T-shirts et drapeaux : la tendance
était au rouge, ce samedi.
Deux hommes. Deux discours. Deux shows. Lors de l’événement du Young Labour Party, deux orateurs se sont exprimés dans des styles très différents.
Une vague rouge. Des centaines de jeunes (et de moins jeunes) arborant des T-shirts rouges à la gloire du Parti travailliste, sur lesquels on peut lire : Your Future With Labour. Des berlines prenant le soleil autour du rond-point du Centre de conférence Swami Vivekananda, à Pailles. Pas de tapis rouge… mais de la musique à fond, en ce début d’après-midi. C’est sur le rythme endiablé de We Will Rock You du groupe mythique Queen, que se pressent dans une certaine indiscipline ceux venus assister à la causerie de Robin Sharma, actuellement au centre d’une polémique (voir hors-texte). Congrès de l’aile jeune ou concert de rock ? Le doute est permis en ce samedi 3 août. Mais il sera très vite dissipé…
Pas tout de suite cependant, puisque la salle de conférence, avec sa grande scène digne d’un fashion show, des spots illuminant de traits rouges et des grandes affiches de la même couleur, laisse encore planer cette impression. Même Nita Deerpalsing, la présidente de l’aile jeune, avec sa petite robe noire sixties et sa mini-ceinture rouge – of course ! – apporte une petite touche de glamour. Et c’est sous les applaudissements du public que le célèbre gourou du leadership, Robin Sharma, fait son entrée. Il est un peu plus de 13h30 et la star du jour se lance sur son sujet de prédilection : Lead without a title. L’homme, auteur du célébrissime The Monk Who Sold His Ferrari, estime, dit-il, que les Mauriciens «vivent dans un paradis». D’ailleurs, il est «heureux», affirme-t-il, d’être citoyen mauricien depuis peu.
Pendant presque une heure, Robin Sharma s’adressera à ceux présents. Très vite, pour mettre tout le monde dans le bain, l’habitué des causeries, lance des petits jeux ; il invite le public à dire des paroles positives à son voisin – You look better than on Facebook, par exemple – et à se lancer dans des séances de massage express. Abu Kasenally, ministre des Terres et du Logement, exercera même ses talents de masseur sur une Sheila Bappoo tout sourire. Eh oui, même s’ils ne font plus partie des 18-30 ans, la majorité des ministres de l’alliance gouvernementale était présente, hier.
Pour aller de l’avant. Pour s’améliorer. Pour se réinventer. Le gourou, désormais mauricien, appelle à un changement d’état d’esprit. Il raconte des inspirational stories mettant en scène des personnalités – Steve Jobs ou Nelson Mandela, par exemple, et des anonymes –, précise qu’il faut être des obsessionnels du détail, viser la perfection et ne plus perdre son temps à ne pas cultiver ses talents. «Too many people are busy being busy», explique-t-il. Les heures perdues sur Facebook ou en jouant à Angry Birds, il ne veut plus en entendre parler.
«Fighting mood»
Il faut maximiser ses compétences, dit-il, afin de «rejoice when you die». «À la dernière heure du dernier jour de votre vie, il vous faudra pouvoir répondre à ces trois questions : Qui suis-je devenu ? Est-ce que j’ai bien utilisé mon temps sur terre ? Combien de personnes ai-je aidé ?» Et afin d’être satisfait des réponses, tout un chacun est appelé à être un leader, à faire face à ses peurs et à ne plus être une victime. «On ne devient pas leader pour l’argent, pour la gloire», a-t-il précisé. Face à un public tantôt motivé, tantôt amorphe, Robin Sharma a fait son show et a donné un max de positive vibes (voir hors-texte)… avant de laisser la parole à un autre showman.
Et c’est un Navin Ramgoolam tout souriant qui s’avance sur la superbe scène, sur les notes d’un séga à son honneur. Du côté de l’aile jeune du PTr, on avait prévenu qu’il n’y aurait pas de discours politique (ce congrès célèbre la journée de la jeunesse). Néanmoins, très vite, les propos du Premier ministre font quasiment oublier la raison principale de cette assemblée. Le chef du gouvernement est dans un fighting mood. Et ses cibles : l’opposition, la presse et les «religieux». Pour lui, ce ne sont que des personnes «médiocres» qui ont critiqué la participation de Robin Sharma à ce congrès. Des personnes, dit-il, qui étaient contre l’éducation gratuite : «Pour mon père, c’était ‘‘replace an empty mind with an open mind’’.» Et ces mêmes individus, poursuit-il, animent des conférences de presse tous les samedis pour critiquer et dénoncer des scandales qui n’existent même pas : «Sans une proposition pour améliorer la vie des Mauriciens.»
