Rozina et Mourina restent soudées en attendant le verdict final.
Dans deux lettres envoyées à leurs hommes de loi, Khaleeloodeen Sumodhee et Naseeb Keeramuth, qui purgent une peine de prison de 45 ans pour l’incendie meurtrier qui a coûté la vie à sept personnes, clament encore une fois leur innocence
et réclament justice.
Leurs vies ont basculé du jour au lendemain. Ils se sont retrouvés au cœur d’une sordide histoire d’incendie criminel ayant coûté la vie à sept personnes, dont deux enfants et une femme enceinte. Ils ont été arrêtés, jugés coupables pour ces crimes atroces et jetés en prison même s’ils ont toujours crié leur innocence. Aujourd’hui, après 14 ans d’incarcération, une lueur d’espoir est venue illuminer leur quotidien.
Il y a quelque semaines, l’avocat Rama Valayden avait soumis au président de la République un rapport intitulé Wrongfully Convicted. Celui-ci a par la suite été référé à la Commission de pourvoi en grâce, qui s’est réunie le vendredi 30 août pour décider du sort des quatre condamnés dans l’affaire l’Amicale : Khaleeloodeen Sumodhee, Sheik Imran Sumodhee, Naseeb Keeramuth et Muhammad Shafik Nawoor. Tout porte à croire que c’est ce mardi 3 septembre que cette commission fera part de sa décision au président de la République.
En attendant le verdict, deux des condamnés, Khaleeloodeen Sumodhee et Naseeb Keeramuth, ont tenu à faire entendre leur voix par le biais de deux lettres qu’ils ont soumises à leur panel d’avocats. «J’ai été condamné à vie pour un crime que je n’ai pas commis. J’ai toujours clamé mon innocence dans cette affaire. Je n’ai pas mis les pieds à la rue Royale le jour de l’incendie, soit le 23 mai 1999. Je suis un père de famille qui a été arrêté alors que ses fils étaient en bas âge. Ils ont grandi sans l’amour paternel. Mais heureusement que durant tout ce temps, j’ai eu le soutien de ma femme Rozina qui a dû se débrouiller sans moi pour subvenir aux besoins de ma famille. On avait deux boulangeries qui ont dû fermer leurs portes», souligne Khaleeloodeen Sumodhee.
Il lance un appel aux instances concernées pour que son cas ainsi que celui de son frère et de deux autres condamnés soient pris en considération. «Je fais un appel au président de la République, au Premier ministre, au State Law Office, au DPP, au leader de l’opposition et au judiciaire pour qu’ils écoutent nos cris de détresse.»
Mais contrairement à lui, le condamné Naseeb Keeramuth n’a pas eu la chance d’être soutenu par tous ses proches. Dans sa lettre, celui-ci livre un témoignage bouleversant. «J’ai été arrêté injustement et mis en prison alors que mon fils n’avait que neuf mois. Je ne l’ai pas vu grandir. Cette arrestation a détruit ma famille. Ma femme m’a quitté. Je ne peux expliquer ce que j’ai vécu tant c’était insupportable et horrible. Plusieurs personnes ont trouvé la mort dans cet incendie criminel. Et les coupables sont toujours en liberté alors que quatre personnes paient pour un crime qu’ils n’ont pas commis. Pour que les âmes des victimes reposent en paix, je demande à leurs familles de faire entendre leurs voix. Ce, pour que les vrais coupables soient trouvés», affirme-t-il. Son souhait : «Que cette horrible injustice soit enfin corrigée au nom du Créateur.» Les condamnés espèrent de tout cœur que la Commission de pourvoi en grâce se prononce en leur faveur, le mardi 3 septembre. Ce qui leur permettra de goûter à la liberté après 14 longues années d’incarcération. D’ici là, l’insoutenable attente continue pour eux et leurs proches…
La terrible attente des Sumodhee
Vendredi a été une journée particulièrement éprouvante pour les membres de cette famille. Pour cause, la Commission de pourvoi en grâce, qui s’était réunie pour se pencher sur le cas des quatre condamnés de l’affaire Amicale, dont les deux frères Sumodhee, n’a pu rendre un verdict concernant la libération ou pas de ces derniers. Cette instance, présidée par sir Victor Glover, a reçu un document de 17 pages de l’expert scientifique canadien, le Dr Alfredo Walker, sur les examens post mortem des victimes de l’incendie. Ce n’est qu’après une étude minutieuse de ce rapport que la Commission pourra recommander de gracier les condamnés ou pas.
Mais Rozina Sumodhee n’en peut plus d’attendre. Chaque jour qui passe est un calvaire. «J’avais espoir que le verdict serait prononcé vendredi. Malheureusement, mon téléphone a sonné pendant toute la journée. Des amis et des membres de notre famille voulaient savoir ce qui avait été décidé. C’est dur d’attendre encore malgré les 14 années qui se sont déjà écoulées. Il faut les relâcher une bonne fois», lâche Rozina Sumodhee, très agacée par la situation. Pour elle, son mari mérite de retrouver la liberté. «Il est innocent. La vie est si difficile sans lui. À la prison, la situation des condamnés est encore plus pénible. Le frère de mon mari, Sheik Imran, ne jouit pas d’une excellente santé. Heureusement, leurs cellules se trouvent l’une en face de l’autre. Ils se soutiennent comme ils le peuvent et restent soudés», confie Rozina, les larmes aux yeux.
À ses côtés, Mourina Sumodhee, 75 ans, est écrasée par le chagrin. Cette dernière, qui n’est autre que la mère des frères Sumodhee, veut que justice soit rendue à ses fils. Car pour elle, il n’y a aucun doute : «Mes fils ont été emprisonnés injustement. Ils sont innocents», clame Mourina, haut et fort. À bout de force, celle qui a perdu son mari il y a quelques années s’en remet à Dieu concernant la libération de ses fils.
Me Rama Valayden :
«Je suis confiant…»
Il fait partie du panel d’avocats qui milite pour la libération des quatre condamnés dans l’affaire l’Amicale et attend lui aussi le verdict de la Commission de pourvoi en grâce avec impatience. «Tout laisse croire que sir Victor Glover soumettra la décision de la Commission de pourvoi en grâce au président de la République le mardi 3 septembre. Ce dernier a deux choix : accéder à la demande de cette commission si elle vote en faveur de leur libération ou lui rendre le dossier. Quoi qu’il en soit, nous avons formulé plusieurs demandes dont la possibilité que l’affaire l’Amicale soit référée à la Cour suprême ou que les condamnés obtiennent la grâce présidentielle ainsi que ce qu’on appelle le Free Pardon», explique Rama Valayden. Il se dit plutôt optimiste : «Je suis confiant que la commission soumettra un verdict positif. Toutefois l’attente est pire que celle à laquelle j’ai dû faire face dans l’affaire Michaela Harte.»