Quelle surprise Chetty nous réserve-t-il encore ? Quel meurtre, quel empoisonnement, quelle agression seront maintenant révélés à la veille de Noël ? Qui voulait éliminer qui et pourquoi ? Quel est celui dont le visage devait être lacéré ? Quel bras devait être coupé ? Quel incendie était prévu ? Qui devait mourir par overdose ? Qui devait être empoisonné par du cyanure ?
À écouter les révélations choquantes d’Antoine Chetty, on pourrait croire que commanditer un meurtre ressemble à placer une commande au restaurant. On demande la carte, on choisit le menu et on passe à l’exécution de la commande.
S’il est vrai qu’à ce stade, les paroles d’Antoine Chetty - repenti, paraît-il, depuis son arrestation - ne sont que des allégations, s’il est aussi vrai que ceux qu’ils dénoncent sont présumés innocents jusqu’au moment du jugement par la Cour, s’il faut concéder que c’est à la police de distinguer le vrai du faux dans le flot d’accusations d’Antoine Chetty, l’on ne peut oublier que dans le cas d’au moins deux affaires, deux agressions physiques sur deux Mauriciens ont bel et bien eu lieu.
D’abord celle de Philippe Calou. Comment oublier que ce vieil homme agressé au sabre en 1995, devenu partiellement infirme par la suite, fut battu - selon les aveux d’Antoine Chetty- à tel point que « so lezo crasé coma bouteille. » L’attaque de Pravind Buckory ensuite. Ce jeune homme a eu la joue gauche lacérée, le 7 octobre 1997 en face de sa maison, par deux hommes qui circulaient à moto ; il porte encore aujourd’hui les traces de cette lâche violence.
Deux agressions commises des années de cela et qui n’auraient, peut-être, jamais connu de suite sans les témoignages de celui qui se décrit comme l’agresseur.
Et dire que si Chetty n’avait pas été arrêté dans une affaire de drogue, ces deux cas n’auraient jamais été portés au grand jour. Et dire aussi que si Chetty, malgré son incarcération, s’était tu, nous n’en saurions rien aujourd’hui.
C’est ce qui choque. Car à écouter au moins ces deux victimes, les enquêtes furent données en bonne et due forme aux policiers. Dans le cas de l’agression de Philippe Calou, ce dernier avait même, et ce dès le 17 janvier 2000, balancé Antoine Chetty comme ayant été l’un de ses agresseurs. Comment expliquer que malgré cette dénonciation, Antoine Chetty pouvait en toute tranquillité vaquer à ses occupations, sans aucune crainte ? Si dans le cas de l’agression de Pravind Buckory, l’affaire fut, de surcroît, évoquée à l’Assemblée nationale, toujours est-il qu’il n’y avait eu, par la suite, aucune arrestation, si ce n’est - comble de l’ironie – celle de Pravind Buckory lui-même.
À quelle conclusion devrait-on arriver ? À celle qui donne à penser qu’effectivement des crimes peuvent être commis à Maurice sans que les coupables soient punis ? Et la police alors ? Comment expliquer qu’il n’y a jamais eu d’arrestation s’agissant de ces deux affaires éclatées au grand jour ? Y a-t-il justice pour certains et injustice pour d’autres ?
Si c’est à ça qu’on devrait conclure, il est permis d’être révolté. On pourrait aussi comprendre, à ce moment-là, pourquoi certaines affaires ne sont toujours pas élucidées jusqu’à aujourd’hui : disparition d’Ackmez Aumeer, les disparus de Pomponette, la mort des amants de Bassin Blanc, bref, la liste est longue.
L’affaire Antoine Chetty aussi qui, au train où vont les choses, comporte son lot de surprises…