La peur n’est rien. La conviction est tout.» Fabien Manuel, lui, n’a pas peur. Il veut faire passer son message : «Il faut mettre un terme au développement sauvage. Nos plages, notre nature, c’est ce qui fait la beauté de notre île. Notre économie repose sur le tourisme ; bientôt, les touristes ne se déplaceront plus tellement, car notre pays se sera dégradé.»
Il aimerait, aujourd’hui, se retrouver parmi les 10 000 personnes (le rassemblement de ce dimanche a droit à un event sur Facebook : «10 000 dimounn pou dir non à petit copain»). Mais il sait, dit-il, que souvent les gens ne se mobilisent malheureusement pas. Ce ne sera pas le cas de Move Piti, personnage à l’esprit satirique qui inonde Facebook de ses caricatures et affiches de cinéma revisitées mettant à mal les «stars» de la scène politique locale : «Je m’engage parce qu’il n’est plus possible que des personnes élues pour gérer notre patrimoine se l’approprient et en face cadeau à des proches. Je me trouverai à Trou-aux-Biches, pelle en main.»
Son combat est politique. Même s’il n’est pas partisan : «Ce n’est pas le propre du gouvernement PTr. Les précédents dirigeants l’ont fait aussi. L’impunité dont ils semblent jouir leur permet de faire n’importe quoi avec nos ressources, au détriment du peuple mauricien et de l’écologie.» Sa présence sur la plage de Trou-aux-Biches sera, bien sûr, pour dénoncer cela. Mais pas seulement : «C’est un message aux Mauriciens pour qu’ils prennent conscience du pillage et de l’accaparement, et qu’ils se rendent compte qu’ils ont le devoir de s’y intéresser. Au cas contraire, tout ira aux petits copains et aux petites copines, et ils deviendront bientôt des étrangers dans leur propre pays.»
C’est pour cela que
Move Piti répondra à cette invitation pas comme
les autres…
Une semaine… au trou
Vendredi 13 septembre : La demande d’injonction d’Adnath Jagurnath, un habitant de Triolet, et de Vivian Nicol Marie-Jeanne, de Trou-aux-Biches, pour faire stopper les travaux, est rejetée par le juge Abdul Razack Hajee Abdoula. Il évoque les raisons suivantes : «Je refuse d’accorder les requêtes de la présente demande puisque tous les recours pour violation des droits protégés par le droit public peuvent être obtenus sur une demande de révision judiciaire et la présente requête devant le juge des référés pour le plaignant d’obtenir réparation par l’action ordinaire est un abus de la procédure de la cour, car il n’y a aucun élément de droit privé en jeu.»
Mercredi 11 septembre : Les deux hommes logent leur demande d’injonction. Dans un affidavit, rédigé par l’avoué Pazany Thandarayan, Adnath Jagurnath déclare qu’il représente une centaine de signataires d’une pétition demandant l’arrêt des travaux.
Lundi 9 septembre : Teeluck Chintaram, Satyadeo Dassayne, Georges Michel Elie François et Michael Noël Alexandre font une demande d’injonction pour stopper ce développement sur la plage publique. Toutefois, le juge Asraf Caunhye refuse d’émettre l’injonction contre la construction d’un restaurant en ces lieux.
Le pandit Sungkur déclare, sur les ondes d’une radio privée, que tous ses documents sont en règle.
Samedi 7 septembre : Les habitants de Trou-aux-Biches manifestent sur la plage publique pour dire «non» à la construction du restaurant.
Mercredi 4 septembre : Le début des travaux. C’est du moins ce qu’affirme Jackie Alexandre, conseiller de village et président du Mouvement de Solidarité : «À aucun moment, le conseil du village de Trou-aux-Biches et le conseil de district n’en ont été avisés.»
Le Premier ministre parle de démocratisation de l’économie
Il a pris la parole. Et a apporté son soutien au pandit Sungkur. Navin Ramgoolam, qui s’exprimait lors des célébrations nationales de la fête Ganesh Chaturthi, a déclaré qu’il ne comprenait pas pourquoi quand «enn ti dimounn» veut réaliser quelque chose, il doit faire face à de nombreuses critiques : «Les médias sont financés par de grands groupes. Ce sont eux qui mettent des bâtons dans les roues et qui décident de qui sont ceux qui ont des droits ou pas. Pourtant, le pandit ne vole pas de terres pour construire un hôtel. Quand l’hôtel Trou-aux-Biches avait été agrandi, il n’y avait aucun article dans les journaux.»
La possibilité pour le pandit Sungkur de construire son restaurant fait partie, selon lui, du processus de démocratisation de l’économie qu’il a enclenché : «Je vais accélérer ce processus et j’ai besoin de votre soutien. Certains vivent toujours à l’époque
des dinosaures.»
Subash Sungkur assure que tout est en règle
Dans la famille Sungkur, demandez le frère. Si le pandit est avare de commentaire, Subash Sungkur, lui, s’est exprimé dans les colonnes de l’express samedi. Il y affirme qu’il est le véritable propriétaire du restaurant sur la plage de Trou-aux-Biches et que son frère n’est qu’un prête-nom. De plus, il assure que tout est en règle et que sa famille mérite ce bail. Il estime que les gens protestent uniquement par pure jalousie.
Balad lor la plaz
Le point de rendez-vous : plage de Trou-aux-Biches à 10 heures. Que ce soit pour la séance découverte organisée par Jack Bizlall ou pour la manifestation des forces vives. Vous pouvez vous y rendre par vos propres moyens. Néanmoins, pour faciliter le transport pour son activité à lui, Jack Bizlall a loué un bus qui quittera Rose-Hill à 9 heures. Il faut prévoir Rs 75 par personne. Mais les places sont limitées. Pour réserver votre place ou avoir plus d’informations, contactez le numéro suivant : 5 773 9132. Pour en savoir plus, cliquez sur l’adresse suivante : https://www.facebook.com/events/518793521522764.