L’école est-elle en passe de devenir une garderie pour adolescents ? L’obligation d’aller en classe jusqu’à l’âge de seize ans est diversement commentée par les acteurs du domaine éducatif. Certains ne s’expliquent pas l’empressement du ministre Obeegadoo. Avec raison.
Dans le fond, la nouvelle loi, votée mardi dernier à l’Assemblée nationale pour rendre l’éducation obligatoire jusqu’à l’âge de seize ans, est intéressante. Maurice se met au diapason des pays développés.
Dans la forme, l’application d’une telle mesure semble difficile sur le plan pratique.
Que veut le ministre Steven Obeegadoo ? Il veut, dit-il dans l’interview qu’il nous donne en page 11, assurer que les jeunes du pays seront compétents quand ils se mettront sur le marché de l’emploi.
Les syndicalistes ne voient pas les données sous cet angle. Ils pensent que le ministre a été trop vite en besogne, même s’ils ne rejettent pas les bonnes intentions contenues dans la nouvelle loi.
Les principaux reproches concernent la filière pré-professionnelle, base même de la loi Obeegadoo. Les propriétaires des collèges privés estiment qu’ils ont été bien obligés, après âpres discussions, d’accepter de trouver un coin pour accommoder les enfants en difficultés scolaires. Car- il est bon de le souligner- le ministre était encore en négociation quelques heures seulement avant la présentation de son projet de loi, mardi dernier.
Qu’en est-il du programme d’études de ces enfants en échec scolaire après le CPE ? Quelle est la compétence de ces enseignants qui auront la lourde responsabilité de sauver ces adolescents du désastre ?
Quand le projet pré-professionnel a été introduit dans des écoles du Bureau de l’Éducation Catholique (BEC), il l’a été sur une base pilote. Le généraliser dans les collèges suppose que le ministère a déjà établi un programme de formation spécialement adapté pour ces enseignants. Et que le programme académique destiné à rendre ces adolescents compétents n’est pas en déphasage avec le niveau jugé déjà bas de ces jeunes qui passent dans le milieu pré-professionnel juste après un échec académique.
Or rien, ou presque, n’a été fait dans ce sens. Pourquoi alors s’empresser d’introduire l’école obligatoire jusqu’à l’âge de seize ans ? N’est-ce pas rendre un mauvais service à ces jeunes que de les pousser dans une filière pré-professionnelle, alors qu’on relève tant de manquements … professionnels de la part du ministère ?
Un autre point qui, à notre sens, est ridicule : les pénalités qui sanctionneront le parent responsable d’un enfant qui ne va pas à l’école. Si la raison donnée n’est pas jugée valable, il risque une amende de Rs 10 000 et deux ans de prison au maximum.
Où vivons-nous ? Steven Obeegadoo se justifie en disant, toujours dans l’interview en page 11, qu’une loi similaire est en vigueur chez nous depuis 1957 et que jusqu’ici personne n’a été mis derrière les barreaux pour manquement.
Sait-il qu’il existe mille et une raisons pour lesquelles des enfants ne vont pas à l’école ? A-t-il tenté d’en connaître au moins les causes à travers des organisations non-gouvernementales connues pour être proches de cette catégorie de citoyens ? Souvent, c’est pour une banale question de sous que des enfants sèchent les cours.
Steven Obeegadoo postule aussi qu’un «enfant âgé de 15 ans pourra travailler pendant le week-end ou les vacances uniquement». Il a tout faux. La ‘Labour Act’ et l’Apprenticeship Act’ permettent à un adolescent ayant atteint ses 15 ans de se mettre officiellement sur le marché du travail. Donc, l’obligation de rester sur les bancs de l’école jusqu’à 16 ans est rendue caduque.
Il ne sert à rien, M. le ministre, de ‘dump’ dans des classes ces jeunes en rupture avec l’école juste pour leur éviter une exploitation dans le milieu du travail ou pour les garder loin du vagabondage.
Ces adolescents viendraient à l’école comme certains bambins vont à la garderie, parce que papa et maman ne peuvent les garder.