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Un personnage haut en couleur

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Il avait 28 ans lorsqu’il a été ordonné le 12 avril 1952.

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Il n’allait nulle part sans sa Vespa.

La question était de mise : «Comment vous sentez-vous à l’heure où vous vous apprêtez à prendre votre retraite ?» Et la réponse a fusé : «Je ne suis pas triste. Bien au contraire, je suis heureux parce que je sais qu’on se souviendra de moi comme le prêtre joyeux qui a essayé de faire rayonner Jésus…» Dans notre édition du 8 août 2010, le père Henri Souchon, décédé hier à l’âge de 89 ans, nous ouvrait son cœur, à quelques jours de sa retraite. Il nous confiait, entre autres, qu’il avait eu «une belle vie».

Pour beaucoup de Mauriciens, c’est un homme hors du commun qui s’en est allé en laissant derrière lui un héritage riche en leçons de vie. Il était de tous les combats ou presque. Et n’a jamais eu la langue dans sa poche. Ainsi était le père Souchon, flamboyant, toujours engagé dans mille projets, atypique, jamais là où on l’attend et facilement reconnaissable, à l’époque où il sillonnait l’île sur sa petite moto.

Connu pour son franc-parler et ses prises de position, souvent pour des causes désespérées, celui qui comptait 61 ans de sacerdoce – célébrés cette année – a marqué plus d’un, notamment avec ses répliques très particulières ou encore ses coups de gueule en faveur des nécessiteux. «Le lien avec les autres est primordial pour moi. Je suis quelqu’un de très proche des gens», nous confiait-il, il y a trois ans, alors qu’il s’apprêtait à dire sa dernière messe publique à Marie-Reine-de-la-Paix.

Homme au grand cœur, il disait aimer la vie et écouter toujours son cœur. Né le 4 mai 1924 dans une famille de neuf enfants, le prêtre a toujours refusé d’avoir une vie formatée. C’est ainsi qu’à 18 ans, après ses études au collège Royal de Curepipe, il a décidé de s’engager dans l’armée. «Lorsque j’étais un tout jeune homme, je rêvais de faire partie de la Royal Air Force et de voler à bord d’un Spitfire», nous racontait-il, se souvenant de sa première mission au Kenya qui l’avait bouleversé : «J’y suis resté quatre mois… Suffisamment longtemps pour côtoyer la misère et la détresse des opprimés.»

Là-bas, il a acquis beaucoup de valeurs humaines profondes. Il savait d’ores et déjà que quelque chose avait changé en lui, mais c’est une fois à Maurice qu’il a eu LA révélation : «J’étais devant l’église Sainte-Thérèse, un jour de messe. Et là, j’ai vu un jeune prêtre à moto qui avait fière allure avec sa soutane. J’ai eu comme un déclic en le voyant et ce jour-là, j’ai su que j’allais être comme lui. Ce jeune homme s’appelait Jean Margéot.»

C’est avec beaucoup d’émotion dans les yeux qu’il racontait ce moment spécial où il a eu «le déclic». Et la suite de son cheminement n’a fait que le conforter dans son désir de se mettre au service des autres. C’est le 12 avril 1952, à 28 ans, qu’il a été ordonné prêtre. Pour lui, «ça n’a jamais été un travail mais une manière de vivre…» Et «voir l’autre à travers les yeux du Christ, savoir écouter, être disponible, avoir de la compassion et ne pas juger» ont été les valeurs qui ont toujours guidé ses pas.

Liberté d’expression

Depuis, disait-il, sa vie a été rythmée par des circonstances, des événements et des situations qui ont contribué à faire de lui l’homme qu’il était devenu, toujours prêt à prendre la parole – dans les médias – pour dire ce qu’il pensait, et à voler à la rescousse des enfants en échec scolaire, des pauvres, des «marginaux» et des clochards.

