• Il a été libéré sous caution après huit mois de détention préventive - Vishal Shibchurn : «Mo ena ankor bokou revelasion pour fer»
  • Le nouveau cabinet ministériel à la loupe - Kris Valaydon, observateur politique : «Le chantier est vaste pour le nouveau gouvernement...»
  • Des Junior Ministers «motivés»
  • Moi, ministre pour la première fois, je vais…
  • Au feu, les pompiers… sont enfin là !
  • Mare-Chicose en feu : le calvaire des villageois au bord de l'étouffement
  • 1ers Championnats d’Afrique d’air badminton : Maurice s’offre le bronze en équipe
  • Ruqayah B. Khayrattee met la femme en avant
  • Huawei Watch GT 5 Pro : du premium autour du poignet
  • Donald Trump, sa mission pour «sauver l’Amérique» et les «incertitudes»

Ses proches lui rendent un vibrant hommage

JHE_0618.jpg

Des nombreux Mauriciens lui ont rendu un dernier hommage, hier, au centre Marie-Reine-de-la-Paix.

JHE_0373.jpg

Christine et Hervé Henry, Jacques et Christine Leclézio, membres de la famille du prêtre, gardent de lui un souvenir impérissable.

Le grand homme a tiré sa révérence. Personnage incontournable de la scène locale, le père Henri Souchon a marqué les esprits et les cœurs de nombreux Mauriciens. Sa famille et les fidèles se rappellent surtout de lui comme d’un homme au grand cœur…

Samedi 14 septembre. Couvent de Bonne-Terre, à Vacoas. Le jardin, où résonne le chant des oiseaux, est animé par un inhabituel va-et-vient. Depuis quelques heures, famille, proches, connaissances et fidèles se succèdent pour rendre un dernier hommage au père Henri Souchon qui s’en est allé sans crier gare, dans le silence de la nuit. À l’intérieur de la chapelle du couvent repose paisiblement le corps de ce grand homme, vêtu d’une aube blanche ornée de dorure et de son inconditionnelle casquette, tel que les Mauriciens l’ont toujours connu. «Il va chercher sa dernière médaille», s’exclame Véronique Leclézio, sa nièce, en référence à sa décoration en tant que chevalier de la Légion d’honneur.

Dans un coin de l’église, assise au premier rang, une religieuse essuie ses larmes. Rentrée au pays vendredi soir, Liseby Dercy, de la congrégation Petite Sœur de Jésus, a appris la nouvelle hier matin. Les yeux clos, elle se recueille devant celui qu’elle considère comme un père spirituel depuis qu’elle a 21 ans. L’histoire de cette missionnaire affectée au Kenya depuis 35 ans avec le père Souchon, à qui elle rendait visite à chacun de ses déplacements à Maurice, a commencé il y a 40 ans. «C’est lui qui m’a montré la voie et qui a été mon guide quand j’ai choisi ma vocation. On a toujours cheminé ensemble.»

Un peu plus loin, sur les marches de la chapelle, quelques voix résonnent. Ce sont quelques membres de la famille du prêtre qui se remémorent les beaux moments qu’ils ont partagés avec lui. Ses neveux et nièces se souviennent d’un épisode en particulier. À l’époque, ils devaient tous être âgés entre 12 et 15 ans. Très sportif, leur oncle leur avait alors fait traverser la baie de Grand-Baie à la nage : «C’était le meneur de la famille et comme il adorait le sport, il nous faisait souvent partager sa passion en nous poussant au bout de nous-mêmes. Il a marqué notre jeunesse», confie Christine Henry, sa nièce.

Celle-ci se souvient aussi qu’Henri Souchon était un malade exemplaire depuis qu’il était souffrant. Il l’avait d’ailleurs affectueusement surnommée «la nurse diplômée» car c’est elle qui l’accompagnait à chacun de ses rendez-vous chez le médecin : «Il n’allait qu’à l’hôpital, jamais dans le privé, et ne se plaignait jamais. Il trouvait que tout était bon, les services et les soins, et que le personnel était gentil. Il était comme ça, toujours heureux.»

