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Son épouse : «Ce drame a conduit mon mari à la tombe» 

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Deux mois après le terrible accident qui a fait plusieurs morts et blessés, l’un des passagers qui s’en était sorti, Satianand Ramchurn, est décédé. Pour son épouse, il n’y a pas de doute : ce sont les complications de santé liées à cet accident qui ont eu raison de lui. D’autres rescapés que nous avons rencontrés racontent, pour leur part, comment leur vie a basculé depuis cette tragédie qui a marqué toute l’île Maurice (voir hors-texte).

Il y a deux mois, il avait vu la mort de très près. Satianand Ramchurn, 57 ans, était à bord de l’autobus Blue Line de la CNT, immatriculé 4263 AG 07, qui avait dérapé à Sorèze, le 3 mai, faisant dix morts et plusieurs blessés. Depuis, il semble que l’ombre de la mort planait sur cet habitant de la rue Jaylall, à Quatre-Bornes. Le dimanche 14 juillet, il est décédé d’une crise d’hypertension qui, à en croire sa femme Nila Ramchurn, serait liée directement à l’accident.

Car la santé de son mari, confie-t-elle en larmes, s’était beaucoup détériorée à partir de ce moment. «Depuis cet accident, la vie de mon mari avait complètement changé. Il souffrait beaucoup, surtout de douleurs musculaires, de maux de tête persistants, de stress et il dormait très peu, car il faisait toujours des cauchemars. Il souffrait déjà de diabète et d’hypertension. Mais les complications de santé supplémentaires provoquées par l’accident l’ont davantage fragilisé.»

Complètement anéantie, Nila a du mal à croire que son époux a été rattrapé par la mort si brusquement. «Le vendredi 12 juillet, il s’était réveillé à 6h30. Il a pris son bain, puis a dit ses prières, comme à son habitude. Ensuite, il est allé acheter du pain pour le petit déjeuner que nous avons pris ensemble. À ce moment-là, il m’a confié qu’il avait des vertiges et qu’il se sentait très faible», raconte-t-elle d’une voix brisée par le chagrin.

Rs 3 000 de frais médicaux

Pensant que ce n’était qu’un petit malaise sans importance, Satianand a continué à vaquer à ses occupations. Mais aux alentours de 8h30, il a été pris de vomissements. «Il a eu d’autres malaises avant de vomir. Puis, se sentant mieux, il est allé voir une voisine qui habite non loin de chez nous. Là-bas, il a été de nouveau pris de vomissements. Il ne pouvait pas tenir sur ses jambes. On l’a alors emmené à l’hôpital où il a été admis aux soins intensifs. Hélas, il est décédé deux jours plus tard. Son médecin nous a déclaré qu’une veine s’était rompue dans sa tête.»

Depuis, la famille Ramchurn est plongée dans une immense douleur. Elle ne s’attendait pas à ce que Satianand succombe à ses complications de santé, même s’il était mal en point depuis l’accident. «Il était suivi par deux médecins : un dans le privé et un autre à l’hôpital. Depuis l’accident, il prenait douze pilules par jour et il se rendait à ses rendez-vous médicaux chaque 15 jours», souligne Nila qui ne peut cacher ses émotions.

Outre la santé précaire de Satianand, les Ramchurn devaient faire face à un autre problème majeur depuis l’accident : les finances de la famille étaient dans le rouge. «À cause de ses ennuis de santé, mon mari ne pouvait plus travailler. Il était entrepreneur en travaux de construction depuis 30 ans. Après l’accident, nous vivions de la pension de Rs 4 500 que la Sécurité sociale lui versait et de l’aide financière que nous apportaient nos proches. On a dû se serrer la ceinture», explique la veuve éplorée.

Outre cette dernière, Satianand laisse derrière lui deux filles de 28 et 21 ans, et un fils de 18 ans, qui doit prendre part aux examens de SC cette année. «Les enfants sont anéantis. D’autant qu’il y a trois ans, nous avons perdu un autre membre de la famille; ma fille Sweta, âgée de 22 ans, est morte après une longue maladie. Aujourd’hui, le malheur nous frappe à nouveau en plein cœur», pleure Nila.