Navin Ramgoolam s’en est également pris à la presse qu’il qualifie aussi de «médiocre». À l’heure des questions (posées par des jeunes qui auraient été tirés au sort), le Premier ministre a déclaré que ce sont les médias qui donnent l’impression que la criminalité est en hausse dans le pays : «Alors que les chiffres démontrent une baisse, les journalistes, eux, recherchent le sensationnalisme. C’est pour cela qu’il y a cette impression.» Des interrogations concernant le Law & Order, Maurice île Durable et l’avenir économique du pays ont permis au chef du gouvernement de parler de ses réalisations, de certains de ses projets – la culture d’une plante qui produirait du charbon végétal et du diesel, par exemple –, de son désir de «mauricianisme» et de sa stratégie pour faire face à la crise.
Sur ce dernier point, il a expliqué sa démarche de démocratiser l’économie : «Nous ne voulons pas prendre ce qui appartient à ces tigit dimunn ki kontrol lekonomi et qui n’ont qu’à aller à la MCB pour avoir de l’argent. Nous voulons qu’il y ait plus d’acteurs.» Et c’est pour cela qu’il estime qu’il faut miser sur les PME et développer de nouveaux pôles d’investissements : «Nous voulons que les Mauriciens deviennent une nation d’entrepreneurs.» Une façon de
faire face à la crise économique européenne qui affecte Maurice.
D’autre part, le leader du Labour Party s’est insurgé contre les «religieux» qui s’ingèrent dans les affaires de l’État. «Ils disent : ‘‘il faut faire çi, il faut faire ça…’’ Si Dieu n’a pas réussi à le faire, comment vais-je y arriver, moi ?» Des propos très politisés qui n’ont, visiblement, pas inspiré certaines personnes présentes. Alors que le Premier ministre s’exprimait, ils étaient nombreux à quitter la salle pour rejoindre les nombreux autobus stationnés à l’extérieur. C’est donc un peu avant 16 heures que le Premier ministre a rendu le micro à Nita Deerpalsing… avant d’avoir une sortie digne d’une star et de se laisser submerger par une vague rouge de sympathisants.
Une bouffée… d’inspiration
Que retiennent-ils de la causerie de Robin Sharma ? Quatre jeunes présents au congrès du Labour Party répondent…
Rukshaar Skheerah : «J’ai retenu qu’il fallait avoir du cœur, du courage et de la sagesse pour espérer faire une différence dans sa vie, dans son pays et dans le monde. C’est une vision du leadership qui m’inspire vraiment.»
Anaïs Liotaud : «Robin Sharma nous pousse à dépasser nos limites. J’ai adoré ! Mais je crois que le Premier ministre n’a pas saisi correctement ce que le gourou voulait dire. Son discours avait une connotation trop politique. Ce n’est pas ce que nous attendions. Nous voulions des réponses claires à nos questions, une vision nouvelle.»
Nilesh Mattarooa : «Stay good. Be confident. Work hard. C’est ce que je retiens des propos de Robin Sharma. Je trouve que cette formule résume bien son message.»
Meshak Kheedun : «J’ai aimé l’idée d’être un leader doit être notre but dans la vie. Et qu’on doit toujours donner le meilleur de nous-mêmes afin de venir en aide aux
autres. C’est une belle façon d’appréhender la vie.»
Ça fait polémique !
Robin Sharma pour une conférence gratuite : c’était la bonne nouvelle pour de nombreux jeunes. Néanmoins, la venue du gourou du leadership a fait couler beaucoup d’encre cette semaine. Nombreux sont ceux qui se sont interrogés sur le financement de cette initiative du Labour Party, sur le coût de la participation de cette grosse pointure internationale et sur le fait que l’homme ait été fait citoyen mauricien il n’y a pas très longtemps.
Nita Deerpalsing, la présidente de l’aile jeune, a répondu aux nombreuses critiques en assurant que le financement de la présence de Robin Sharma était assuré par le parti et non par le gouvernement. De plus, elle a justifié le choix du PTr de faire venir Robin Sharma pour célébrer la jeunesse : «Il est un exemple intellectuel et une source d’inspiration pour beaucoup de jeunes.»