Protecteur des démunis

Jacques Leclézio entretenait, pour sa part, une relation spéciale avec son oncle. Très proches l’un de l’autre, c’est chez lui qu’Henri Souchon allait tous les jeudis matins prendre le petit déjeuner depuis 25 ans : «C’était devenu un rituel. Pour moi, c’était une personne qui aimait profondément tout le monde. Il était très proche de sa famille, toujours très positif et joyeux. Le plus pauvre des pauvres avait une grande importance à ses yeux.» Fervent protecteur des démunis, il a fondé Mam San Baz qui offre des repas chauds aux clochards, connus comme les «tontons», au Centre Marie-Reine-de-la-Paix.

À l’intérieur de la chapelle, une vieille dame au sari bleu vient de faire son entrée. Devant la dépouille du prêtre, elle fait le signe de la croix et essuie ses larmes. Quand on lui demande si elle connaissait bien le prêtre, Tulsi Ramasawmy lève un bras au ciel et s’exclame : «Je le connais depuis qu’il est jeune. Je travaillais pour sa maman et chaque jeudi, il venait manger. Avant, c’est ma maman qui travaillait pour sa famille. C’était une bonne personne.» Comme elle, Pamela et Zaïda, deux employées du couvent de Bonne-Terre, sont venues rendre un dernier hommage au prêtre. Les deux dames, qui le côtoyaient tous les jours, se souviennent qu’il avait toujours le mot pour rire. «Il adorait me taquiner sur mes grosses boucles d’oreilles. C’était quelqu’un de tellement bon. Nous avons perdu une grande personne», confie Pamela.

Il y a trois ans, après avoir pris sa retraite et quitté sa paroisse, l’Immaculée Conception, c’est au couvent de Bonne-Terre qu’il a élu domicile. Selon sœur Paul, responsable du couvent, sa retraite n’en était pas vraiment une. «Je lui disais toujours d’aller se reposer mais ce n’était pas son genre. Il adorait donner à manger aux oiseaux et tant pis si ça faisait du désordre», souligne-t-elle. Chaque matin, le père Souchon animait la messe de 7 heures avant de vaquer à ses occupations. Toujours très ponctuel, il ne ratait jamais l’heure du déjeuner après quoi il faisait une petite sieste.

C’est sœur Paul, elle-même, qui lui faisait la lecture, un moment de partage qu’elle chérissait. Le mercredi matin, le père Henri Souchon rendait visite à sa sœur à Trou-d’Eau-Douce et revenait au couvent le jeudi soir. Quand il ne recevait pas ses nombreux visiteurs, il était au téléphone à aider les autres. «C’était quelqu’un qui ne pouvait pas dire non. Les pauvres et les clochards continuaient à lui rendre visite au couvent. Souvent, quand il n’avait plus d’argent, il me demandait gentiment de lui prêter quelques sous pour les leur donner. C’était un second Père Laval», dit la religieuse.

Fouad Lallbeeharry de l’Ahmadiyya Muslim Association a lui aussi tenu à venir dire un dernier au revoir au grand homme qu’était le père Souchon. «Nous avons travaillé ensemble lors de la guerre raciale en 1968. Nous avons œuvré pour la paix. C’était sa mission», témoigne-t-il. Comme ce dernier, Conchiano Mootoosamy se rappelle lui aussi de sa première rencontre avec le père Souchon dont il était très proche : «C’était il y a 45 ans, un jour après la messe. Il m’a appelé et m’a demandé ce que je faisais dans la vie. Je lui ai dit que j’aimais faire des photos et il m’a dit qu’il voulait les voir. Ensuite, je me suis retrouvé avec un enregistreur et un micro entre les mains. Depuis ce jour, je suis resté proche de lui. Il a façonné et influencé ma vie», confie celui qui a réalisé un film sur le prêtre intitulé : Henri Souchon, un homme arc-en-ciel.

Pour sa cousine Christine de Chazal – il était le neveu de Malcolm de Chazal –, Henri Souchon était un visionnaire et un être exceptionnel. «Il y a tellement de choses à dire sur lui mais le plus important c’est qu’il a servi Dieu chaque jour de sa vie. Il était un homme de combat qui a beaucoup fait pour son pays», déclare-t-elle. En effet, tous se rappelleront de lui comme d’un homme engagé, un assoiffé de justice et de démocratie. Un chevalier de l’harmonie culturelle et de la paix sociale, un disciple de Dieu…