C’était impossible pour lui de ne pas se sentir mal devant une personne qui souffre : «C’est un monde qui existe. Un monde où il y a des personnes abîmées par la vie, facilement méprisées et rejetées par notre société.» Avec ces personnes, il se sentait bien et heureux : «Elles m’apportent la joie d’une amitié, la gratuité dans la relation…» Il y a aussi eu ses autres causes. On se rappelle notamment de sa participation à la grande manifestation des journalistes en 1984 qui se battaient pour la liberté d’expression, un combat auquel il devait apporter sa voix car pour lui «porter atteinte à la liberté d’expression, c’est porter atteinte à la voix du peuple».

Il était aussi remarquable par son rire, original par sa façon de célébrer les messes – à la paroisse de Notre-dame-de Lourdes ou à l’église Immaculée Conception où il est resté 40 ans –, que ce soit lors des rassemblements à Marie-Reine-de-la-Paix ou des célébrations interculturelles et autres mariages mixtes, qu’il animait avec fougue et dynamisme. Interrogé sur cette touche différente qu’il apportait à ses célébrations, il nous avait répondu que c’était sa façon à lui de partager la bonne nouvelle : «Comme les jeunes se détournent de plus en plus de l’Église, j’ai essayé d’y remédier à ma manière en apportant un peu de leur musique et de leur culture à mes célébrations.»

Quant à l’interculturalité, c’était quelque chose qu’il fallait, selon lui, encourager pour l’équilibre de notre pays : «Je suis pour les liens fraternels et c’est pour cela que j’ai tout le temps privilégié des rencontres entre frères et sœurs de confessions religieuses différentes.» C’était une façon pour le grand Mauricien qu’il était (il a d’ailleurs reçu plusieurs titres dont le dernier était celui de chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur, le 26 juillet 2013) d’apporter sa pierre à la construction d’une île arc-en-ciel.

Un prêtre, un ami, un patriote

Il laisse de nombreux souvenirs à ceux qui l’ont cotoyé. «Le père Souchon a été une très grande figure de l’Église à l’île Maurice. C’est une figure qui a marqué beaucoup de prêtres, religieux, religieuses et laïcs du diocèse», précise Mgr Maurice Piat, l’évêque de Port-Louis. Il se souvient de lui quand il était tout jeune : «J’étais moi-même adolescent lorsqu’il était curé à Notre-Dame-de-Lourdes, à Rose-Hill, et il m’a beaucoup encouragé sur mon chemin de vocation; comme il a encouragé tant d’autres jeunes.»

S’il y a une chose qui est indéniable, selon l’évêque, c’est que le prêtre n’a jamais caché son amour pour son île. «Père Souchon a aussi été une grande figure du pays. Il a lutté pour un mauricianisme authentique. Il a été très présent autour de ses frères et sœurs d’autres religions. Il a été très présent dans la presse au lendemain de l’Indépendance. Il a permis au pays de trouver son identité et d’en être fier», souligne Maurice Piat.

Pour l’achavar Soondarajen Maistry, le père Souchon est «irremplaçable» : «J’ai eu l’occasion de célébrer des cérémonies interreligieuses en sa compagnie et aussi des mariages mixtes qu’il rendait vraiment spéciaux en mélangeant les cultures. Je me souviens aussi d’une messe qu’il avait célébrée le 24 décembre 2009 avec des représentants de toutes les autres religions. Avec lui, il n’y avait pas de barrière entre les différentes communautés. C’était un grand humaniste.»

Christophe Leroux, de l’association Vintage & Classic Cars, se souviendra aussi pendant longtemps du prêtre qui l’a baptisé et qui était pour lui «comme un gourou» : «Je me souviendrai toujours de lui comme cet homme joyeux qui parcourait l’île sur sa Vespa. Il m’a dit un jour qu’il aimait la moto parce qu’il se sentait proche des gens et qu’il n’y avait pas de portes pour faire barrière.»

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