Marilyne compte porter plainte à la police dans les jours à venir.
Le corps sans vie de cet homme de 44 ans, qui souffrait de troubles mentaux, a été retrouvé flottant dans un bassin, quelques heures après qu’on lui a refusé des soins dans deux établissements hospitaliers. Sous le choc, sa sœur crie au scandale et réclame des explications aux autorités concernées.
Elle est déchirée, anéantie, révoltée. Aujourd’hui, Marilyne Dureisseix, écrasée par une profonde douleur, pleure encore un membre de sa famille. Celle qui a perdu son père, il y a quatre ans, et sa mère, il y a tout juste deux mois, vient d’enterrer son unique frère Denis Mario Paul, 44 ans, un habitant de Triolet. Le corps sans vie de ce dernier a été repêché dans un bassin à Solitude. La veille, l’homme, qui souffrait de troubles mentaux, avait été renvoyé de deux hôpitaux sans recevoir de traitement. Pour sa sœur, il est mort parce qu’on ne lui a pas prêté secours. «C’est de la non-assistance à personne en danger !» affirme-t-elle
Denis Paul souffrait, selon sa sœur, de troubles mentaux depuis l’âge de 16 ans et récemment, elle l’avait pris sous son aile. «Ces derniers temps, il était très affecté par la disparition de notre mère. Il était dépressif même s’il prenait ses médicaments. Donc, je l’ai pris sous ma protection et il vivait chez moi, à Mont-Choisy. Entre-temps, je cherchais un endroit pour le placer car il avait besoin d’une personne avec lui en permanence alors que moi, je ne pouvais être tout le temps avec lui à cause de mon travail», confie Marilyne, mariée et mère de deux enfants, les larmes aux yeux.
La veille du drame, dit-elle, son frère a demandé lui-même à être conduit à l’hôpital : «Le mercredi 4 septembre, il m’a dit qu’il ne se sentait pas bien et de l’emmener à l’hôpital. On est arrivés à Brown Sequard vers 21 heures. L’hôpital était très propre et calme. Je me suis sentie rassurée car je me disais que mon frère allait être soigné comme il le fallait, d’autant que l’accueil que nous avait réservé le personnel était très amical et professionnel. Mais les choses se sont gâtées lorsque mon frère est entré en salle de consultation. Le médecin a refusé de l’ausculter, arguant qu’il ne voyait pas ce qui n’allait pas chez mon frère», raconte Marilyne, révoltée.
À bout de force
Indignée par la réaction du médecin de service, Marilyne insiste pour que son frère soit pris en charge. En vain. «Le médecin a trouvé un autre prétexte. Il disait ne pas savoir quel médicament prescrire à mon frère car cela faisait cinq ans qu’il n’était plus suivi à l’hôpital Brown Sequard. Son dossier avait été transféré à l’hôpital du Nord et, depuis, c’est là-bas qu’il allait à ses rendez-vous. Donc, il nous a demandé de partir à l’hôpital du Nord et j’ai finalement accepté.»
À bout de force, elle quitte l’enceinte de l’hôpital Brown Sequard avec Denis Paul aux alentours de 22 heures. Direction : l’hôpital du Nord où elle espère que son frère sera pris en charge. Mais une fois sur place, elle tombe des nues lorsqu’un autre médecin lui conseille de revenir le lendemain. «Nous sommes arrivés à l’hôpital du Nord vers 23 heures. L’hôpital était bondé. Nous avons attendu longtemps. Ce n’est qu’à deux heures du matin que nous avons quitté cet établissement où, une fois de plus, mon frère n’avait reçu aucun traitement. Après plusieurs heures, un médecin nous a reçus pour nous dire de revenir le lendemain car il n’y avait pas de psychiatre disponible à cette heure-là.»
Terriblement fatiguée, les nerfs à vif, Marilyne rentre chez elle avec son frère. Toutefois, ce dernier, très agité et totalement dépressif, n’arrive pas à trouver le sommeil. Marilyne n’a alors d’autre choix que de rester éveillée à ses côtés pour parer à toute éventualité. «Il s’est calmé aux petites heures du matin et a dormi pendant environ une heure. Puis vers 8 heures, j’ai appelé le poste de police de Trou-aux-Biches pour réclamer une assistance policière afin de nous rendre à l’hôpital du Nord. Mais au téléphone, une voix féminine m’a répondu sèchement que ce n’était pas le travail de la police et m’a raccroché au nez. J’ai alors appelé le poste de police de Piton. Là-bas, on m’a dit qu’on allait envoyer un policier. Mais au bout d’une heure, ne voyant personne arriver, j’ai emmené mon frère à l’hôpital sans aucune assistance policière.»
Malheureusement, une fois sur place, alors que Denis Paul était sur le point de recevoir des soins appropriés, il s’est enfui. «Le médecin était en train de discuter avec lui quand tout d’un coup, il s’est levé, a hurlé très fort et s’est sauvé. J’ai essayé de le rattraper, en vain. J’ai alors sollicité l’aide d’un policier qui se trouvait dans l’enceinte de l’hôpital. Il m’a aidée à chercher mon frère dans les parages de l’hôpital mais il était introuvable. J’ai alors pris ma voiture, espérant le retrouver en chemin. Mais je ne l’ai vu nulle part. J’ai décidé de partir à Triolet, croyant qu’il y serait. Mais en chemin, j’ai vu une forte mobilisation policière à côté d’un bassin à Solitude ainsi qu’une foule de curieux.»
«J’ai vu son corps…»
Et là, elle a le choc de sa vie : «Je me suis arrêtée pour demander des explications. Un policier m’a dit qu’un homme s’était noyé. Je lui ai alors dit que mon frère venait de se sauver de l’hôpital. Il m’a demandé à quoi il ressemblait et ce qu’il portait, et m’a montré une casquette. C’était celle de mon frère. Je me suis dirigée vers le bassin et j’ai vu son corps. C’était horrible.»
Partagée entre tristesse et révolte, Marilyne veut avoir des explications des autorités. «C’est révoltant. Je suis écœurée. S’il avait été pris en charge par l’hôpital Brown Sequard, rien de tout cela ne se serait passé. Mon frère avait besoin d’aide. Deux institutions du gouvernement n’ont pas daigné lui apporter leur soutien. C’est leur faute si mon frère n’est plus de ce monde. C’est définitivement un cas de non-assistance à personne en danger. Les fautifs doivent s’expliquer», lâche-t-elle, amère.
Nous avons demandé officiellement, via un mail, des explications au ministère de la Santé sur ce cas. Et l’attaché de presse du ministère nous a répondu, au téléphone, qu’une enquête avait été instituée sur cette affaire. Du côté de la police, le service de presse nous a fait la déclaration suivante : «La dame en question doit déposer une plainte au poste de police de sa localité, en précisant la date et l’heure à laquelle elle a téléphoné pour avoir une assistance policière. Suite à cette démarche, la police ouvrira une enquête.»
C’est exactement ce que Maryline a l’intention de faire. «Je vais porter plainte à la police et réclamer des explications au ministère de la Santé», affirme celle qui a la ferme intention de se battre jusqu’au bout pour que justice soit rendue à son frère.