Des funérailles simples comme il le voulait

Une dernière messe, un adieu. Les funérailles du père Henri Souchon auront lieu aujourd’hui, à 14 heures, en l’église Immaculée Conception où il a été longtemps curé. Des personnalités du pays, dont le Premier ministre Navin Ramgoolam, y assisteront pour rendre hommage au prêtre qui a toujours souhaité avoir des funérailles simples. La célébration sera présidée par Mgr Maurice Piat et concélébrée par tous les prêtres du diocèse. Comme le père Souchon l’a souhaité, sa dépouille sera installée dans un «cercueil des pauvres» – habituellement donné par les hôpitaux aux nécessiteux. C’est l’orchestre de la police qui ouvrira la procession qui quittera le centre social Marie-Reine-de-la-Paix à 13h45 pour se diriger vers l’église. L’abbé sera ensuite inhumé au cimetière de Bois Marchand, aux côtés de ses «tontons», comme il l’avait souhaité.

Ces mariages… mixtes pas comme les autres 

«Le père Souchon a marqué mon mariage de son empreinte. C’était un moment historique car, en ce 9 décembre 1979, il bénissait mon union avec mon épouse Ruby et c’était le premier mariage mixte…» La mort de celui qui a «béni son alliance» a replongé Moogess Veerabadren dans ses souvenirs heureux : «C’est quelqu’un qui traitait tout le monde de la même façon. Il ne faisait pas attention à la couleur de la peau ni à la religion. Les cérémonies mixtes qu’il célébrait étaient quelque chose de nouveau à l’époque mais il le faisait tellement bien…»

Les belles paroles de Souchon

C’était le 4 août. Et ce jour-là, au cimetière Bigara pour la cérémonie spéciale durant laquelle les urnes de Sylvia Wright et son fils Jeffrey (morts dans les inondations du 30 mars) avaient été placées dans un caveau, le père Souchon était là, fidèle à lui-même, avec son humour mais aussi ses belles paroles : «C’était une de ses dernières cérémonies publiques, sinon même la dernière. Il avait fait le déplacement et avait voulu que la célébration se fasse en latin comme pour les funérailles des papes et des cardinaux car, pour lui, Sylvia et Jeffrey, méritaient cela», nous confie Allan Wright. Son fils Jason se souvient, lui, avoir été touché par les mots de l’abbé : «Il a su trouver les mots justes pour ce moment qui était très douloureux pour nous. Je souhaite que d’autres prêtres lui ressemblent…»

Un dernier arrêt à l’Immaculée Conception

Un moment solennel, empli d’émotion. Vers 16h45, une vingtaine de personnes ont accompagné le cortège du père Henry Souchon de la statue de Marie-Reine-de-la-Paix au centre social Marie-Reine-de-la-Paix, où sa dépouille est exposée depuis hier après-midi, au rythme des cantiques et des prières. Vers 17h30, hier, une messe a aussi été célébrée en l’église Immaculée Conception pour rendre hommage à cet homme

au grand cœur.

Plusieurs Mauriciens de tous horizons sont venus dire un dernier adieu au grand homme, allongé sur son canapé, vêtu de sa robe et sa casquette de base-ball vissée sur la tête. Annette, de la paroisse de l’Immaculée Conception, qui a connu le père Souchon, n’oubliera jamais le premier jour où ce dernier a partagé un repas avec les plus démunis. «Je me rappelle que j’avais préparé à manger pour les clochards, le père Souchon, est venu s’asseoir à la même table qu’eux pour prendre le repas», soutient-elle.

Marianne, qui a aussi tenu à venir dire au revoir au père Souchon garde aussi des souvenirs inoubliables de lui. «C’était un homme libre, qui n’avait pas froid aux yeux. Il disait toujours ce qu’il pensait et était un vrai témoin de l’Évangile. Moi qui ai l’habitude de déposer des fleurs à l’église, je n’oublierai jamais ce qu’il me disait, qu’il fallait toujours enlever les fleurs fanées car elles n’étaient pas dignes du Seigneur.».

Le père Souchon a aussi marqué la vie d’Hélène : «C’était un personnage important dans ma vie. C’est lui qui a baptisé mes quatre enfants. Il fait partie de notre vie.»

Comme ces trois dames, les fidèles qui ont côtoyé le prêtre, de près ou de loin, gardent un souvenir extraordinaire de ce serviteur des pauvres.

Archive: