Imaginez un seul instant que le coursier Hinterland est aligné dans une épreuve. Il est coté à Rs 100 pour un gain de Rs 180. Dans le même champ, il y a Tambour Battant qui n’intéresse pas les ‘zougadères’. Sa cote ? Rs 100 pour Rs 8 000. Après leur tour de piste, Hinterland est terrassé sur le fil par l’extrême outsider qu’est Tambour Battant.
Ce qui s’est passé pour le remplacement de Sylvio Michel, ministre démissionnaire, est une copie conforme de cette course. Au départ, il y avait plusieurs prétendants sur la ligne de départ. Il y avait, bien sûr, celle qui avait la cote de favori, Françoise Labelle. Puis, un quatuor d’hommes constitué de Jean-Claude Barbier, Gérard Paya, Mico Arunasalom et, surtout, Maurice Allet, le seul leader politique au sein de l’alliance gouvernementale sans portefeuille ministériel.
Il y a eu des tractations, du lobbying, certains avançant même des arguments épidermiques pour justifier qu’ils méritaient le poste vacant. Le Politburo du MMM est divisé sur le choix de Labelle : elle est nouvelle dans la barque des mauves, arguent-ils. Bérenger écoute, observe, montre son irritation.
Puis, coup de théâtre ! Le ministre nommé est bien une femme comme promis. Mais pas Labelle. Encore moins Danielle Perrier. Pourtant, toutes deux du MMM. Paul Bérenger a choisi de sacrifier son parti et, par ricochet, Françoise Labelle pour ne pas donner le sentiment qu’il a cédé aux pressions.
Il a préféré plaire au MSM. Leela Devi Dookun-Luchoomun étant l’unique femme parlementaire de l’équipe de Pravind Jugnauth, elle est automatiquement ministre.
Après la douche froide de cette nomination est venu le moment de l’étonnement et des questions. Pourquoi Leela Devi Dookun, pourquoi le MSM ?
Il y a deux lectures de ces interrogations.
La première : le leader du MMM veut rassurer son partenaire MSM qui devient, avec l’arrivée de Leela Devi Dookun, majoritaire au sein du Cabinet ministériel. Ainsi, au cas où il y aurait des velléités de la part du MSM de lorgner du côté du Square Guy Rozemont, Pravind Jugnauth est coincé.
La deuxième lecture est tout aussi limpide: l’année prochaine est celle des législatives. Paul Bérenger doit rassurer la communauté majoritaire. Surtout qu’en face, il existe une Opposition qui ne manquerait pas de jouer à fond la carte communale, vu que le leader du MMM compte se présenter comme Premier ministre de l’alliance MSM/MMM.
En nommant Leela Devi Dookun, Paul Bérenger lance un signal fort à la communauté majoritaire : un ministre de la population générale s’en va, il le remplace par une femme, hindoue et de bonne caste. Le geste est symbolique de la part du leader du MMM. Quitte à indisposer son propre électorat.
Quant aux postes de PPS, le Premier ministre case Françoise Labelle et, surtout, Danielle Perrier par un coup de maître. Éric Guimbeau en fait les frais, cette fois.
Derrière la nomination de l’extrême outsider Leela Devi Dookun se cache une stratégie politique digne de Bérenger. Le Premier ministre fait entrer dans les rangs ceux qui étaient contre sa décision d’opter pour Labelle, fait entrer une deuxième femme au Cabinet et nomme deux femmes PPS, lie le MSM au MMM jusqu’aux prochaines législatives et envoie un signal fort à la communauté majoritaire. Joli coup !