Le corps complètement carbonisé de la victime avait été transporté à la morgue de l’hôpital Candos à des fins d’autopsie.
Cet employé de la centrale d’électricité a connu une mort atroce ; il a été électrocuté alors qu’il procédait à la réparation d’un disjoncteur aux Casernes centrales. Un de ses collègues a été brûlé aux bras lors du même exercice. Par ailleurs, un autre salarié du CEB a été sérieusement blessé, quelques heures plus tard, alors qu’il effectuait des travaux à St-Pierre…
Une semaine sous haute tension. C’est ce qu’a vécu le Central Electricity Board (CEB) durant cette semaine avec pas moins de deux drames qui ont touché ses employés. Un ingénieur est décédé alors qu’il effectuait des réparations à la substation du CEB aux Casernes centrales, tandis qu’un ouvrier a été grièvement blessé quand le pylône sur lequel il effectuait des travaux s’est renversé (voir hors-texte).
En tout cas, la mort soudaine et atroce de l’ingénieur Ashwin Jootun, 36 ans, a secoué toute l’île Maurice mercredi dernier. Mais que s’est-il vraiment passé lors de cet exercice qui aurait débuté aux alentours de 13 heures ? C’est l’énigme que tentent de résoudre la police, les Health and Safety Officers du ministère du Travail ainsi qu’une équipe au niveau du CEB chargée de mener une enquête interne pour faire la lumière sur ce drame qui a coûté la vie à cet habitant de Coromandel.
État de choc
Selon ce que nous a déclaré Balraj Naroo, le Chairman du CEB, quelques heures après le drame, Ashwin Jootun est mort électrocuté alors qu’il manipulait un disjoncteur de 22 kilovolts. Dikshin Sukhoo, qui accompagnait la victime à ce moment-là, a subi des brûlures aux bras et est actuellement admis à la clinique Fortis Darné, alors que Richard Martin, qui devait, lui, récupérer ses deux collègues, a été admis à l’hôpital Jeetoo à Port-Louis, où il est en état de choc depuis qu’il a été témoin de l’accident.
Les enquêteurs attendent la permission des médecins du technicien Sukhoo pour enregistrer sa déposition. Une étape jugée cruciale pour l’avancement de l’enquête. D’autant que le supérieur hiérarchique des trois employés, Dasrath Seewoosunkur, a, dans une déclaration à la police, le jour du drame, déclaré qu’il ne leur avait donné aucune instruction pour se rendre à la substation des Casernes centrales pour y effectuer une quelconque réparation. Donc, qui leur a ordonné de se rendre sur place ? La police compte aussi interroger d’autres hauts cadres du CEB pour tirer cette affaire au clair.
Les employés de la section Health and Safety du ministère du Travail mettent également les bouchées doubles pour faire la lumière sur les circonstances exactes de ce drame. Selon une première enquête, il semblerait que l’ingénieur Jootun ne portait ni gant ni casque de sécurité au moment où il réparait le disjoncteur défaillant. Car ces équipements, jugés importants lors de telles manipulations, n’auraient pas été retrouvés sur les lieux du drame. Les explications du technicien Dikshin Sukhoo sont donc très attendues pour déterminer si l’ingénieur avait pris les mesures de précaution nécessaires ou pas.
Chez les proches de la victime, personne n’a souhaité commenter cette affaire. «Nous préférons faire notre deuil tranquillement», nous a déclaré un proche d’Ashwin Jootun. Un de ses beaux-frères a aussi précisé que la famille avait déjà consigné une déposition à la police pour négligence. Marié depuis presque dix ans, Ashwin Jootun caressait le rêve de devenir père. Un rêve qui ne deviendra, hélas, jamais réalité.
Michael Allas admis aux soins intensifs d’Apollo Bramwell
Cet électricien est admis à l’unité des soins intensifs de l’Apollo Bramwell Hospital depuis le mercredi 31 juillet. Ce jour-là, un pylône électrique sur lequel il effectuait des travaux, à St-Pierre, s’est renversé sur lui. Depuis, Michael Allas souffre le martyre sur son lit d’hôpital. Sa mère Sylvia Allas a dû faire le déplacement de Rodrigues pour venir à son chevet. Rencontrée à l’Apollo Bramwell Hospital, elle ne cache pas son inquiétude quant aux blessures qu’a subies son fils. «Il est hors de danger. N’empêche, il souffre beaucoup car il a eu un violent coup à la mâchoire et une vilaine blessure au pied. Il tient le coup même si c’est difficile», explique Sylvia Allas, l’air inquiète. Si le jeune homme va s’en sortir, il ne pourra toutefois pas reprendre le travail de sitôt. «Il devra sans doute faire des exercices de rééducation vu l’état de son pied. Heureusement que c’est la compagnie qui se charge de ses frais médicaux», confie Sylvia.
Clency Bibi, employé du CEB, brûlé au troisième degré :
«Je revis mon drame»
Il aurait pu y laisser la vie mais il s’en est sorti avec des brûlures au troisième degré sur la majeure partie du corps. C’était le lundi 29 septembre 2008. Aujourd’hui encore, cet employé du CEB porte sur lui les traces de ce terrible accident. Le drame mortel de l’ingénieur Jootun l’a fait revivre le cauchemar par lequel il est passé, il y a cinq ans. «J’étais sur les lieux du drame quelques heures après le terrible accident. Ça sentait atrocement le brûlé. Du coup, je me suis vu cinq ans en arrière lorsque j’ai eu cet accident. Pourtant, ce jour-là, j’étais à un mètre de l’appareil qui a explosé», explique Clency Bibi qui souffre de surdité depuis son accident.
Il concède toutefois que bien que les employés du CEB prennent toutes les précautions nécessaires pour parer à tout danger, celui-ci est toujours présent sur leur lieu de travail. «L’environnement est propice à des accidents. À n’importe quel moment, un drame peut se produire. Il y a des centaines d’accidents qui ont lieu pendant l’année, mais ces cas ne sont pas répertoriés dans la presse», déclare Clency Bibi. Celui qui se considère comme un miraculé précise qu’il a eu le soutien indéfectible de sa famille pendant cette dure épreuve. «Sans elle, je n’aurais pas survécu. Je suis conscient du travail psychologique que l’employé qui était en compagnie de la victime au moment du drame aura à faire sur lui-même pour essayer de reprendre une vie normale.»