Même si la pornographie est illégale à Maurice, elle est néanmoins accessible à tous et, plus particulièrement, lors des navigations de nos jeunes sur Internet. Même un enfant peut tomber purement par hasard sur du matériel pornographique. Imaginez la scène. Votre fils de 5 ans fait une recherche sur Internet sur l’espèce canine, il décide de taper «chatte» sur google image, et voilà qu’apparaissent toutes sortes de photos vulgaires d’organes génitaux féminins en gros plan… Laissez-moi vous dire que le parent à côté sursaute devant une telle situation et c’est ce qui m’est arrivé il y a quelques années ! Le petit voisin, ami de mon fils, était également à la maison, ce qui a contribué à accroître mon stress. Même comme sexologue, je ne m’étais pas préparée à une telle situation. Je me
suis empressée de dire que ce n’était pas pour les enfants en tentant de rester le plus calme possible et le moment que cela a pris avant que la fenêtre Internet se referme m’a paru interminable !
À tout moment, un jeune peut tomber sur du matériel pornographique et être tenté d’y retourner par curiosité. Mais c’est aussi souvent bien volontairement que les jeunes vont rechercher de la pornographie sur Internet. À cet âge, ils ont une forte poussée hormonale qui stimule leur libido. Leurs besoins sexuels se font sentir au plus haut point et leur désir de combler leurs besoins sexuels à travers la masturbation devient pour la plupart imminent… et nombreux sont ceux qui se masturberont devant leur écran d’ordinateur ! Il est tout à fait normal qu’à l’adolescence les jeunes se masturbent à une grande fréquence qui peut s’élever parfois à 2-3 fois par jour. Quand on découvre le plaisir de l’orgasme pour la première fois et le sentiment de bien-être qu’il procure, il est bien normal de vouloir répéter l’expérience. C’est toute une nouvelle découverte et ça fait partie des expériences du développement de l’être humain. Il est même sain et positif d’apprendre à connaître son propre corps et ses réactions avant de les partager avec quelqu’un d’autre. D’ailleurs, la majorité des filles apprendront d’abord à se donner elles-mêmes un orgasme avant d’être capables de le vivre avec un partenaire. Contrairement à l’homme qui, lui, a souvent la chance de recevoir son premier orgasme comme un cadeau qui lui tombe du ciel et qu’on appelle wet dream (éjaculation nocturne), la fille elle, le vit habituellement autrement. Son sexe étant intérieur et moins accessible, et son orgasme nécessitant le développement d’une grande capacité d’abandon, c’est au fil de ses apprentissages qu’elle parviendra à en faire l’expérience.
Mais la sexualité féminine a toujours été plus taboue que celle de l’homme, surtout lorsqu’il est question d’aimer le sexe et de se masturber. L’héritage que nous avons reçu à cet égard depuis des décennies, pour ne pas dire des siècles, c’est qu’une bonne fille devrait faire l’amour par devoir conjugal… pour des raisons procréatrices et non pas pour son propre plaisir. Or, le tabou de la masturbation a toujours été plus puissant chez les filles que chez les gars et c’est long à s’en départir puisque c’est ancré dans la tête des gens depuis si longtemps. Avec les années qui passent, les femmes ont appris à s’autoriser cet accès au plaisir sexuel, au grand bonheur de leur partenaire. Car admettons qu’il est plus valorisant et stimulant pour un homme de voir sa partenaire jouir que de la voir soumise à faire son devoir conjugal sans rien ressentir. Or, malgré cette plus grande ouverture face au plaisir sexuel féminin, il n’en demeure pas moins que les préjugés sont très tenaces et que, aujourd’hui encore, les filles qui se montrent très actives sexuellement et qui s’affichent comme aimant le sexe sont traitées de filles faciles, au même titre que ces filles qui commettaient le péché d’avoir des relations sexuelles en dehors des liens sacrés du mariage.
C’est ici que la pornographie entre en ligne de compte ! On traite les filles de vulgaires alors que c’est le modèle de femme qu’on nous présente dans la pornographie. La pornographie est devenue omniprésente sur le plan mondial sur Internet mais elle s’est aussi immiscée insidieusement dans la culture populaire au fil des dernières années sans qu’on ne s’en rende trop compte. Elle s’est tellement bien intégrée dans les médias et dans la mode, qu’elle est devenue banale. Prenons par exemple les grandes stars qui se déhanchent sur scène ou qui miment des actes sexuels dans leurs vidéoclips. Ces chanteuses-là sont les idoles de nos enfants. Elles symbolisent la popularité, la réussite et la richesse. Elles exercent une grande influence sur les jeunes qui sont en quête de leur identité. Les adolescentes cherchent à s’identifier à ce modèle de femme qui est valorisé socialement. Elles veulent y ressembler pour plaire elles aussi. Et ce modèle de femme, qu’est-ce qu’il véhicule comme message ? Il véhicule l’idée que pour plaire à un homme, une femme doit miser sur son apparence physique. Pour plaire, une femme doit correspondre aux critères de beauté en vigueur : être mince, avoir de gros seins, s’habiller sexy, faire usage de chirurgie esthétique, etc. De plus, bien des grandes stars qui sont valorisées dans les médias véhiculent l’image qu’une femme plaît en s’affichant comme aimant le sexe et en se montrant disponible sexuellement. Le sexe, c’est cool et c’est hot. On apprend aux jeunes filles à plaire aux hommes exclusivement à travers leur corps et ce, dès leur plus jeune âge. C’est comme une sorte de brainwashing qui s’est infiltré au fil du temps jusque dans les bandes dessinées destinées aux enfants. En effet, n’avez-vous pas remarqué que les personnages féminins des bandes dessinées sont minces et sexy ?
Qu’arrive-t-il aux filles qui ne correspondent pas à ces critères de beauté ? Comment ces filles qui n’ont pas été gâtées par mère nature parviennent-elles à développer une bonne estime d’elles-mêmes ? Coucheront-elles rapidement avec un gars pour avoir des miettes d’amour parce que c’est à travers le sexe qu’on leur a appris qu’elles peuvent attirer un homme à elles ? N’ont-elles rien d’autre dans la globalité de leur personnalité pour plaire ?
Dans ma prochaine chronique, j’analyserai plus précisément le contenu de la pornographie et son impact sur la sexualité des garçons et des filles.