Souffrant de plusieurs maladies, obligé de trouver un budget de Rs 3 000 par mois pour ses frais médicaux, hanté par des cauchemars, Satianand n’en pouvait plus. C’est pourquoi, selon son épouse, il avait formulé le souhait d’attaquer la CNT en justice pour réclamer des dommages. Et ce, quelques jours seulement avant sa mort. «Il en a parlé une semaine avant son décès. Il avait même dit qu’il allait voir un voisin avocat pour avoir des conseils légaux et qu’il voulait rencontrer d’autres rescapés pour une action commune. Mais il n’a pas eu le temps de faire la moindre démarche dans ce sens», regrette Nila Ramchurn. Son époux, confie-t-elle, était animé d’un autre désir auquel il tenait particulièrement : celui de rendre visite à une de ses filles qui habite en Irlande. Un rêve qu’il ne réalisera, hélas, jamais.

Le calvaire des autres passagers

Ce sont un peu les oubliés de Sorèze, ceux dont on ne parle pas, dont on ne sait pas comment ils vivent depuis ce tragique accident. Nous leur avons donné la parole.

Simla Oril : «Je suis obligée d’avaler huit comprimés par jour»

Sa vie n’est plus la même depuis le tragique accident. Car Simla Oril, qui était, il y a quelques mois, une femme forte et en bonne santé, est aujourd’hui fragilisée par l’expérience traumatisante qu’elle a vécue le 3 mai. «Je suis obligée d’avaler huit comprimés par jour. Car j’ai toujours des douleurs musculaires d’autant que j’ai eu des blessures internes lors de l’accident. Je suis également un traitement médical et psychologique pour surmonter la peur de voyager en autobus, qui est omniprésente. Quand j’ai repris le travail un mois et demi après le drame, j’ai voyagé en compagnie d’une collègue pendant une semaine. Elle me serrait la main lors du trajet afin de me rassurer, car je ressens une peur constante. Maintenant quand je prends le bus, je mets mes écouteurs pour masquer les bruits de l’autobus.»

Pascale Fidèle : «Maintenant il m’arrive de dire aux chauffeurs de ralentir»

Elle est toujours hantée par les scènes d’horreur de la tragédie de Sorèze. Et Pascale Fidèle ne le cache pas. «J’ai toujours peur qu’un autre accident m’arrive. C’est un épisode qui me marquera certainement à vie. Maintenant, lorsque je voyage, il m’arrive de hurler aux chauffeurs de ralentir si je juge qu’ils vont trop vite. Je suis beaucoup plus consciente des dangers de la route, car je sais que tout peut arriver à n’importe quel moment. Heureusement que ma foi me pousse à dépasser mes peurs.»

Charlène Veerapen : «Je suis suivie par un psychologue et un psychiatre»

Son premier geste matinal : avaler un comprimé antistress. «C’est comme ça depuis l’accident de Sorèze», confie la jeune femme qui affirme être suivie par un psychologue et un psychiatre. Après l’accident, elle s’en était sortie avec plusieurs points de suture à la tête. «Jusqu’à présent, j’ai toujours des douleurs à la tête. Chaque mois, je me rends à mon rendez-vous à l’hôpital. L’accident m’a traumatisée. Ce n’est que cette semaine que j’ai recommencé à prendre le Blue-Line qui va directement à Port-Louis où je travaille. Avant, je prenais l’autobus qui passe par Rose-Hill, Beau-Bassin, entre autres, juste pour éviter de passer par Sorèze.»

Vicky Gobin : «Les marques sur mon visage me rappellent ce terrible drame»

Un œil au beurre noir toujours visible et une profonde cicatrice au front. Ce sont là les traces de l’accident que porte toujours Vicky Gobin. «Dès que je me regarde dans un miroir, je vois la cicatrice et mon œil au beurre noir qui me rappellent ce terrible drame. C’est le plus dur pour moi. Désormais, je dois me maquiller les yeux tous les jours pour camoufler mon œil au beurre noir. Ce n’est, certes, pas une partie de plaisir. D’autre part, je dois prendre un comprimé antistress chaque jour, sans compter les visites médicales. Cette semaine, je viens d’avoir mon permis de conduire, mais j’avoue que je ne suis pas prêt à prendre le volant, car l’accident de Sorèze me hante toujours.»

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